Eglises d'Asie

L’Eglise catholique demande au gouvernement de venir en aide aux riziculteurs, menacés par l’ouverture du marché national aux importations

Publié le 18/03/2010




Quelques jours avant le Dimanche des agriculteurs, institué il y a dix ans et célébré cette année le 17 juillet, l’Eglise catholique de Corée, par la voix de Mgr Boniface Choi Ki-san, évêque du diocèse d’Inchon, a demandé au gouvernement de mettre en place une politique “efficace à long terme” pour venir en aide aux agriculteurs, notamment les riziculteurs, qui n’arrivent pas à faire face à l’ouverture du marché domestique aux importations. S’adressant à la fois au gouvernement et aux députés de l’Assemblée nationale, Mgr Boniface Choi a plaidé pour la définition d’une politique agricole fondée “sur le développement réel de la nation qui prenne en compte des facteurs tels que l’autosuffisance agricole du pays, la défense de son environnement et le souci de la santé de la population. Plus concrètement, l’évêque, président du Comité épiscopal ‘Justice et paix’, a demandé l’abandon de la politique d’ouverture du marché domestique, lui reprochant d’amoindrir la capacité du pays à subvenir à ses besoins. Publié le 27 juin dernier, le message prend pour titre le passage de l’Evangile de Jean, “Mon Père est le vigneron” (Jn, 15,1).

“Pendant des années, le gouvernement n’a pas été capable de définir et d’appliquer une politique constante afin de préparer l’ouverture du marché du riz. Il s’est contenté de gaspiller des fonds pour tenter de répondre à des circonstances changeantes écrit Mgr Boniface Choi. Selon lui, les accords passés par la Corée du Sud ne garantissent pas la survie des riziculteurs coréens. Ainsi, pour obtenir que l’ouverture complète du marché domestique aux importations soit repoussée à 2014, le gouvernement a concédé un doublement progressif des importations de riz. L’accord a été conclu à la fin 2004 avec la Chine, les Etats-Unis et sept autres pays. Actuellement limitées à environ 4 % de la consommation nationale, les importations devront, en 2014, représenter 7,96 % du marché domestique (1). Parallèlement, le riz importé – qui, jusqu’ici, ne pouvait être que marginalement commercialisé sur le marché de la grande consommation et était cantonné à la demande issue de l’industrie agro-alimentaire – sera plus largement vendu directement à la ménagère sud-coréenne. Face à ces changements, Mgr Boniface Choi estime que l’avenir des riziculteurs sud-coréens est menacé. “Notre pays produit seulement 25,3 % de ses besoins alimentaires, mais, si on exclut le riz, ce pourcentage tombe à 3 %. Dans ce cadre-là, si notre riziculture s’effondre, c’est toute la communauté des agriculteurs qui disparaît met-il en garde.

Pour sauvegarder l’agriculture nationale, l’évêque suggère que le gouvernement et les députés fixent “un objectif chiffré en matière d’autosuffisance alimentaire”. Ce taux aurait force de loi et s’accompagnerait d’une politique globale de manière à préserver les terres arables, à garantir le revenu des foyers d’agriculteurs et à augmenter la population active du secteur primaire. Selon Mgr Boniface Choi, dix ans après l’établissement par l’Eglise du Dimanche des agriculteurs, les catholiques doivent faire leurs les objectifs du mouvement “Woori-nong Saligi” (‘Sauvons notre agriculture’), mouvement fondé par l’Eglise pour répondre à la crise environnementale et pour renforcer la solidarité entre les habitants des villes qui consomment les produits agricoles, et les habitants du monde rural, qui les produisent.

Woori-nong Saligi a été fondé en 1994 par la Conférence épiscopale pour aider le monde paysan à faire face à l’afflux sur le marché national de produits agricoles, vendus nettement moins chers que les productions domestiques. A l’époque, l’Eglise avait pour ambition de créer des “communautés villes-campagnes” pour commercialiser les produits d’une agriculture biologique à partir des paroisses. A l’époque, les négociations de l’Uruguay Round dans le cadre du GATT faisaient la ‘Une’ de la presse et la nation toute entière semblait comprendre la crise traversée par le monde agricole, analyse le P. Augustine Yu Young-il, responsable de Woori-nong Saligi pour le diocèse de Pusan. Aujourd’hui, poursuit-il, le message de Mgr Boniface Choi “a peu d’effets sur le monde rural. Les problèmes rencontrés par les agriculteurs sont si aigus que, parmi ceux que je rencontre, un certain nombre laissent tomber et migrent vers les villes”.

Selon le P. Augustine Yu, la différence entre 1994 et 2005, “c’est qu’aujourd’hui, la population n’est plus prête à se mobiliser pour défendre le monde agricole”. Aumônier du Mouvement des agriculteurs catholiques de Corée, il constate que cette absence de mobilisation se retrouve jusque dans l’Eglise. Il souligne que, mis à part le diocèse d’Andong qui a fait des agriculteurs et du monde agricole sa priorité pastorale, l’Eglise ne se donne pas les moyens de soutenir de façon efficace le secteur agricole, en nommant par exemple des prêtres pour cette pastorale spécifique.