Eglises d'Asie

Dans un contexte marqué par des protestations grandissantes dirigées contre la présidente Arroyo, des évêques catholiques demandent un changement de politique

Publié le 18/03/2010




Tandis que les rumeurs de coup d’Etat se multiplient et que la pression s’accroît sur la famille Arroyo, soupçonnée de corruption (1), des évêques catholiques ont pris position publiquement pour demander un changement de politique. Le 11 juin dernier, veille de la fête nationale, le Jour de l’indépendance des Philippines, trois évêques, proches de Kilusang Makabayang Ekonomiya (KME, Mouvement pour une économie souveraine) (2), ont appelé à célébrer le 12 juin une “Journée nationale de deuil”. Tout en précisant clairement qu’ils ne s’associaient pas aux appels visant à obtenir la démission de la présidente Gloria Arroyo, les évêques ont déclaré que le deuil devait être porté pour souligner l’acuité des problèmes économiques et politiques des Philippines. Face à une foule d’environ 4 000 personnes, où avaient pris place de nombreux prêtres et religieuses, les évêques ont demandé à l’administration Arroyo de combattre la pauvreté, la faiblesse des salaires, le chômage, la corruption, les atteintes aux droits de l’homme et tous les autres maux dont souffre la société philippine.

“La situation est aujourd’hui mûre pour une autre révolution populaire ou un soulèvement militaire contre la présidente a déclaré Mgr Deogracias Iniguez, évêque de Kalookan. Devant la foule rassemblée dans une banlieue de Manille, Mgr Antonio Tobias, évêque de Novaliches, a ajouté que les acteurs et les partisans de la campagne pour une “Journée nationale de deuil” ne devaient pas se laisser intimider lorsqu’ils étaient accusés d’être des alliés objectifs de ceux qui cherchent à déstabiliser le pays. Pour montrer où se situe la frontière entre le droit de manifester et l’engagement dans la politique politicienne, les organisateurs de la manifestation du 11 juin avaient appelé des sénateurs, des députés, des maires de l’opposition à s’exprimer devant la foule, mais ceux-ci avaient dû s’engager au préalable à ne pas utiliser cette tribune pour appeler au renversement ou au renvoi de Gloria Arroyo.

Ailleurs, dans le pays, des manifestations similaires ont été organisées. A Bacolod, à 475 km. au sud de Manille, le KME a rassemblé environ 40 000 personnes. A la foule, Mgr Vicente Navarra, évêque du diocèse de Bacolod, a déclaré qu’il n’était pas trop tard pour la présidente Arroyo et qu’elle pouvait encore sauver son gouvernement de l’effondrement. “Nous sommes plus que prêts à lui donner une chance a-t-il expliqué, invitant la présidente à comprendre que ces manifestations étaient une manière pour l’Eglise de lui faire réaliser l’urgence des changements à mettre en ouvre. Plus précisément, Mgr Navarra a demandé à la présidente de commencer par révoquer les lois votées ces derniers temps en vue de déréglementer le secteur minier et celui de la recherche pétrolière. Lois que Mgr Navarra a qualifiées “d’oppressives et non patriotiques”.

En dépit de l’instabilité croissante du climat politique et social, la Conférence des évêques s’est gardée pour l’heure de prendre publiquement position. Mgr Antonio Tobias a exprimé le souhait que le Comité permanent de la Conférence épiscopale prenne la parole pour dire que les actions de certains évêques n’étaient pas dirigées contre la personne de la présidente, mais qu’elles visaient à faire la lumière sur les accusations de corruption portées contre la présidente. Il a toutefois ajouté qu’il faudrait sans doute attendre la prochaine assemblée plénière des évêques, en juillet prochain, pour avoir une déclaration officielle de l’épiscopat, les évêques entre eux n’étant pas d’accord sur les formes que doit prendre la dénonciation des maux dont souffre la société philippine.