Eglises d'Asie – Divers Horizons
L’EGLISE DOIT S’INSERER NATURELLEMENT DANS LES CULTURES LOCALES – un entretien avec le secrétaire du Saint-Siège pour les rapports avec les Etats –
Publié le 18/03/2010
Mgr Giovanni Lajolo : Je pense que le plus grand défi qui se pose à l’Eglise en Asie est celui de son insertion naturelle dans chacune des cultures de cette partie du monde. Chacune de ces cultures doit percevoir l’Eglise comme lui appartenant en propre, tout comme Dieu est présent à chaque personne et à chaque peuple. Emmanuel, Dieu avec nous, c’est-à-dire Dieu avec l’homme, tel est le nom messianique de Jésus Christ. Dieu aime l’homme. La personne vivante est la gloire de Dieu, et la vraie vie est la connaissance de Dieu. C’est ce que l’Eglise en Asie a à annoncer.
Quel est le rôle du Saint-Siège dans la promotion de la liberté religieuse et la protection des minorités religieuses dans cette région, où les catholiques sont une petite minorité ?
La liberté de religion – en tant que droit à exercer individuellement et en société, en privé et en public – est un droit fondamental, reconnu en tant que tel par la Déclaration universelle des droits de l’homme et par les Nations Unies. C’est un droit qui, par sa nature même, doit être exercé dans un respect articulé des personnes et des institutions aux convictions diverses. Au nom de Dieu, (le Saint-Siège) a à promouvoir la fraternité, l’harmonie, la paix et un esprit de collaboration en vue de défendre les grandes valeurs – telles la protection de la personne humaine, particulièrement des pauvres et des nécessiteux, la promotion de la famille et la formation des jeunes générations.
Le pape Benoît XVI a invité les pays qui n’ont pas de relations diplomatiques avec le Saint-Siège à en établir. De quelle manière ces pays, situés pour une partie d’entre eux en Asie du Sud-Est, bénéficieraient-ils de telles relations ?
Les relations diplomatiques peuvent être tout à fait utiles pour dépasser des incompréhensions, pour insérer l’Eglise d’une manière plus naturelle dans le contexte social d’un pays donné et pour développer une action commune et plus efficace en vue de résoudre les grands problèmes de l’humanité au plan international. J’ai confiance que, dans un avenir proche, il y aura là des développements positifs.
Le nonce basé à Bangkok s’occupe de sept pays. Pensez-vous que cela puisse changer ?
Indubitablement, le nonce apostolique en Thaïlande, qui a la responsabilité de sept pays, a une charge de travail qui est au-dessus des capacités humaines. La difficulté pour le Saint-Siège est double. Premièrement, trouver les personnes adéquates pour diriger une mission diplomatique, en ayant à l’esprit que, pour une telle tâche, seuls des ecclésiastiques parfaitement formés peuvent être choisis. Le Saint-Siège doit fournir un effort considérable pour maintenir convenablement ses 174 missions diplomatiques et les bureaux de ses douze observateurs permanents auprès des principales organisations internationales. Deuxièmement, les Eglises locales, dans les différents pays, réclament une présence plus attentive et continue du représentant du pape, qui peut faciliter leurs relations avec le Saint-Siège et l’Eglise universelle.
Quel est le motif de votre visite ?
En premier lieu, ma visite intervient en réponse à l’invitation du gouvernement singapourien de participer à une exposition historique des Musées du Vatican dans la cité-Etat, une exposition organisée en collaboration avec le Musée des civilisations asiatiques. Cette exposition est intitulée : “Voyage de la foi – art et histoire dans les collections du Vatican”. Mgr Pennacchio a saisi l’occasion pour m’inviter à visiter les victimes du tsunami du 26 décembre 2004 et leur apporter – une nouvelle fois – le message de sympathie et d’affection du Saint Père. Mon périple commence en Thaïlande, continue par la Malaisie et Singapour et s’achève par Brunei. Lorsque le pape Benoît a été informé de l’invitation qui m’était faite, il m’a tout à fait encouragé à l’accepter, de manière à montrer l’intérêt qu’il porte aux pays de l’Asie du Sud-Est et aux peuples de cette région, en particulier les petites mais dynamiques communautés chrétiennes qui y vivent. Plus spécifiquement, il souhaitait faire un geste symbolique en faveur des régions de la Thaïlande qui ont été touchées par le tsunami.
Quelles sont vos impressions quant à la réponse de l’Eglise catholique en Thaïlande face au tsunami ?
Cette réponse a été immédiate et généreuse. L’Eglise locale ne s’est pas contentée de lancer immédiatement une campagne considérable de collecte de fonds, qui ont été utilisés pour faire face aux urgences des premiers jours ; elle s’est engagée dans une aide continue auprès des survivants et de leurs proches. J’ai été très touché, par exemple, par l’activité déployée par un certain nombre de prêtres et de religieuses de diverses congrégations à Phuket et à Phangnga. Ils ont rapidement mis sur pied une série d’abris temporaires pour les familles qui avaient tout perdu. Ces prêtres et ces religieuses poursuivent leur assistance sociale et médicale en faisant preuve d’un grand dévouement. Ils se sont adaptés de manière à vivre dans des abris de fortune, afin d’être au plus près à tout moment de ceux qui sont dans le besoin. La plupart de ces familles sont de religion bouddhiste ou musulmane.
Quelle a été l’aide apportée par le Vatican ?
Le pape Jean-Paul II a été le premier – lors de l’angélus du 26 décembre 2004 – à lancer un appel à l’Eglise et aux hommes de bonne volonté pour apporter rapidement et généreusement une aide. Différentes organisations caritatives et institutions de l’Eglise catholique, partout dans le monde, ont réagi pour envoyer au plus vite une aide qui aille directement aux victimes ; parfois, l’aide a été acheminée par les gouvernements. L’engagement du Saint-Siège ne s’est pas arrêté là ; il se poursuit par la promotion d’une aide à long terme, en passant par les organismes catholiques et en coopération avec les autorités civiles et d’autres agences.