Eglises d'Asie

Des effectifs de fidèles en légère baisse, un personnel abondant, un réseau d’établissements sociaux et éducatifs insuffisant caractérisent l’Eglise du Vietnam d’aujourd’hui

Publié le 18/03/2010




S’appuyant sur les dernières données statistiques de l’Eglise du Vietnam, à savoir celles qui ont été recueillies lors de la récente Assemblée plénière des évêques du Vietnam, le P. Nguyên Ngoc Son, secrétaire de la Conférence épiscopale, vient de présenter un “état des lieux” de l’Eglise du Vietnam (1) qui met à mal certains clichés la concernant. Prenant comme point de repère dans le passé l’année 1960, il essaie de mesurer et d’estimer le chemin accompli par la communauté catholique au cours de ces quarante-cinq dernières années. Son évaluation a pris successivement pour cible les effectifs de fidèles, le personnel d’Eglise, l’état actuel de l’évangélisation dans le pays et la situation présente des organismes d’action pastorale et caritative.

Au 31 décembre 2004, il y avait 5 776 972 catholiques dans un pays où la population est estimée à 82 032 300 habitants. Le pourcentage des catholiques s’élève donc à 7,04 %. Ces chiffres pourraient donner lieu à un certain optimisme si l’on ajoutait qu’il y a eu, durant l’année, 147 427 baptêmes, parmi lesquels 21 519 baptêmes d’adultes et que la population catholique a augmenté de 109 544 fidèles. Mais, si l’on se réfère aux statistiques relevées quarante-cinq ans auparavant, en 1960, on constate que la population catholique pour l’ensemble du pays – alors divisé en deux -, était de 2 094 640, ce qui représentait par rapport au nombre global des habitants un taux de 7,17 %. On est donc obligé de constater que la proportion de la population catholique a baissé au cours de la période récente. Cette baisse est d’autant plus étonnante si on la compare à l’évolution de certaines Eglises voisines, comme celle de Corée du Sud, où la proportion des catholiques est passée de 4 % en 1949 à 8,8 % en 2004. Les constatations rapportées plus loin pourraient donner une certaine explication de ce léger repli du catholicisme au Vietnam, un repli d’autant plus frappant que les données concernant le personnel d’Eglise donnent une impression toute différente.

En effet, le nombre total des prêtres à la fin de l’année 2004 était de 3 126, chiffre en considérable augmentation par rapport à celui de l’année 1960, où le clergé comportait 1 914 membres. Une même augmentation est également constatée pour ce qui concerne les religieux dont le nombre a plus que doublé en quarante-cinq ans et s’élève cette année à 14 413 (dont 12 344 religieuses). Il n’y a aucune crise des vocations au Vietnam où beaucoup de congrégations religieuses de pays étrangers viennent maintenant essayer de recruter de nouveaux membres. Si l’on ajoute aux chiffres précédents les 53 987 catéchistes volontaires ou permanents, on constate que le personnel d’Eglise est composé de plus de 75 000 membres. La mise en parallèle de ce très nombreux personnel avec la légère régression du taux des effectifs des fidèles par rapport à la population totale ne manque pas de faire problème et est difficilement explicable. On est tenté de penser que le rayonnement apparent de l’Eglise catholique a du mal à se concrétiser.

Il est possible aussi, précise le P. Son, que la légère baisse des effectifs tienne encore à la perte d’un certain nombre d’établissements qui contribuaient à propager son influence dans la société civile. Etant donné les circonstances politiques dans lesquelles elle se trouve, l’influence de l’Eglise catholique est difficilement mesurable. Certes, le réseau des établissements et des centres pastoraux est d’une certaine façon impressionnant. Pour l’ensemble du Vietnam, on compte 1 552 paroisses et chrétientés desservies par un prêtre, pour 890 paroisses et chrétientés sans prêtre. Cependant, le réseau actuel des établissements éducatifs, médicaux et sociaux est particulièrement lâche. Seuls fonctionnent des jardins d’enfants et des classes maternelles (698 pour tout le pays), récemment autorisés et généralement tenus par des congrégations religieuses. Bien que le gouvernement préconise aujourd’hui une certaine privatisation – qu’il appelle “socialisation” -, il n’est pas possible à l’Eglise de s’investir dans l’éducation et les services sociaux, en partie parce qu’elle a perdu les établissements qu’elle possédait avant 1975, d’autre part parce qu’elle ne possède plus le personnel qualifié pour les faire fonctionner. Il est souhaitable, pense le prêtre, que l’Eglise catholique utilise son riche personnel pour répondre de mieux en mieux aux besoins nombreux et urgents de la société vietnamienne.