Eglises d'Asie

Jharkhand : un prêtre catholique a été tué lors d’affrontements opposant manifestants aborigènes et militants hindouistes

Publié le 18/03/2010




Dans l’Etat de Jharkhand, bastion des populations aborigènes, la campagne pour les élections locales, qui auront lieu du 26 septembre au 21 octobre 2005, a été endeuillée par la mort d’un prêtre catholique (1). Le 12 septembre dernier, le P. Ignatius Bara, prêtre aborigène âgé de 48 ans du diocèse de Simdega, est mort, la gorge tranchée. Les circonstances exactes de sa mort divergent selon les récits qui en sont faits, mais il semble qu’elle soit à mettre en relation avec l’agitation créée dans l’Etat par une récente décision de la Haute Cour locale. Les juges de l’Etat se sont en effet prononcés contre la “réservation” de près d’une moitié des quelque 4 500 mandats électifs mis en jeu par ces élections locales, une décision qui a provoqué la colère des populations aborigènes dont les candidats sont les seuls à pouvoir briguer ces mandats “réservés” (2). Une organisation aborigène, le Front de protection des droits des aborigènes (Adivasi Adhikar Raksha Manch), avait appelé à la grève générale dans l’Etat pour protester contre la décision des juges de la Haute Cour.

Selon le P. Babu Joseph, porte-parole de la Conférence des évêques catholiques de l’Inde, “un grand nombre de personnes” s’étaient rassemblées le 12 septembre à deux kilomètres du village de Chandtanagar, dans la paroisse de Banabira, pour manifester en faveur de la défense des droits des aborigènes. Les manifestants avaient érigé un barrage sur la route menant de Chandtanagar à Simdega, une localité plus importante située à 25 km. Des marchands hindous ont été stoppés et empêchés de gagner Simdega. Le porte-parole rapporte ces faits dans un courrier adressé à la Commission nationale des minorités pour demander l’ouverture par cette instance fédérale d’une enquête. Dans ce courrier, le P. Babu Joseph écrit que des membres de l’organisation hindouiste, Shanti Sena (‘L’armée de la paix’), se sont mêlés aux manifestants et ont donné la chasse aux aborigènes. Le P. Ignatius Bara s’éloignait de l’échauffourée ainsi créée sur sa motocyclette “lorsque des militants hindouistes l’ont attaqué” et lui ont tranché la gorge à l’aide d’“un couteau traditionnel”.

Selon Mgr Vincent Barwa, évêque auxiliaire de Ranchi, capitale de l’Etat, les circonstances de la mort du P. Bara, vicaire de la paroisse de Banabira, ne sont pas exactement celles décrites par le P. Babu Joseph. Le P. Ignatius Bara ne participait pas au barrage érigé par les aborigènes en colère. Il a été tué alors qu’il cherchait à séparer les deux groupes, les manifestants aborigènes et les militants hindouistes, pour éviter toute effusion de sang.

Les obsèques du prêtre catholique ont eu lieu le lendemain, le 13 septembre, en l’absence de Mgr Joseph Minj, évêque de Simdega, en déplacement à l’étranger. Elles se sont déroulées dans le calme, en présence de plusieurs centaines de fidèles, de prêtres et de religieuses. Selon différentes sources, la situation, dans la paroisse de Banabira, demeure “tendue, mais sous contrôle”. La police a arrêté quatre personnes, suspectées d’être liées au meurtre du P. Ignatius Bara. Par ailleurs, Mgr Telesphore Toppo, archevêque de Ranchi et président de la Conférence épiscopale de l’Inde, aborigène lui-même, a demandé aux autorités de diligenter une enquête pour élucider la mort du P. Bara.

Créé par une division en 2000 de l’Etat de Bihar, la région correspondant à l’Etat de Jharkhand a une longue histoire de violences commises à l’encontre de membres du clergé catholique. Dans les années 1960, un jésuite, le P. A. Goveas, avait trouvé la mort en tentant de séparer des émeutiers musulmans et hindous. En 1994, le P. Lawrence Kujur a été poignardé à mort, le P. Joseph Dungdung décapité et un séminariste, Anup Amar Indwar, scalpé. En 1997, le corps décapité du jésuite Anchanickal T. Thomas était retrouvé dans une forêt du Bihar. Le 6 septembre 2001, dans le Jharkhand, des rebelles maoïstes ont abattu le P. John Baptist Crasta et son chauffeur, un incident où une religieuse et un laïc ont échappé à la mort en s’enfuyant au prix de plusieurs blessures (3).