Eglises d'Asie

A Goa, la diminution du nombre des catholiques inquiète l’Eglise

Publié le 18/03/2010




En 1960, un an avant le départ des Portugais de Goa, les chrétiens de ce territoire, considéré comme un bastion catholique en Inde, représentaient 38,07 % de la population. En 2001, ils n’en représentaient plus que 26,68 %. Cette diminution inquiète fortement l’Eglise catholique locale. Parallèlement, de récentes statistiques officielles indiquent la forte croissance de l’immigration, en provenance d’autres Etats de l’Union indienne (Goa a été annexé par l’Inde en 1962). Ainsi, entre 1961 et 2001, la part de la population hindoue dans la population de Goa est passée de 59,92 % à 65,79 % et celle de la population musulmane de 1,95 % à 6,84 %.

Pour plusieurs prêtres catholiques de Goa, plus que cette immigration, c’est le déclin de la population chrétienne qui est préoccupant. Ils estiment que ce déclin est dû à deux causes principales : d’une part, l’exode des catholiques qui quittent Goa pour émigrer à l’étranger, en Europe le plus souvent, et, d’autre part, à la généralisation du planning familial et aux effets de la politique gouvernementale qui encourage les familles à se limiter à deux enfants.

Pour le P. Rebelo, c’est surtout la bourgeoisie catholique et les intellectuels qui choisissent de s’expatrier (1). Les jeunes catholiques, pour leur part, ne veulent plus exercer de métiers considérés comme indignes d’eux et ils rêvent de partir à l’étranger, comme à la poursuite d’un mirage. Le P. D’Souza, curé d’une paroisse à Panaji, la capitale de l’Etat de Goa, raconte ainsi que son propre sacristain est un immigrant, venu du nord de l’Inde, “parce que les gens d’ici n’aiment pas ce genre de travail”. Ce qui conduit à une pénurie d’artisans traditionnels. Des vides que remplissent aussitôt migrants hindous ou musulmans, explique-t-il encore.

Selon ces prêtres, les lois du Portugal ne font qu’encourager cet exode en donnant à tous ceux qui sont nés à Goa avant 1961, à eux et à leurs enfants, la nationalité portugaise. Des milliers de Goanais font ainsi la queue devant le consulat portugais de Panaji, pour obtenir la nationalité à laquelle ils ont droit, une nationalité portugaise qui leur permettra de voyager et de s’établir à travers l’espace de Schengen, dans l’Union européenne. « Les paroissiens viennent demander leur certificat de baptême, rapporte le P. D’Souza. J’essaie de leur dire que l’avenir est en Inde et, qu’un jour, ils reviendront, qu’il y a tout ce qu’il faut ici. Que veulent-ils d’autre ? Mais c’est vrai que l’herbe est toujours plus verte chez le voisin.” D’après une récente étude nationale sur la qualité de vie, Goa vient en tête des Etats de l’Union où il fait bon vivre.

Selon le P. Rebelo, le planning familial mis en place par les autorités est l’autre facteur responsable du déclin relatif de la population catholique de Goa. “Cette norme d’un ou deux enfants par famille est préoccupante. Encore une cinquantaine d’années et les plus grandes de nos églises seront vides se lamente-t-il. Ce que confirme un autre curé de paroisse, le P. E. Miranda, qui observe un déclin constant dans le nombre des baptêmes d’enfants célébrés dans les églises catholiques de Goa.

Pour le P. D’Souza, la “diminution de la population catholique contribue à faire disparaître l’atmosphère catholique de Goa, c’est-à-dire ses valeurs et tout ce qui fait son identité.” Pour lui, l’influence du catholicisme durera, affirme-t-il, “tant que l’afflux des nouveaux arrivants ne se fera que par petits groupes, car ces nouveaux arrivants s’intègrent, en respectant nos modes de vie et nos valeurs. Mais ce serait navrant si les Goanais continuaient encore longtemps à quitter le pays”.

Aux yeux du P. James Torres, un prêtre qui travaille dans le secteur très majoritairement catholique de Margao, le plus inquiétant, c’est la vente des propriétés catholiques. “Dans notre secteur, terrains et maisons sont mis en vente par les candidats à l’émigration. Des hommes d’affaires du nord de l’Inde recherchent les anciens hôtels particuliers de style portugais. Ils les réparent et les revendent avec une coquette plus-value à des étrangers explique-t-il.

Le P. Jose Dias, lui aussi curé d’une paroisse du même secteur, se préoccupe du déclin de l’influence et du prestige du catholicisme en même temps que s’amenuise le nombre des catholiques. “Malgré le fait que les hindous étaient les plus nombreux, les catholiques ont toujours été en situation de prééminence à Goa. A tel point que nous étions considérés comme un Etat catholique. Ce sont les catholiques qui détenaient les capitaux, les terrains et les situations propres à décider de l’avenir de Goa. Désormais, tout cela va disparaître analyse-t-il. Il précise cependant qu’il s’inquiète moins de voir les hindous prendre les rênes du gouvernement que de voir des fanatiques religieux accéder au pouvoir.

Pour Arnaldo Dias, pêcheur de profession, l’émigration ne fait aucun doute. Catholique, il explique qu’il veut aller en Europe parce que, là-bas, les gens sont payés à l’heure. Il a entendu dire pouvoir gagner en un mois ce qu’il gagne en une année à Goa. Il confie ses projets en disant : “Je ne suis pas sûr de revenir. Pour le moment, je pars avec l’idée de revenir, mais si les choses marchent bien, je prendrai mes enfants avec moi et, avec un peu de chance, on s’installera là-bas.”