Eglises d'Asie

Un haut fonctionnaire du département d’Etat américain doute de la réalité du changement de politique religieuse du gouvernement vietnamien

Publié le 18/03/2010




Au cours d’une rencontre organisée au Sénat américain, le 19 mai dernier, John Hanford, envoyé spécial de la Commission pour la liberté religieuse dans le monde, s’est ainsi exprimé au sujet de la politique religieuse du Vietnam : “Les Etats-Unis ont pris acte des déclarations par lesquelles les autorités vietnamiennes s’engageaient à réformer leur politique vis-à-vis de la liberté religieuse, mais ils sont préoccupés par la pression qu’elles continuent à exercer sur la religion” (1). L’envoyé spécial s’est montré particulièrement inquiet de la situation religieuse sur les hauts plateaux du Centre-Vietnam. Les croyants continuent d’y être réprimés et les assemblées religieuses y sont souvent interrompues par des incursions policières qui forcent les participants à se disperser. Le 13 mai précédent, un rapport de l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch avait déjà attiré l’attention sur ce point.

Les engagements du Vietnam auxquels font allusion les propos du diplomate américain sont constitués par des promesses orales et des textes législatifs. Un certain nombre de textes amendant la législation actuellement en vigueur en matière religieuse a été en effet publié à partir de septembre 2004, date à laquelle le département d’Etat américain a inscrit le Vietnam sur la liste des pays “particulièrement préoccupant” en ce qui concerne la liberté religieuse (2). En février 2005, était publiée par le Premier ministre vietnamien la directive n° 2 traitant plus spécialement du protestantisme (3). Selon le Nhân Dân du 21 mai dernier, le Bureau des Affaires religieuses en a exposé les réformes principales dans une réunion organisée par lui, à Hô Chi Minh-Ville, à l’intention des membres du Bureau administratif de l’Eglise évangélique du Sud et des pasteurs responsables de communautés de la province de Binh Phuoc et de la région des hauts plateaux. Cependant, selon le rapport de Human Rights Watch, les réformes en question auraient été utilisées pour accentuer encore davantage le contrôle sur les chrétiens protestants des Eglises domestiques. Peu après la parution de cette directive, un document important, quoique peu remarqué, a été publié. Rendu public le 1er mars 2005, il s’agit du décret d’application de l’Ordonnance sur la croyance et la religion, intitulé décret N° 22/2005/ND-CP (4). Ce texte est capital dans la mesure où il précise dans les moindres détails l’application de l’Ordonnance. A partir de ce dernier décret, des formulaires ont été rédigés et distribués aux responsables religieux à Hô Chi Minh-Ville, qui doivent les suivre dans le détail chaque fois qu’ils font une demande au gouvernement.

Ces textes administratifs, qui ont été accompagnés de la libération d’un certain nombre de prisonniers politiques, ont été considérés par les Etats-Unis comme des signes d’ouverture (5), des signes qui ont été sans doute confirmés par des engagements oraux au cours des négociations ayant précédé l’annonce du voyage du Premier ministre Phan Van Khai aux Etats-Unis, dont les dates viennent d’être précisées. Ce voyage aura lieu du 19 au 25 juin 2005 (6).

L’ensemble de ces signes d’ouverture a conduit les Etats-Unis à signer, le 11 mai dernier, des accords avec le Vietnam sur la question religieuse, dont le contenu n’a pas, à ce jour, été rendu public (7). Cependant, la conviction des dirigeants américains concernant le revirement de la politique vietnamienne en matière religieuse n’est, sans doute, pas très assurée puisqu’elle laisse subsister de sérieux doutes chez certains hauts fonctionnaires particulièrement informés de la situation, comme John Hanford.