Eglises d'Asie

Lors de la tournée du chef du gouvernement vietnamien aux Etats-Unis, des rapports critiques provenant de personnalités religieuses sont parvenus au Congrès

Publié le 18/03/2010




Comme cela était prévisible, lors de sa tournée aux Etats-Unis, le Premier ministre vietnamien, Phan Van Khai, a dû faire face aux manifestations de mauvaise humeur de la diaspora vietnamienne installée dans ce pays au nombre d’un million et demi de personnes. Dès son arrivée à Seattle, puis lors de sa rencontre avec George W. Bush à la Maison Blanche et en quelques autres lieux, des groupes de protestataires américano-vietnamiens sont venus troubler les déplacements du chef du gouvernement vietnamien. Cependant, les protestations n’émanaient pas seulement de Vietnamiens exilés aux Etats-Unis. Une série de rapports émanant de personnalités religieuses vivant au Vietnam avaient été envoyés à la Commission des Affaires étrangères du Congrès américain, laquelle avait, le 20 juin dernier, organisé une séance durant laquelle ont été lus ou donnés à consulter les rapports décrivant la situation religieuse au Vietnam. Trois pasteurs protestants avaient envoyé des comptes-rendus détaillés du contexte de la vie religieuse du protestantisme, tandis que trois prêtres catholiques bien connus, les PP. Chân Tin, Nguyên Huu Giai et Phan Van Loi, dressaient pour les représentants américains un tableau contrasté des rapports du pouvoir vietnamien avec les religions de ce pays

Un des trois pasteurs, au nom de l’Alliance missionnaire évangélique, a recueilli d’une manière détaillée les exactions et persécutions subies par les fidèles protestants dans les diverses parties du pays. Cette recension, qui commence après la publication de la fameuse directive censée faciliter l’exercice de la religion chez les protestants montagnards, relève pour la province de Diên Biên (nord-ouest du pays) une série de séances organisées par la police et destinées à forcer les participants h’mongs à reprendre l’ancien culte des esprits et à renier la foi chrétienne. Sur leurs refus, les fidèles ont été battus à plusieurs reprises et soumis à des amendes. Des assemblées religieuses ont été dispersées. Des faits semblables sont rapportés pour les autres provinces montagnardes de Son La et de Lai Châu ainsi que dans la ville de Hai Phong. Pour la province de Quang Ninh, le rapport cite les diffi-cultés rencontrées par une Eglise domestique clandestine et son pasteur dans le district de Duong Hoa. Au Centre-Vietnam, de multiples exactions sont signalées qui ont eu pour cibles principales les ethnies Kor et Hré. En ce qui concerne le Sud-Vietnam, il est surtout parlé des chrétiens de l’ethnie Stieng de la province de Binh Phuoc, dont terres et habitations ont été confisquées par les autorités locales.

Le rapport envoyé à la Commission du Congrès américain par le P. Chân Tin souligne le manque de sincérité des gestes accomplis par le gouvernement en faveur de la liberté religieuse. Selon lui, il ne s’agit que d’apparences destinées à abuser les étrangers qui voient les églises et les pagodes remplies et ne pénètrent pas dans les régions reculées. En réalité, les religions sont dépourvues d’indépendance et d’autonomie. Le religieux insiste sur les continuelles interventions du gouvernement dans les affaires intérieures des religions, en particulier dans la nomination des dirigeants. Certaines communautés sont en proie à la persécution : le religieux en donne pour preuve la situation de l’Eglise mennonite et des Eglises domestiques du Centre-Vietnam et des Hauts Plateaux.

Dans leur rapport à la Commission des Affaires étrangères, les PP. Nguyên Hoa Giai et Phan Van Loi commentent l’accord sur la question religieuse entre le Vietnam et les Etats-Unis, annoncé le 5 mai dernier (1). Ils affirment que, depuis cette date, la situation n’a pas changé. La récente Ordonnance sur la croyance et la religion, font-ils remarquer, placent les fidèles sous la dépendance du bon vouloir des autorités locales. Or, l’une d’entre elles, le secrétaire de la section du Parti à Huê, vient de déclarer : “Suivre la religion, c’est suivre l’ennemi. Suivre la religion, c’est s’opposer au Parti, c’est tourner le dos au peuple.” Ces mêmes autorités ne cessent de susciter des difficultés pour l’organisation des activités religieuses, empêchent la restitution des biens d’Eglise confisqués par l’Etat, comme la propriété des bénédictins du monastère de Thiên An, les terrains du sanctuaire marial de La Vang, de la congrégation des rédemptoristes ou des sours visitandines de la paroisse de Kê Sung. En conclusion, les deux prêtres du diocèse de Huê proposent un certain nombre de réformes auxquelles le gouvernement vietnamien devraient être contraint : suppression de la dernière ordonnance ; interdiction pour l’Etat de fonder des Eglises à sa dévotion et sous son contrôle, d’intervenir dans les affaires intérieures des Eglises ; suppression de l’article 4 de la Constitution instituant le monopole du Parti communiste.