Eglises d'Asie

De nombreux témoignages recueillis par Radio Free Asia donnent à penser que les persécutions contre les Eglises domestiques continuent

Publié le 18/03/2010




Malgré les perspectives d’ouverture suggérées par les directives publiées par le Premier ministre au mois de février dernier à l’intention des communautés évangéliques du Vietnam, plus particulièrement des Eglises domestiques (1), de nombreuses informations émanant de sources évangéliques diverses, ont fait état, ces dernières semaines, de violations répétées à l’exercice de la liberté de culte.

L’une des plus récentes a été connue par une lettre signée, le 25 juillet 2005, par 89 pasteurs appartenant à différentes dénominations, et adressée au Premier ministre. Celle-ci réclame la libération du pasteur Thân Van Truong, contraint de séjourner dans un hôpital psychiatrique. La lettre rapporte qu’un groupe de pasteurs dirigeants de l’Alliance évangélique du Vietnam a rendu visite au pasteur Truong à l’hôpital psychiatrique de Biên Hoa où il est interné. Après une conversation de deux heures avec leur confrère, les visiteurs ont conclu que celui-ci jouissait de toutes ses facultés mentales, une opinion confirmée publiquement à Radio Free Asia par son propre médecin traitant qui a déclaré que le pasteur ne présentait aucun symptôme de maladie mentale. Ce dernier, âgé de 56 ans, avait été arrêté par la police de Xuân Lôc le 3 juin 2004, alors qu’il se rendait, depuis la province de Long Khanh, à Bac Giang où sa mère était gravement malade. On lui signifiait alors qu’il était en infraction avec le régime de la résidence surveillée auquel il était astreint. Un jour avant que ne se termine sa détention provisoire, le 30 septembre 2004, il fut emmené par la police provinciale à l’hôpital psychiatrique de Biên Hoa, où, depuis lors, il est soumis de force à des soins psychiatriques destinés à de vrais malades. Les signataires de la lettre ont réclamé la libération immédiate du pasteur Truong retenu de force à l’hôpital et s’indignent du traitement inhumain qu’on lui a fait subir en infraction avec toutes les lois de l’Etat vietnamien.

Une autre information transmise par la même Radio Free Asia, le 9 août dernier, rapporte les plaintes du pasteur Trân Mai, responsable d’une communauté de chrétiens de la minorité stieng dans la province de Binh Phuoc (district de Binh Long). Un camp de formation spirituelle devant durer trois jours avait été prévu pour trois cents jeunes chrétiens. Les thèmes devant être abordés au cours de la formation étaient divers et concernaient aussi bien la catéchèse chrétienne que la morale individuelle et sociale. Le 8 août, date à laquelle devait commencer la formation, la police a envoyé cinquante agents qui ont cerné le lieu prévu pour la réunion et interdit tout rassemblement qualifié d’illégal. Les responsables chrétiens ont répliqué en se référant à la dernière ordonnance sur la croyance et la religion et aux directives de mars dernier pour le protestantisme. Les émissaires de la police ont répondu en disant que les diverses autorisations contenues dans ces textes concernaient les Eglises enregistrées et non pas les Eglises domestiques. Ils ont continué à exiger le retour chez eux des participants venus d’ailleurs.

Trois jours auparavant, selon un témoignage recueilli par le journaliste Viet Hung, pour l’émission vietnamienne de Radio Free Asia du 8 août 2005, une chrétienne d’une communauté domestique, résidant dans la commune de Thanh Loi, district de Binh Phuoc province de Long An, Mme NguyenThi Dam a été convoquée à la police avec son mari. Il lui a été demandé de renoncer au culte de sa communauté qui, selon la police, ne fait pas partie du vrai protestantisme.

Par ailleurs, les autorités policières continuent de créer des entraves à l’exercice du culte de la commu-nauté mennonite du deuxième arrondissement de Hô Chi Minh-Ville. Un communiqué envoyé le 24 juillet 2005 par les responsables mennonites à la presse internationale a rapporté une incursion de la police conduite dans les locaux du culte qui constituent aussi l’habitation du pasteur Nguyên Hông Quan aujourd’hui en prison et de son épouse. Un groupe de 90 hommes a dispersé une assemblée de prières à laquelle participaient une quinzaine de fidèles. Quelques-uns d’entre eux ont été gardés tard dans la soirée.

L’Eglise évangélique du Nord-Vietnam refuse officiellement de participer au défilé de la fête nationale du 2 septembre

Les dirigeants de l’Eglise évangélique du Nord-Vietnam, reconnue par le pouvoir depuis de nombreuses années, viennent d’annoncer officiellement qu’ils refusaient de participer au défilé organisé le 2 septembre, à l’occasion de la soixantième fête nationale du Vietnam. Cette décision a été notifiée, le 19 août dernier, aux autorités civiles par une lettre officielle envoyée par le Comité directeur de l’Eglise, qui avait déjà fait connaître son mécontentement au cours de nombreuses rencontres avec les représentants du pouvoir.

Cette décision a étonné les observateurs, émanant d’une association religieuse dont les liens avec le pouvoir datent de longtemps et sont réputés solides. Son secrétaire général, le pasteur Au Quang Vinh, s’en est expliqué dans une interview accordée le 26 août à la section vietnamienne de Radio Free Asia, qui, depuis quelques mois, propose en abondance des nouvelles de la situation religieuse vietnamienne. « Nous avons été invités à envoyer des représentants des fidèles protestants au défilé du 2 septembre. Après s’être réunis et concertés entre eux, les membres du Comité directeur ont pris la décision de ne pas répondre positivement à cette invitation a-t-on pu entendre sur les ondes de la radio.

Le pasteur a ensuite ajouté que deux motifs essentiels avaient conduits l’Eglise évangélique à ce geste. En premier lieu, le texte prévoyant la participation des représentants des religions à la fête nationale traite l’Eglise protestante du Nord sans aucune équité. Le second motif est le mécontentement ressenti par l’Eglise évangélique devant l’attitude de l’Etat à son égard. Ces derniers temps, de nombreux problèmes touchant l’Eglise ont été soumis à l’attention des autorités qui n’y ont apporté aucune réponse. Cette attitude a été à l’origine de l’insatisfaction profonde qui règne aujourd’hui chez les dirigeants et l’ensemble des fidèles de l’Eglise évangélique du Nord et qui les a entraînés à refuser l’invitation de l’Etat.

Parmi les difficultés auxquelles l’Etat n’a prêté attention, le pasteur Vinh a cité la vétusté et le délabrement de nombreux lieux de culte évangélique pourtant reconnus par l’Etat. Il en est ainsi du temple principal de Hanoi, fondé il y a cinquante-cinq ans par des missionnaires protestants américains. Une demande de restauration a été soumise à l’administration il y a plusieurs années. Elle est restée sans réponse. Par ailleurs, le pasteur s’est plaint de ne pas voir enregistrées par l’Etat un certain nombre de communautés évangéliques, surtout celles qui se trouvent dans des régions montagneuses et isolées, habitées par des ethnies minoritaires. Les lieux de culte aujourd’hui officiellement reconnus ne sont qu’au nombre de quatorze, ce qui est peu pour une Eglise fondée depuis 1911 et qui, depuis, n’a cessé de se développer en nombre et en qualité.

L’Eglise évangélique du Nord-Vietnam est, selon les critères étatiques, foncièrement différente de celle du Sud. Un article paru dans le Nhân Dân du 15 novembre 2004 classe ces deux Eglises comme distinctes (1). L’Eglise du Nord a aujourd’hui près de quarante-deux ans de statut officiel, tandis que les communautés évangéliques du Sud ont dû attendre 2001 pour être officiellement reconnues au sein d’une Eglise évangélique distincte. Une des raisons de cette longue attente était la répugnance des chrétiens évangéliques du Sud-Vietnam à rejoindre les protestants du Nord dont l’attitude était jugée trop passive à l’égard du régime communiste. L’Eglise évangélique au Sud-Vietnam, après être restée pendant plus de vingt-cinq ans sans aucun statut officiel, a obtenu la reconnaissance des autorités gouvernementales le 3 avril 2001 (2). Le directeur du Bureau des Affaires religieuses du gouvernement, Lê Quang Vinh, avait ce jour-là annoncé l’approbation accordée par le gouvernement à la charte (constitution) de l’Eglise évangélique, adoptée lors d’une Assemblée générale qui s’était tenue du 2 au 7 février 2001 à Hô Chi Minh-Ville. Avait également été reconnu le Comité exécutif de vingt-trois membres élus à cette même occasion. Cependant, au Sud comme au Nord, de nombreuses communautés dites domestiques ne sont pas encore reconnues, malgré les engagements contenus dans les directives du mois de mars dernier.