Eglises d'Asie

Les critiques et les manifestations se multipliant à l’encontre de la présidente Arroyo, des voix regrettent l’absence du cardinal Sin qui aurait su parler au nom de l’Eglise catholique

Publié le 18/03/2010




Tandis que les Philippines traversent une nouvelle crise politique, la présidente Arroyo étant fragilisée par des accusations de corruption touchant son proche entourage et par des soupçons de manipulation des opérations électorales lors des présidentielles de l’an dernier (1), des voix se sont élevées pour déplorer l’absence du cardinal Sin. Le jour même où l’ancien archevêque de Manille est décédé, le 21 juin dernier, le cardinal Ricardo Vidal, archevêque de Cebu, récemment affaibli par une pneumonie, a estimé que la mort du cardinal Sin “laiss[ait] un vide” à un moment où sa voix était plus nécessaire que jamais. Selon l’archevêque de Cebu, le décès du cardinal Sin est survenu “au mauvais moment” car il s’est produit lorsque “la nation avait besoin d’une voix pour nous dire la vérité et la dire en notre nom”.

Tandis que la dépouille mortelle du cardinal Sin était exposée dans la cathédrale de Manille, l’actualité politique a repris un cours tumultueux. Le vendredi 24 juin et durant le week-end qui a suivi, les opposants à Gloria Arroyo ont organisé des manifestations publiques. Les forces de police ont été mobilisées pour parer à tout éventuel débordement. Du côté des responsables de l’Eglise, Mgr Oscar Cruz, archevêque de Lingayen-Dagupan, engagé de longue date dans un combat contre les jeux d’argent clandestins, les jueteng, a présenté des témoins devant une commission d’enquête du Sénat. Selon ces témoins, des membres de la famille Arroyo ont perçu de l’argent de la part des « barons des jeux”. Sans doute pour allumer un contre-feu médiatique à ce nouveau développement, une affaire de harcèlement sexuel visant Mgr Oscar Cruz est opportunément apparu dans la presse. Par ailleurs, sans se solidariser avec ceux qui demandent la démission de la présidente, trois évêques catholiques ont demandé des réformes économiques d’urgence, pour faire face à la quasi-faillite des finances publiques.

Face à cette accélération de l’actualité et à l’amoncellement des critiques contre l’administration Arroyo, des prêtres et des religieuses ont exprimé leur regret que la figure tutélaire du cardinal Sin ne soit plus là pour faire entendre la voix de l’Eglise sur la place publique. Selon le P. Robert Reyes, du diocèse de Cubao, un des nouveaux diocèses issus de la partition en cinq nouvelles entités de l’archidiocèse de Manille (2), “dans une situation de crise pareille à celle que nous vivons, le cardinal aurait réuni ses prêtres et leur aurait expliqué ce qu’il attendait d’eux”. Le cardinal n’était jamais pris au dépourvu par les événements, a expliqué le prêtre, “et c’est cela qui nous fait défaut aujourd’hui”.

Le P. Reyes se souvient ainsi que, lorsqu’une crise pointait à l’horizon, le cardinal Sin demandait à ses conseillers de sonder ses prêtres, les religieux et les laïcs pour faire remonter des idées. Mgr Socrates Villegas, aujourd’hui évêque de Balanga mais qui a servi durant de longues années en tant que secrétaire privé du cardinal, et d’autres membres de l’entourage immédiat du cardinal travaillaient sans ménager leur peine pour réunir faits et arguments afin de nourrir la réflexion du cardinal Sin. Aujourd’hui, a poursuivi le P. Reyes, des évêques comme Mgr Deogracias Iniguez, de Kalookan, et Mgr Antonio Tobias, de Novaliches, dans leurs nouveaux diocèses issus de la partition de l’archidiocèse de Manille, “tentent de combler ce vide mais ces évêques “sont loin devant, déconnectés, de leurs prêtres”. Quant à Mgr Gaudencio Rosales, le successeur du cardinal Sin à la tête de l’archidiocèse de Manille, il a déclaré, peu avoir pris ses nouvelles fonctions, qu’il ne souhaitait pas être impliqué dans la politique, a rappelé le P. Reyes.

Le P. Jose Martin, directeur spirituel du séminaire San Carlos, grand séminaire placé sous la tutelle de l’archevêque de Manille, confirme que Mgr Gaudencio Rosales “n’est pas fait sur le même moule” que le cardinal Sin et que son “style en tant que pasteur, sera donc différent. “La manière dont le cardinal prenait position sur les enjeux politiques et sociaux va manquer non seulement au clergé, mais à tout un chacun a ajouté le prêtre, notant que des prêtres, en paroisse, peuvent bien s’exprimer haut et fort, ils ne seront jamais entendus comme pouvait l’être le défunt cardinal.