Eglises d'Asie

Au Madhya Pradesh, le harcèlement continu dont sont victimes les chrétiens inquiète l’Eglise

Publié le 18/03/2010




Au centre du pays, dans l’Etat du Madhya Pradesh, Mgr Pascal Topno, archevêque de Bhopal, se dit “inquiet” par ce qu’il qualifie de “harcèlement continu” des chrétiens. Dans cet Etat dirigé par le Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien), hindouiste, la police a détenu durant plusieurs heures un prêtre, une religieuse et un séminariste, tous trois catholiques, leur reprochant de mener des activités visant à la conversion d’hindous au christianisme. L’incident s’est produit le 10 août dernier.

Une fois remis en liberté, le prêtre, le P. Angel D’Souza, a expliqué aux journalistes qu’à la demande d’une enseignante qui souhaitait qu’on lui apporte un tapis, des ampoules au néon et des craies, Sour Concilia, le séminariste et lui-même s’étaient rendus dans un jardin d’enfants de la périphérie de Bhopal. Le jardin d’enfants est tenu par la Société des Missionnaires de St François Xavier, congrégation locale spécialisée dans la gestion de jardins d’enfants. De retour auprès de leur véhicule, garé à une centaine de mètres du jardin d’enfants, les trois catholiques eurent la surprise de constater qu’un petit attroupement s’était créé. Les pneus de leur véhicule tous terrains avaient été dégonflés et des gens criaient pour dire que l’Eglise était là pour convertir les gens. Au Madhya Pradesh, une loi criminalise les conversions obtenues par “des moyens frauduleux” ou “la persuasion”. “Lorsque nous leur avons expliqué que nous n’étions pas là pour convertir mais pour apporter des effets matériels nécessaires à la gestion du centre, ils ont redoublé leurs cris, hurlant leur désaccord rapporte le P. D’Souza. Appelée sur les lieux, la police a embarqué les trois catholiques, les menaçant rapidement d’emprisonnement. Après quelques échanges entre les supérieurs des policiers et les responsables de l’Eglise dans le diocèse, ils ont toutefois été remis en liberté après quatre heures passées au poste. Le P. D’Souza se dit incapable de préciser la motivation du groupe, mais se souvient de ce qu’il criait : “Vous convertissez les gens de Jhabua et vous voulez faire la même chose ici.”

Jhabua est une ville située à 300 km. de Bhopal où des violences ont éclaté entre hindous et chrétiens après qu’en janvier 2004, une fillette de 9 ans eut été retrouvée morte dans l’enceinte d’un foyer catholique (1). La région, où les populations aborigènes sont nombreuses, est devenue un point focal pour les organisations hindouistes dans leur opposition au travail missionnaire. Un certain nombre de chrétiens, dont des prêtres et des religieuses, ont été blessés au cours des émeutes que les hindous attribuent pour leur part à la colère des ethnies aborigènes contre les missionnaires qui tentent de les convertir. Peu après, un haut fonctionnaire, sur l’avis d’une commission favorable aux hindous, avait avisé le gouvernement de l’Etat de la nécessité de renforcer la loi dite anti-conversion.

Une semaine avant l’incident du 10 août, une rencontre ocuménique avait réuni 1 500 chrétiens de toutes dénominations. Le cardinal Topno y avait dirigé la prière, appelant à la fin du harcèlement dont sont victimes les chrétiens dans l’Etat. Au cours de cette rencontre, des appels avaient été lancés au gouvernement pour qu’il annule le “Madhya Pradesh Freedom of Religion Act une loi de 1969 qui autorise le gouvernement à intervenir dans le domaine religieux et les conversions.

Selon Mgr Topno, responsable de l’Eglise catholique du Madhya Pradesh où les chrétiens représentent 0,3 % des 61 millions d’habitants, les violences contre les chrétiens et leurs institutions ont augmenté depuis que le BJP a pris le pouvoir en décembre 2003. Quoi qu’il leur en coûte, les chrétiens, a-t-il insisté, entendent rester au service de la population. Pour lui, ce sont des éléments fourvoyés « et sans doute soudoyés » qui provoquent problèmes et querelles. Mgr Topno, lui-même de l’ethnie Munda, constate que les gens qui poussent à la violence “ne portent dans leur cour” ni la religion ni la société humaine. Ce qui est inquiétant, souligne-t-il, c’est “la possibilité” de voir de telles personnes prendre part à la gestion des affaires publiques.

Pour le P. Louis Maliekkal, qui travaille au Madhya Pradesh depuis vingt-deux ans, ces attaques contre les chrétiens représentent, aux yeux de leurs auteurs, autant de bulletins de vote engrangés en faveur des groupes fondamentalistes pour les élections futures. Si les groupes hindouistes sont si “activement impliqués” dans les régions tribales, c’est qu’ils craignent que la présence chrétienne aboutisse à leur propre rejet (2).

Le prêtre, membre de la congrégation locale des Carmélites de Marie Immaculée, rapporte que, les populations aborigènes n’ayant pas de religion déclarée, les groupes hindouistes dressent des statues de divinités hindoues dans les villages en affirmant aux aborigènes qu’originellement ils appartenaient à l’hindouisme et que les chrétiens ne sont que des étrangers. Ceci étant dit, le P. Maliekkal souhaite que l’Eglise fasse son examen de conscience et dresse la liste des malentendus que ses activités pastorales peuvent susciter. L’important pour l’Eglise, insiste-t-il, est la transformation des personnes et non un simple changement d’étiquette, parce que « un changement de religion (en soi) ne rapporte pas grand-chose ».