Eglises d'Asie

Une percée scientifique sur la voie du clonage thérapeutique d’embryons humains suscite l’enthousiasme de la presse locale et la réprobation de responsables catholiques

Publié le 18/03/2010




L’annonce, le 19 mai dernier, sur le site Internet de la revue scientifique Science, qu’une équipe sud-coréenne, en collaboration avec des biologistes américains, était parvenue à obtenir des lignées de cellules souches humaines à partir de la création in vitro d' »embryons via la technique du transfert de noyaux de cellules somatiques dans des ovocytes préalablement énucléés, a suscité l’enthousiasme de la presse locale. Les grands titres de la presse nationale ont salué la performance, la qualifiant de « révolution scientifique soulignant l’avancée des laboratoires sud-coréens dans le domaine de la biologie médicale. Pour les spécialistes du monde entier, cette équipe a franchi une étape majeure dans la maîtrise des techniques qui ouvriraient la voie au clonage à visée thérapeutique dans l’espèce humaine.

Certains journaux ont évoqué les questions morales soulevées par ces recherches. Le plus souvent, leur analyse était que l’auteur de ces expériences, le professeur Hwang Woo-suk, directeur de l’équipe du Collège de médecine vétérinaire, de l’Université nationale de Séoul, s’était entouré de toutes les garanties éthiques nécessaires. Le Chosun Ilbo du 20 mai rapportait ainsi que Hwang Woo-suk avait reçu l’accord préalable de trois comités de bioéthique afin de s’assurer que son travail ne soulèverait pas de controverses.

En contraste avec ces réactions positives, les milieux chrétiens sud-coréens ont souligné les dangers soulevés par les expériences de Hwang Woo-suk. Alberto Oh Il-hwan, directeur du Centre de thérapie cellulaire de l’Université catholique de Corée, a mis en avant le fait que le clonage de cellules souches embryonnaires « pouvait très aisément mener au clonage reproductif, nonobstant le caractère thérapeutique » des recherches mis en avant par l’équipe de Hwang Woo-suk. Tout en reconnaissant les prouesses réalisées par l’équipe de l’Université nationale de Séoul, Alberto Oh, spécialiste des études conduites à partir des cellules souches tirées du corps humain adulte, a appelé « les scientifiques a faire preuve d’une grande prudence dans l’usage de la méthode mise au point par le professeur Hwang Woo-suk, les progrès de la science étant souvent à double tranchant ».

Pour le P. Dominic Woo Jae-myung, jésuite et professeur de théologie morale à l’université Sogang, université catholique dirigée par les jésuites, « il y a un chauvinisme certain des médias locaux à présenter les résultats de cette équipe comme un progrès scientifique, sans mettre en regard les dangers que présentent les recherches en biologie médicale ». Si le professeur Hwang Woo-suk était aussi préoccupé d’éthique qu’il l’affirme, a poursuivi le prêtre, il n’aurait pas engagé ces recherches, « sachant que la destruction d’un embryon humain pour mener des expérimentations est contraire au respect dû à la vie humaine ».

Au sein de la Conférence des évêques catholiques, le P. Paul Lee Chang-young, du Comité épiscopal de bioéthique, a déclaré que l’annonce de la prouesse scientifique du professeur Hwang Woo-suk n’a rien changé à l’opposition de l’Eglise à de telles recherches (1). Les évêques coréens ont fait savoir à plusieurs reprises par le passé que « la recherche visant à créer des cellules souches embryonnaires en utilisant des embryons humains constitue une violation de la vie humaine, car l’extraction de ces cellules souches induit la mort d’un embryon humain vivant a rappelé le prêtre. Dimanche 29 mai, l’Eglise a célébré « la Journée de la vie manifestation prévue de longue date et animée par la Commission de bioéthique de la Conférence épiscopale. Dans toutes les paroisses, un message a été lu au sujet de questions telles le respect de la vie depuis sa conception, la personnalité de l’embryon, le refus du clonage et de l’eugénisme, la présence de principes éthiques dans la recherche scientifique.

En Corée du Sud, comme dans d’autres pays d’Asie, tels Singapour et la République populaire de Chine, les recherches en matière de biologie médicale sont encouragées par les responsables politiques. Après plusieurs années de débats, la Corée du Sud s’est dotée d’une loi encadrant les recherches sur l’embryon humain. Votée en décembre 2003, promulguée en janvier 2004, la « Loi sur la sécurité et la bioéthique » est entrée en vigueur le 1er janvier dernier.