Eglises d'Asie

Orissa : après l’intervention de responsables chrétiens, 109 familles chrétiennes ne seront finalement pas expulsées de chez elles

Publié le 18/03/2010




Le 8 juin dernier, dans l’Etat d’Orissa, le ministre-président de l’Etat, Naveen Patnaik, a ordonné que le décret d’expulsion, pris deux jours auparavant par l’administration fiscale locale à l’encontre de 109 familles chrétiennes, soit suspendu. La nouvelle a été accueillie avec soulagement par les responsables chrétiens de l’Etat et, au-delà, dans le reste du pays où la mobilisation avait été forte autour de cette affaire, perçue comme une nouvelle manifestation des pressions que les extrémistes hindous font subir à la minorité chrétienne du pays (1).

L’affaire a pour cadre la ville de Jeypur, dans le district de Koraput. Tôt le matin du 6 juin dernier, 109 familles luthériennes, pauvres pour la plupart, ont reçu du collecteur des impôts du district l’ordre d’évacuer leurs maisons. L’expulsion était motivée par “une mesure de mise en valeur esthétique de la ville”. Pour ces chrétiens, travailleurs journaliers, d’origine aborigène pour la plupart et dalit pour certains d’entre eux, qui habitent là depuis une quarantaine d’années, la nouvelle est tombée comme une énorme surprise.

Appelant à la rescousse leur pasteur puis leur évêque, Mgr Anam Chandra Khosla, de Jeypur, les 109 familles ont protesté de la brutalité de la mesure et de son caractère inique. Rapidement, les responsables des autres confessions chrétiennes, dans cet Etat où les chrétiens représentent 2,4 % d’une population de 37 millions d’habitants, sont intervenus dans l’affaire, demandant à l’administration fiscale de retirer son ordre d’expulsion. Selon le P. Francis Ambazhathinal, prêtre catholique de Koraput, ces pressions n’ont servi à rien et ce n’est que lorsque les responsables religieux ont fait appel au ministre-président de l’Etat que les choses ont changé. Maintenant que Naveen Patnaik a demandé à surseoir au décret d’expulsion pour une durée de quatre mois, les responsables chrétiens estiment que les familles pourront rester chez elles et que dans quatre mois l’administration locale ne reviendra pas à la charge.

Sur le fond de l’affaire, de nombreux responsables d’Eglise estiment que la mesure est une nouvelle manifestation du “harcèlement” dont sont victimes les chrétiens en Orissa. Le P. Joy Kopully, prêtre catholique de Jeypur, précise que le Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS, Corps national des volontaires) a tenu un meeting il y a un mois dans la ville. Deux ministres du gouvernement de l’Etat, dont le ministre des Impôts, étaient présents au meeting. Selon le prêtre, l’ordre d’éviction des 109 familles a été pris peu après le meeting du RSS, considéré comme le noyau dur de la nébuleuse des mouvements de l’extrême droite hindoue.

Aujourd’hui, soulignent encore des prêtres catholiques et des pasteurs luthériens, le calme est revenu et des forces paramilitaires ont été déployées à Jeypur, empêchant tout dérapage violent, mais la situation reste fragile. Le risque de voir éclater des émeutes intercommunautaires est réel, ajoutent-ils.

Selon Mgr Khosla, les luthériens à Jeypur et dans les localités avoisinantes sont au nombre de 5 000. La paroisse catholique locale, qui fait partie du diocèse de Berhampur, compte 25 familles, soit environ 200 personnes.