Eglises d'Asie

Parmi un grand nombre d’autres responsables religieux et politiques, les évêques catholiques saluent la mémoire de l’intellectuel musulman Nurcholish Madjid, décédé à l’âge de 66 ans

Publié le 18/03/2010




“Au nom de tous les membres de la Conférence des évêques catholiques d’Indonésie et de tous les catholiques en Indonésie, nous exprimons notre profonde sympathie à feu le professeur Nurcholish Madjid.” C’est par ce message, envoyé à l’université musulmane Paramadina de Djakarta, que les évêques indonésiens ont joint leur voix aux très nombreux messages de condoléances issus du monde politique et religieux après la mort de Nurcholish Madjid, le 29 août dernier.

Nurcholish Madjid, mort à l’âge de 66 ans d’un cancer du foie, était un intellectuel musulman connu pour son engagement en faveur du pluralisme religieux, tout au long de ces trente dernières années, sur la scène intellectuelle et religieuse musulmane. Celui qui avait un temps enseigné l’islamologie à l’université jésuite Driyarkara de Djakarta avait co-fondé, il y a huit ans, l’université musulmane Paramadina, dont il était le recteur et où il enseignait la philosophie. “Nous avons perdu une personnalité nationale qui, jusqu’à son dernier souffle, s’est battu pour ‘l’unité dans la diversité’ dans notre nation (1). Il a défendu les valeurs morales, cherchant à promouvoir une nouvelle forme de civilité dans notre société, où la civilité est chaque jour battue en brèche pouvait-on lire dans le message de condoléances des évêques indonésiens.

Ailleurs dans le pays, les messages saluant la mémoire de Nurcholish Madjid ont été très nombreux, qu’ils émanent du président et du vice-président de la République ou des responsables des organisations musulmanes de masse, telles la Nahdlatul Ulama et la Muhammadiyah.

Selon le P. Franz Magnis-Suseno, professeur de philosophie à Driyarkara, “Nurcholish Madjid avait développé une théologie ‘inclusive’ du salut qui enseignait notamment que le salut pouvait exister en-dehors de l’islam”. A Paramadina, qui formait des élèves et des étudiants du secondaire aux classes universitaires, les non-musulmans se voyaient proposer des cours d’éducation religieuse conformément à leur appartenance religieuse, souligne le prêtre qui a bien connu le professeur défunt.

Pour le P. Antonius Benny Susetyo, secrétaire exécutif de la Commission pour les affaires interreligieuses de la Conférence épiscopale, Nurcholish Madjid a eu à cour, durant toute sa vie, de défendre le pluralisme au sein de la société indonésienne.

Né le 17 mars 1939 à Jombang, à Java-Est, dans une famille de religieux musulmans, Nurcholish Madjid a grandi dans une famille à la fois proche du Masyumi, le parti moderniste interdit par le prési-dent Sukarno en 1960, et de la Nahdlatul Ulama, la plus importante organisation musulmane de masse du pays, perçue comme traditionaliste sur les plans social et religieux. Estimant que l’islam en Indoné-sie avait besoin d’être renouvelé et jugeant que la réflexion dans le domaine de la pensée religieuse stagnait, il commença sa carrière d’intellectuel à l’Institut d’Etat pour les études islamiques, mais c’est au sein de l’Association des étudiants musulmans (HMI, Himpunan Mahasiswa Islam), une organisa-tion étudiante de musulmans modernistes, qu’il développa sa pensée, rassemblée dans un ouvrage : Les valeurs fondamentales du combat, et synthétisée dans un discours prononcé le 2 janvier 1970 devant quatre organisations islamiques : “La nécessité d’un renouveau pour la pensée islamique et pour l’in-tégration de la communauté musulmane”. Consulté par le président Suharto sur la réforme de la scène politique, il avait résumé sa pensée par un slogan promis à une certaine prospérité : “L’islam, oui ! Les partis politiques islamiques, non !” Au sein du Mouvement pour la défense morale, il militait, aux côtés des dirigeants de la Nahdlatul Ulama, de la Muhammadiyah, du cardinal Darmaatmadja, archevêque de Djakarta, et du Rév. Andreas Yewangoe, président de la Communion des Eglises d’Indonésie, pour la promotion de valeurs afin de lutter contre le communautarisme, la corruption et la violence, trois maux qui, selon lui, sapaient les fondements de l’Indonésie moderne (2).