Eglises d'Asie

Les responsables des Eglises protestantes demandent au président de la République d’intervenir pour faire cesser la fermeture forcée de lieux de culte protestants dans la province de Java-Ouest

Publié le 18/03/2010




Le Rév. Andreas A. Yewangoe, président de la Communion des Eglises (protestantes) d’Indonésie (PGI, selon son acronyme indonésien), a été reçu le 23 août dernier par le président de la République, Susilo Bambang Yudhoyono, lequel était assisté de son ministre des Affaires religieuses, Maftuh Basyuni. Le responsable protestant s’est plaint au président d’un groupe islamique qu’il n’a pas nommé, le Front des défenseurs de l’islam, lui reprochant d’user de la violence et de recourir à l’intimidation pour obtenir la fermeture de lieux de culte protestants dans la province de Java-Ouest. En l’espace d’un an, vingt-trois temples ont ainsi été fermés, a souligné le pasteur Yewangoe, précisant que pour les seuls mois de juillet et d’août 2005, douze lieux de culte, dans les districts de Bandoung et de Cimahi, avaient dû cesser leurs activités. “Chaque jour, des rapports concernant la fermeture de lieux de culte arrivent au siège de la PGI a insisté le pasteur, soulignant qu’il était extrêmement regrettable que des responsables locaux de l’administration se joignent à l’occasion au groupe islamique en question. Andreas Yewangoe a appelé le président à garantir la liberté de religion et l’égalité entre les citoyens, principes qui sont définis dans la Constitution de 1945.

Selon la PGI, des radicaux musulmans accusent les chrétiens de se livrer au prosélytisme et de transformer de manière illégale des habitations ou des locaux commerciaux en lieux de culte. Weinata Sairin, secrétaire général adjoint de la PGI, explique que des chrétiens, à Java-Ouest, utilisent effectivement des maisons et des boutiques comme lieux de prière, mais qu’ils sont contraints à agir ainsi par la législation nationale, qui, selon lui, empêche bien souvent la construction d’églises catholiques ou de temples protestants dans les régions du pays où les chrétiens sont minoritaires. “La législation nous impose d’obtenir la permission des résidents locaux et cela est difficile car la majorité des gens ne sont pas chrétiens a-t-il précisé à l’AFP (1).

La législation en question est un décret de 1969, pris sous le régime de l’Ordre Nouveau de Suharto et amendant un texte de 1966. Ce décret stipule que la construction d’un lieu de culte requiert l’accord écrit du responsable de l’administration locale, lequel doit consulter les organisations et les responsables religieux de la circonscription dont il a la responsabilité (2). Concrètement, dans les régions à majorité musulmane, les chrétiens rencontrent le plus souvent de grandes difficultés pour obtenir l’accord de l’administration. Ils construisent donc des lieux de culte sans autorisation ou plus exactement obtiennent l’autorisation de l’administration des Affaires religieuses de faire fonctionner des lieux de prière ou de culte mais pas celle de l’administration locale. Souvent, des habitations privées ou des locaux commerciaux sont transformés en lieux de culte.

Pour le Rév. Andreas Yewangoe, ce qui est en jeu, c’est la liberté de religion, “un certain groupe de gens opprimant d’autres personnes au nom de la religion et l’impartialité de l’administration, “certains responsables de l’administration locale ayant pris part aux violences”. Il a appelé le président à annuler le décret de 1969.

Dans sa réponse au pasteur protestant, le président de la République a dit que la liberté de célébrer le culte selon sa religion était un droit fondamental garanti par la Constitution. Il a demandé à son ministre d’enquêter sur les faits. Trois jours plus tard, le 26 août, à l’issue d’un Conseil des ministres, Maftuh Basyuni a déclaré que le gouvernement ne ferait rien pour arrêter les auteurs des violences qui ont accompagné la fermeture des temples protestants. “Nous précisons simplement ici qu’il n’y a pas eu de fermetures d’églises les lieux de culte en question étant des “congrégations illégales”. “Le cas est réglé et l’Eglise l’a compris a ajouté le ministre des Affaires religieuses.

A Djakarta et dans la presse indonésienne, l’affaire n’est pas passée inaperçue. La Commission pour les Affaires interreligieuses de la Conférence des évêques catholiques d’Indonésie a déclaré que ce qui était en jeu, c’était le respect du premier principe du Pancasila, “la croyance en Un Dieu unique”. “Personne n’a le droit d’empêcher les gens de jouir du droit de pratiquer un culte a précisé le secrétaire exécutif de la Commission. L’ancien président de la République Abdurrahman Wahid a accusé le Front des défenseurs de l’islam de violer la Constitution. Si le gouvernement n’agissait pas, il a menacé d’envoyer les Barisan Serba Guna, la milice de la Nahdlatul Ulama, à Java-Ouest pour y défendre les chrétiens.

Du côté du Front des défenseurs de l’islam, son président Habib Rizieq, a qualifié de “calomnieux” les propos d’Abdurrahman Wahid, déclarant que son mouvement n’était pas responsable de la fermetu-re ou de la destruction d’églises à Bandoung. Selon lui, “ce qui s’est passé découle d’une demande de l’Alliance pour le mouvement contre l’apostasie de mettre fin à la transformation de résidences pri-vées en églises non autorisées, en contradiction avec le décret de 1969”. Le Front des défenseurs de l’islam, qui s’est fait connaître pour ses actions violentes contre des lieux jugés contraire à la morale islamique, tels que des bars et des boîtes de nuit, appartient à l’Alliance pour le mouvement contre l’apostasie.