Eglises d'Asie

LE POINT SUR LA SITUATION HUMANITAIRE EN COREE DU NORD AVEC LA COORDINATRICE DE L’AIDE DU RESEAU CARITAS

Publié le 18/03/2010




Far Eastern Economic Review : Pouvez-vous mettre en perspective la pauvreté en Corée du Nord – sur un plan régional ou général ? Pour parler simplement, à quel point les Nord-Coréens sont-ils pauvres ?

Kathi Zellweger : A l’automne dernier, une nouvelle étude a été faite sur l’état nutritionnel de la population, dont les résultats ont été publiés en mars alors que j’étais en Corée du Nord. D’un côté, elle fait apparaître une amélioration par rapport à l’étude précédente. Mais, de l’autre, si l’on compare ces résultats avec ceux du monde asiatique, on est au niveau du Laos pour ce qui concerne la mise à disposition des denrées alimentaires, la famine qui touche les enfants, la malnutrition chronique et la malnutrition aiguë. En Asie, je crois, le Timor-Oriental est encore plus mal loti.

Je pense qu’une différence fondamentale est le fait que nous n’ayons pas affaire à un pays en voie de développement, mais à un pays qui a atteint un certain niveau de développement et qui est en train de s’enfoncer dans une sévère dépression. Après l’éclatement de l’Union soviétique, la Corée du Nord a perdu ses partenaires commerciaux habituels, à quoi se sont ajoutées les catastrophes naturelles qu’elle a connues. Si l’on met de côté la difficile situation politique, telle que celle que l’on connaît actuellement, je resterais raisonnablement optimiste en disant que, si la situation intérieure et la situation extérieure changent, la République démocratique populaire de Corée devrait arriver à se remettre sur pied dans un temps donné. Je ne connais pas de pays où une agence d’aide s’installe pour l’éternité.

Un indicateur important pour moi est le fait que je n’ai pas encore rencontré un Nord-Coréen qui ne sache ni lire ni écrire. Dans beaucoup d’autres pays, c’est le gros problème. Mais si les gens savent lire et écrire, une fois qu’ils ont accès à l’information, l’économie se met en marche assez rapidement. Vous ne partez pas de zéro. Il est aussi très intéressant, comme je l’ai remarqué lors de mon dernier voyage, que, dans les écoles secondaires, on ait commencé à enseigner aux enfants un peu d’anglais. Pour moi, c’est le signe que l’on a ressenti la nécessité de communiquer avec le reste du monde. Ce sont les premiers petits pas.

Comme il s’agit d’une société fortement urbanisée qui souffre de la faim, pourquoi les gens, en Corée du Nord, ne retournent-ils pas à la campagne ?

C’est très difficile, parce que vous ne faites pas un fermier d’un ouvrier d’usine. C’est plus simple dans l’autre sens. Regardez la Chine lorsqu’elle s’est ouverte, vous voyez que la moitié des paysans est passée à l’industrie. Mais, à mon avis, ça ne marche pas dans l’autre sens. Il y a tant de connaissances accumulées que les paysans se passent de génération en génération et que les ouvriers d’usine n’ont tout simplement pas.

Qui sont vos principaux donateurs, et sont-ils en train de changer ?

Notre plus gros donateur est la Caritas en Corée du Sud et ensuite ce sont principalement des donateurs en Europe, au Canada, à Hongkong. Caritas est une organisation internationale, mais nous avons aussi beaucoup de contributeurs qui ne sont pas de Caritas et qui répondent à notre appel simplement parce qu’ils sont d’accord avec ce que nous faisons. Ils ne veulent pas créer leurs propres réseaux et font ainsi l’économie des coûts administratifs et opérationnels.

Pour vous parler franchement, j’ai l’impression que cette année sera très difficile. Parce que nous avons donné énormément en termes de ressources et de capacités pour le tsunami, et je crains beaucoup pour nos programmes nord-coréens. Vous savez, nous avons demandé de l’argent pendant dix ans, les gens vont finir par dire : “Est-ce que c’est toujours une urgence ? “Qu’est-ce que c’est ?” C’est pour cela que ce ne sera pas une année très aisée.

Quel est le niveau de votre système de contrôle pour éviter que l’aide alimentaire ne soit détournée par les militaires ou pour d’autres utilisations ?

En septembre dernier, le gouvernement a grosso modo annoncé qu’il voulait que le système de distribution de l’aide soit changé. Je pense que c’était une manouvre indélicate, mais parfois il m’arrive de l’accepter. Ils cherchent ainsi actuellement de nouveaux modes de travail. C’est même tout à fait le cas pour l’aide alimentaire et pas tellement pour d’autres choses. Pour ce qui nous concerne, je pense que cette année sera une année de consolidation. Je ne pense pas que de grands progrès soient faits pour différentes raisons et, de toutes façons, nous n’avons pas l’argent pour les réaliser. Mais, jusqu’à maintenant, nous n’avons pas l’impression de régresser dans la façon dont nous travaillons.

Quelle est la proportion de l’aide alimentaire dans votre aide globale ?

Si nous devons nous comparer à d’autres intervenants, notre taille est plutôt modeste et nous cherchons dans le Programme alimentaire mondial les niches auxquelles nous pourrions répondre. Disons, comme ce fut le cas quand j’étais en Corée du Nord, que le Programme alimentaire mondial annonce : “Si je n’ai pas de lait en poudre et de farine, nous devrons arrêter des usines de production alimentaire.” Alors là, Caritas peut répondre très vite et j’ai actuellement de la farine et de la poudre de lait écrémé en route pour permettre aux usines de continuer à fabriquer leurs biscuits vitaminés.

Nous travaillons aussi pour l’agriculture en essayant d’accroître les productions locales ou en apportant de nouvelles idées. Nous travaillons dans le domaine de la santé et des centres résidentiels de soins pour enfants, parce que ce genre de population est particulièrement démuni.

Nous soutenons les fermes coopératives avec des apports techniques pour leur permettre d’augmenter leur production. Ces fermes ont maintenant plus de liberté pour décider de leur production et l’on peut y voir des cultures vivrières vendables. Il y a des marchés et les paysans peuvent y vendre leurs produits et gagner de l’argent. Nous travaillons avec deux autres agences pour créer un centre de formation pour les mécaniciens agricoles et les conducteurs de tracteurs. Si, en effet, vous fournissez des machines neuves, la réparation et l’entretien deviennent vite un problème. Ces centres donneront donc des cours de formation rapide pour que les ouvriers puissent entretenir leurs matériels sur place.

C’est plutôt du développement que de l’aide humanitaire, mais, en tant que Caritas, nous avons le sentiment qu’ils doivent aller de pair : l’aide humanitaire, et l’aide au développement et à la réhabilitation. Il est très difficile de trancher et de dire : “Nous n’allons faire que cela et nous ne ferons pas cela.”

Mais, naturellement, Caritas ne résoudra pas les problèmes de la Corée du Nord, parce qu’ils ont une ampleur qui nécessite l’intervention d’acteurs plus puissants que ceux d’une ONG. Il faut que le gouvernement de la République démocratique populaire de Corée pratique une politique de dialogue plus ouverte sur l’aide au développement, fasse preuve de plus de transparence, de fiabilité et de bien d’autres choses encore. Donc, vous voyez que le chemin n’est pas à sens unique pour intégrer la Corée du Nord dans le concert mondial.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus quant au côté hostile de l’environnement extérieur ?

Je pense que tant que les sanctions existeront, les choses ne seront pas facilitées. La Corée du Nord n’a pas accès aux financements internationaux et cela signifie qu’aucun investisseur majeur n’y viendra. Vous ne pouvez pas rompre l’isolement.

Vous avez mentionné les marchés qui existent pour les produits agricoles des fermes et les réformes économiques. Quel est, à votre avis, l’impact que de telles réformes peuvent avoir ?

Vous voyez les choses en termes de résultat. Vous savez, avant, nous avions des marchés, mais les gens n’avaient simplement aucune idée des prix. C’était le gouvernement qui commandait et vous preniez ce que l’on vous donnait. Maintenant, tout le monde connaît le prix d’un kilo de riz et ce que coûte telle ou telle chose. Ainsi, les façons de penser changent. Et, j’en suis presque sûre, c’est maintenant un sujet de conversation pendant les dîners – ce qu’ils voient au marché et ce que cela coûte et d’où cela vient. Cela était impensable avant juin 2002, quand les premiers marchés sont apparus.

Et les usines aussi. Elles sont maintenant sous pression pour faire des profits. Vous entendez des expressions comme “business plan” qui n’existaient pas avant. Maintenant, vous parlez de business plan, de profitabilité et de choses semblables, dont vous n’aviez jamais entendu parler.

Ont-ils l’esprit d’entreprise ? Une entreprise d’Etat peut-elle cacher les erreurs qu’elle fait ? Ont-ils des incitations ?

C’est très difficile pour moi de porter un jugement. A une très petite échelle, oui, absolument. Vous voyez maintenant arriver toutes ces entreprises familiales ou de deux personnes. Mais je travaille aussi avec une ou deux usines, parce que nous avons commencé à nous adresser à la production locale au lieu d’acheter en Chine. Et là, nous avons de véritables négociations commerciales. Ces usines ont alors à affronter les usages du commerce international. On crée des emplois, on fait des économies sur les coûts de transport et, en fin de compte, on arrive à avoir ce que l’on veut.

Quand on travaille avec ce genre d’entreprise, on s’aperçoit vite qu’elles peuvent être très combatives ! (rires). Avant j’aurais dit : “Bon, il faut que nous fassions un contrat d’achat et c’était très long. Maintenant, ils m’appellent pour me dire : “Vous n’avez pas encore signé le contrat, nous l’attendons !” C’est un vrai changement de mentalité. S’ils produisent plus, les ouvriers touchent des salaires plus importants, ou l’entreprise leur fournit davantage de nourriture ou de ce dont ils ont besoin. Donc, c’est une sorte d’incitation. Mais, évidemment, il y a des gagnants et des perdants dans ce nouvel environnement.

Est-ce que cela pose des problèmes sociaux ? Comment se présentent les choses ?

Non, pas encore, mais cela dépend de la façon dont ils préparent l’avenir. Cela peut devenir un problème. Et nous, en tant qu’organisme d’aide, nous avons besoin de voir comment nous pouvons faire quelque chose pour aider ces nouveaux demandeurs comme les pauvres des grandes villes. Parce que ce qui est nouveau aussi, c’est que maintenant les paysans sont mieux lotis que les ouvriers d’usine, spécialement, pour ce qui est de l’alimentation. Avant, les ouvriers d’usine recevaient ce que les paysans produisaient. Maintenant, si vous êtes un ouvrier dans une ville industrielle sur la côte est, habitant un HLM et n’ayant ni parent ni accès à la campagne, c’est vraiment dur.

Cela ressemble beaucoup aux réformes de Deng Xiaoping – d’abord, les revenus agricoles augmentent, puis les réformes gagnent les villes

Les pourcentages sont différents : de 60 à 65 % d’ouvriers contre 30 à 35 % de paysans. Je ne me hasarderais pas à comparer. Et puis, j’ai insisté sur l’amélioration de l’alimentation, mais les ouvriers peuvent être mieux habillés ou mieux chaussés, parce qu’on leur fournit des vêtements ou des chaussures. Mais les paysans ont davantage de nourriture, parce que ce sont eux qui la produisent.

Est-ce que l’inflation est élevée ?

Terriblement. On en a perdu tout contrôle. Il y a en fait des économies parallèles. L’économie qui fonctionne avec les taux de change officiels, le marché noir avec ses taux et puis des taux qui sortent d’on ne sait où et on ne comprend plus rien.

Quand la Chine avait ce genre de double économie, la conséquence en était la corruption.

Bien sûr, mais il n’y a pas beaucoup à prendre, vous savez ! Je veux dire que si l’usine a des commandes, les matières premières font défaut. Par exemple, quand nous commandons des vêtements, je dois d’abord faire une énorme avance et quand l’usine l’a reçue, elle va en Chine pour acheter la matière première, du coton, du fil, des boutons, des fermetures éclair.

Donc vous dîtes que, sur le fond, le secteur public a toutes raisons d’être arrêté.

Je n’irai pas jusque là, ces grosses usines sont toujours là et ils essayent de trouver le moyen de les faire fonctionner. Ils les mettent sous pression, mais ils ne peuvent pas simplement dire aux ouvriers d’aller travailler dans les champs. Il y a certainement un redéploiement vers le secteur agricole, mais il est saisonnier, au moment des semailles ou de la moisson, et pas à longueur d’année. Donc, il faut que les gens trouvent le moyen de vivre.

Les gens qui vont en Chine pour y acheter des matières premières et des biens de consommation doivent commencer à connaître certains aspects du monde extérieur et en faire part autour d’eux. Pouvez-vous confirmer ce phénomène ?

Oui, tout à fait. De plus en plus de gens, surtout à Pyongyang, ont accès à des informations de l’extérieur et particulièrement de la Chine. Il y a aussi de plus en plus d’hommes d’affaires chinois qui viennent dans le pays et un grand nombre de Coréens qui vont étudier dans les universités chinoises. Je n’ai pas encore entendu dire qu’ils ne revenaient pas, donc, ils reviennent. Et ils reviennent avec un esprit ouvert aux idées nouvelles.

Y a-t-il une ouverture semblable qui se développerait au sein des autorités, en ce sens qu’elles reconnaîtraient les problèmes auxquels elles font face et la dépendance vis-à-vis de l’aide extérieure ?

Et bien, en même temps qu’ils disent que le système de contrôle de l’aide doit être changé, ils demandent davantage d’assistance technique et une aide qui soit plus axée sur le développement. Le problème, vous savez, est en fait qu’il faut que ceux qui ont pris cette décision comprennent ce qu’elle implique. La façon dont je vois les choses est que, pour l’heure, nous devons continuer l’aide humanitaire, parce que les besoins sont bien là. Et, par aide humanitaire, je ne pense pas qu’à l’aide alimentaire, parce que bien trop de gens, bien trop souvent, ne pensent qu’à l’aide alimentaire. Mais il y a aussi l’aide concernant la santé, l’eau, les installations sanitaires et l’éducation.

Ainsi, vous le voyez, l’aide humanitaire ne se résume pas à l’aide alimentaire. Il nous faut chercher un ensemble d’aides qui englobent beaucoup d’aspects de l’humanitaire. Nous sommes dans les limbes, parce que nous ne pouvons pas devenir une société de développement, mais nous pouvons utiliser le temps dont nous disposons pour apprendre aux gens à comprendre et à se préparer à ce que sera la prochaine étape. Je ne dis pas que c’est facile, rien n’est facile en Corée. Il faut essayer de trouver des moyens acceptables pour tout le monde. Nous devons travailler davantage en partenariat et pas seulement en distributeur d’aides. Les Nord-Coréens se sentiront alors plus intégrés à un système et non pas seulement récipiendaires d’aides. Cela les aidera à changer d’attitude.

Estimez-vous que les officiels nord-coréens avec qui vous travaillez vous font confiance ?

Oui, je le pense, sans cela, je ne serais pas autorisée à voyager partout dans tout le pays. En règle générale, on ne peut pas se plaindre de l’accessibilité dont nous jouissons. Bien sûr, je ne voyage pas comme je le veux, je dois demander un permis de déplacement. Mais les Nord-Coréens en ont aussi besoin pour aller d’un endroit à un autre et je ne vois pas pourquoi les étrangers seraient traités différemment dans un pays qui est techniquement toujours en guerre. Donc, il faut prendre en compte le cadre dans lequel nous évoluons. Mais l’important est que vous vous fassiez des relations et que vous inspiriez confiance.

Quels sont vos correspondants en Corée du Nord ?

Au début, c’était le comité mis en place directement après les inondations, le Comité de réhabilitation des dommages des inondations (CRDI). Pour ce qui concernait les organisations internationales, nous dépendions du ministère des Affaires étrangères. Mais cette organisation a une structure qui couvre jusqu’au village et qui a des rapports avec les Comités populaires. Ce qui a changé dans les dernières années est que nous avons un meilleur accès aux milieux ministériels. Ainsi, par exemple, nous pouvons établir des programmes et des projets et les soumettre directement aux ministères de l’Agriculture, de la Santé ou de la Pêche, en liaison avec le CRDI. Et je suis heureuse pour eux que nous soyons là, parce qu’ils ont à donner leur accord pour les visas et tous les consultants qui cherchent à entrer en Corée du Nord. Mais c’est plus direct que cela ne l’était au début.

Comment sont intégrés les militaires dans ces actions ?

C’est comme si c’était un système totalement différent. Mais ce n’est pas une situation où il y aurait une société civile et une société militaire. C’est “nous” à peu près partout. Ainsi, quand vous rendez visite à une famille, ils sont très souvent fiers de dire : “Mon fils est militaire.” A certaines époques de l’année, vous les voyez construire des routes ou aider à la moisson. Ils remplissent aussi des taches civiles.

Comment faites-vous pour faire appel à des dons quand vous travaillez dans un pays qui est connu pour travailler sur des armes nucléaires ? Quelles sortes de difficultés rencontrez-vous avec les donateurs ?

En théorie l’aide humanitaire doit être séparée de la politique. Je ne dis pas qu’elle l’est toujours. Nous, à la Caritas, nous n’obtenons pas beaucoup d’aides des gouvernements. Nous avons de l’argent des Eglises et pour nous ce sont les gens qui comptent. Aussi longtemps que nous serons raisonnablement certains que l’aide va où elle doit aller, ce sera notre force. Elle est pour les gens ordinaires.

Est-ce que la Corée du Nord a des critères pour choisir les organisations qui peuvent y travailler ?

Pas que je sache. Je veux dire qu’il y a peu d’agences qui y travaillent. Et, d’une certaine façon, cela nous facilite la coordination et nous pouvons éviter les doubles emplois. Il ne s’agit pas de 300 agences qui se marchent sur les pieds les unes des autres comme dans certains pays. C’est en fait un petit groupe de personnes ou d’organisations qui essayent de se coordonner autant que possible.

Le Programme alimentaire mondial a eu beaucoup de mal ces dernières années à maintenir son aide…

Oui, je pense, comme je l’ai dit, que les Nord-Coréens ont eu le sentiment que leur mode de contrôle était très inquisitorial. Mais je pense qu’ils s’imaginaient aussi que certains gouvernements étaient très désireux d’obtenir autant de renseignements que possible sur leur pays et qu’ils n’étaient pas tous nécessaires pour l’aide humanitaire. C’est pourquoi ils sont un peu sensibles sur le sujet.

Ils pensaient que des membres du Programme alimentaire mondial les espionnaient ?

Non, c’est simplement que le Programme alimentaire mondial a un grand nombre d’employés. Ils ont environ 45 personnes sur le terrain. Il faut voir aussi les choses du côté nord-coréen. Ils étaient en face de 45 employés alors qu’il y avait un montant d’aide double à distribuer. Ainsi, de leur point de vue, ils auraient pu distribuer 900 000 tonnes avec ce personnel et ils n’en distribuaient que la moitié. Pourquoi ne pas diminuer ce personnel ?

Est-il difficile de faire voyager l’aide dans le pays ?

Oui, naturellement, même avec beaucoup d’énergie, c’est un problème qui n’est pas facile. Mais, par exemple, notre zone cible est la côte est, qui est une des régions les plus difficiles. Aller à Kangwon est facile, mais Hamgyong-Sud, Hamgyong-Nord, Ryanggang ne sont pas des régions aisées à atteindre. Nous essayons par bateau depuis la Chine, ou par le chemin de fer via la Chine, pour réduire les coûts de transport par la route à l’intérieur du pays.

D’un autre côté, je dois dire qu’en termes de transports locaux, nous n’avons jamais rien eu à payer. Même si nous avons de gros envois par bateau, disons de Thaïlande, nous prenons des bateaux nord-coréens et nous n’avons à payer que les assurances et les frais portuaires et rien d’autre. C’est un arrangement tout à fait extraordinaire qu’ils ont accepté quand nous le leur avons proposé. Nous travaillons en partenariat et ils doivent donc payer quelque chose.

Avez-vous des gens à vous aux points de distribution ?

Avec une agence canadienne, nous avons un petit bureau au Programme alimentaire mondial. Ils nous aident en dirigeant et en contrôlant ce qu’ils pensent nécessaire. En fait, ils agissent comme nos représentants, quand nous ne sommes pas sur le terrain. Cela nous aide en ce sens que notre accord avec eux prévoit que lorsqu’ils contrôlent ce qu’il leur est donné, ils contrôlent aussi ce qui nous est donné. Nous avons donc, ainsi, une efficacité meilleure que si nous avions un petit bureau là-bas, car la personne, qui y serait, passerait tout son temps à courir après l’aide alimentaire.

Que diriez-vous à quelqu’un qui se demanderait s’il faut répondre à une demande d’aide ? Est-t-il plus bénéfique humainement d’aider un système comme celui-ci à se maintenir avec une aide sur dix ans, ou le laisser s’écrouler plus tôt pour pouvoir aider les gens de façon plus directe ?

Je vois des changements et ce qui me rend optimiste est que, dans le temps, les choses peuvent s’arranger. Mais, comme le l’ai dit, vous ne pouvez pas réformer un pays qui est isolationniste. Beaucoup de monde doit collaborer et là se trouve la difficulté que nous rencontrons aujourd’hui. Nulle part, les gens ne sont réellement désireux de travailler ensemble.

Croyez vous que le gouvernement va continuer à changer ou qu’il va prendre une attitude différente ?

Je pense que ce sera du style “on s’arrête et on repart mais qu’en fin de compte on avancera quand même. Je suis à peu près persuadée qu’ils ne peuvent pas revenir en arrière. Et vous voyez des gens qui, tout d’un coup, ont de l’argent pour la première fois et qui peuvent faire ce qu’ils en veulent. Cela fait une grosse différence. Je ne pense pas qu’ils pourraient revenir au système de rationnement qu’ils connaissent depuis 1948.