Eglises d'Asie

Un accord secret préalable a rendu possible la rencontre du Premier ministre vietnamien et du chef d’Etat américain

Publié le 18/03/2010




Le président des Etats-Unis George W. Bush, à l’issue de la rencontre historique du 21 juin dernier, à la Maison Blanche, entre lui et le Premier ministre de la République socialiste du Vietnam, Phan Van Khai, a prononcé un discours résumant les principaux thèmes abordés dans leurs entretiens par les deux personnalités. C’est ainsi que l’on a appris que le dialogue avait porté sur la collaboration entre les deux pays dans le domaine économique et commercial, ainsi que dans le domaine humanitaire. Sur ce sujet, qui englobait l’assistance médicale des Etats-Unis au Vietnam au sujet de la pandémie du sida, on a particulièrement remarqué une phrase brève mais énigmatique en rapport avec la liberté religieuse au Vietnam. George W. Bush a déclaré : “Nous avons signé un accord de caractère historique créant des conditions destinées à faciliter la liberté de croyance au Vietnam.” Cette annonce n’a pas suscité ensuite de commentaire dans le discours de Phan Van Khai, qui a suivi.

Sans nul doute l’accord sur la question religieuse, évoqué par Georges W. Bush, est celui qui avait été annoncé comme déjà signé le 5 mai dernier par le département d’Etat (1), sans que le contenu en soit rendu public. Un contenu qui reste aujourd’hui encore secret malgré les pressions et les réclamations d’un certain nombre d’organisations de défense des droits de l’homme. Cet accord a été particulièrement important, car sans lui auraient été impossibles les relations particulières entre les Etats-Unis et le Vietnam, visiblement souhaitées par le chef d’Etat américain. Il permet, en effet, au Vietnam de sortir de la liste “des pays particulièrement préoccupants en matière de liberté religieuse”. C’est même le premier accord diplomatique de ce genre, depuis l’adoption en 1998, par le Congrès américain, de la Loi sur la liberté religieuse dans le monde. Cette loi stipule que les pays consignés dans la liste des pays “préoccupants” ne pourront éviter les sanctions qu’en souscrivant à un engagement détaillant les étapes à accomplir pour améliorer l’exercice de la liberté religieuse.

La non-publication des clauses de l’accord du 5 mai a troublé jusqu’à la très officielle Commission américaine pour la liberté religieuse dans le monde. Le 22 juin, dans une déclaration publique, sa vice-présidente, Nina Shea, s’est émue de voir un accord secret cité en guise de preuve des progrès accomplis sans qu’aucun organisme indépendant ne soit appelé à constater ces améliorations sur place, en particulier sur les Hauts Plateaux et dans les provinces du Nord-Ouest du Vietnam. C’est pourquoi la Commission pour la liberté religieuse demande la création d’un organisme indépendant chargé de contrôler si les engagements pris par les pays concernés sont tenus ou non.

Depuis que le Vietnam a été rangé dans la fameuse liste, à savoir depuis le 15 septembre 2004 (2), son gouvernement a accompli un certain nombre de gestes spectaculaires destinés à apaiser les préoccupations de ses censeurs. Un certain nombre de dissidents religieux ont été libérés (3). Une directive a été publiée, censée faciliter le culte des Eglises protestantes domestique, en particulier dans les régions habitées par des minorités ethniques (4). Cependant, dans sa déclaration, Nina Shea a fait remarquer que, pour le moment, ces gestes n’étaient que des promesses d’amélioration et non pas des progrès réels et mesurables. Elle a ajouté que des religieux sont encore derrière les barreaux, des églises sont fermées, des restrictions et des persécutions touchent encore un certain nombre de communautés religieuses. Plus encore, des rapports inquiétants continuent de parvenir en Occident faisant état de nouvelles arrestations, de nouvelles persécutions de communautés religieuses et de minorités ethniques, en dépit des nouvelles lois qui auraient dû améliorer la situation religieuse (5).