Eglises d'Asie

A l’occasion de la réunion du Conseil national de l’intégration, les responsables des Eglises chrétiennes plaident à nouveau pour l’égalité des droits des dalits chrétiens

Publié le 18/03/2010




Le 31 août dernier, l’archevêque du diocèse catholique de New Delhi, Mgr Vincent Concessao, le président du Conseil chrétien pan-indien, John Dayal, et le théologien de l’Eglise (protestante) de l’Inde du Nord, Valson Thampu, ont signé une déclaration commune, lue lors d’une réunion du Conseil national de l’intégration. Dans cette déclaration, les responsables chrétiens ont réitéré une revendication ancienne des Eglises chrétiennes aux instances fédérales du pays, à savoir accorder l’égalité de traitement aux chrétiens dalits et issus des basses castes en les faisant bénéficier des mêmes privilèges que les autres dalits et les membres des ethnies minoritaires.

Etabli par Nehru en tant qu’instance de débats ouverts à tous les partis politiques du pays, avec l’objectif de renforcer la démocratie indienne, le Conseil national de l’intégration était en sommeil depuis plusieurs années, sa dernière réunion remontant à 1992. Ce 31 août, à New Delhi, le Premier ministre en personne, Manmohan Singh, plus d’une dizaine de ministres du gouvernement fédéral, douze ministres-présidents représentant autant d’Etats de l’Union indienne, et Sonia Gandhi, leader du Parti du Congrès, étaient présents lors de la session d’inauguration du Conseil. Ces personnalités politiques ont écouté l’appel des responsables chrétiens à instaurer l’égalité des droits pour les dalits chrétiens. Ils ont aussi écouté le discours de personnalités telles Narendra Modi, ministre-président du Gujarat, qui a présenté son Etat comme un “Etat modèle” où règne “l’harmonie entre les communautés”. En 2002, le Gujarat a été le théâtre d’émeutes anti-musulmanes, qui ont fait près de 2 000 morts, et Narendra Modi, membre du parti nationaliste hindou, le Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP), est soupçonné d’avoir sinon favorisé, du moins ignoré, ces émeutes (1).

Dans une société indienne historiquement hiérarchisée en quatre castes principales et toute une série de sous-castes, le bas de l’échelle sociale est occupé par différents groupes, les basses castes et les hors-caste, notamment les dalits, autrefois appelés “intouchables et les ethnies minoritaires. En 1950, dans l’Inde nouvellement indépendante (1947), les dalits de religion hindoue ont obtenu certains droits, inspirés des principes de discrimination positive. Ces droits sont inscrits dans la Constitution et c’est pour remédier à l’injustice qui est faite dès leur naissance aux dalits, aux ethnies minoritaires et aux basses castes, que ces groupes se voient garantis des privilèges spéciaux. L’accès gratuit à l’éducation, des quotas dans les universités et dans la fonction publique ainsi qu’un nombre déterminé de sièges dans les assemblées législatives ont été mis en place afin d’améliorer leur statut social et leur représentation politique. Les mêmes droits ont été accordés quelques années plus tard aux dalits sikhs et bouddhistes, mais pas aux dalits chrétiens ni aux dalits musulmans. Les Eglises chrétiennes en Inde n’ont jamais accepté cette discrimination et réclament une égalité de traitement pour tous les dalits et les groupes défavorisés.

En mars dernier, Mgr Vincent Concessao rencontrait le Premier ministre pour lui faire part d’un certain nombre de revendications, parmi lesquelles se trouvait l’admission des dalits chrétiens dans la liste des bénéficiaires des privilèges prévus par la Constitution. En avril dernier, à la suite d’une plainte déposée par l’Eglise catholique, appuyée par une pétition de chrétiens, la Cour suprême a jugé que le gouvernement fédéral se devait d’expliquer pourquoi les dalits chrétiens ne bénéficiaient pas de l’égalité de traitement, la date du mois d’août étant fixée comme date-butoir au gouvernement pour fournir une explication (2). Peu avant la fin du mois d’août, sur la requête du ministre de la Justice du gouvernement fédéral, la Cour suprême a toutefois accordé un délai à l’exécutif. Désormais, le gouvernement dirigé par Manmohan Singh a jusqu’au mois d’octobre 2005 pour justifier sa position.

Selon le P. Philomin Raj, qui suit le dossier de l’égalité des droits pour les dalits chrétiens à la Conférence des évêques catholiques, le nouveau délai accordé au gouvernement constitue “une déception même s’il permettra aux Eglises de disposer de plus de temps “pour exercer des pressions sur le gouvernement”. Du côté des milieux hindouistes, la revendication des Eglises chrétiennes est considérée comme inacceptable et, eux aussi, mobilisent leurs réseaux pour influencer la décision du gouvernement.

Pour Mgr Vincent Concessao, l’audition devant le Conseil national de l’intégration, en présence du Premier ministre, est jugée “satisfaisante”. “Notre demande pour un traitement juste des dalits chrétiens a été bien reçue par la plupart des formations politiques. Les membres du Conseil ont entendu les revendications des dalits chrétiens qui s’estiment tenus à distance du système politique et exclus du développement économique a-t-il déclaré à l’issue de la réunion du 31 août, tout en ajoutant : “Si le gouvernement fédéral est vraiment sérieux lorsqu’il parle d’appliquer son programme politique ‘Justice pour tous’, il doit résoudre la question dalit. Tous sont d’accord, excepté les partis d’extrême droite englués par des siècles de discrimination.”