Eglises d'Asie

Avec le soutien de l’Eglise catholique, des ONG et l’Organisation internationale du travail (OIT) ont organisé un congrès national des employés de maison, une première aux Philippines

Publié le 18/03/2010




Du 21 au 23 septembre dernier, environ deux cents employés de maison ont participé au Sommet national des employés de maison, le premier du genre. Organisé dans un grand hôtel de Manille par une ONG locale et l’Organisation internationale du travail de l’ONU, ce sommet avait pour objet de débattre des besoins des employés de maison, que ce soit aux Philippines ou à l’étranger, ainsi que des moyens à mettre en ouvre pour que cette catégorie de travailleurs puisse défendre ses droits. L’Eglise catholique, par le biais de différentes commissions et institutions, était présente à ce sommet (1).

L’ONG locale organisatrice du sommet était la Fondation du forum des Visayas. Fondée il y a quatorze ans à la suite d’inondations catastrophiques dans les Visayas, région qui regroupe les îles du centre des Philippines, cette fondation s’est donnée pour objet de travailler pour l’amélioration des conditions de vie des “migrants marginalisés y compris les employés de maison et les femmes et enfants victimes de trafics d’êtres humains. Outre une action caritative et sociale, la fondation mène des campagnes d’information à propos de la défense des droits des employés de maison et mène des actions de lobbying pour que des lois soient votées afin de protéger ces droits.

Selon la Fondation du forum des Visayas, au moins 2,5 millions de Philippins travaillent aux Philippines comme employés de maison. Une grande partie sont des femmes, employées comme domestiques, mais il y a aussi des hommes, chauffeurs ou jardiniers, et un grand nombre d’enfants. Plus d’un tiers des employés de maison serait ainsi formé de jeunes, âgés pour la plupart de 15 à 19 ans, qui ont abandonné l’école pour travailler. Par ailleurs, selon des données de l’Organisation internationale du travail (OIT) de 2002, 22 % des six à sept millions de Philippins expatriés travaillent comme employés de maison, ou plus exactement comme employées de maison car, dans leur très vaste majorité, ce sont des Philippines.

Du fait de la double dimension – domestique et internationale – du travail des Philippins comme employés de maison, le sommet a pris deux directions, l’une relative aux mesures à mettre en ouvre aux Philippines pour protéger les droits de cette catégorie de travailleurs, et l’autre relative aux spécificités créées par la migration transfrontalière des employées de maison philippines.

Dans son discours d’introduction, Cecilia Flores Oebanda, présidente de la Fondation du forum des Visayas, a souligné le contraste entre l’importance dans l’économie et la société du phénomène des emplois domestiques, et “le peu” de mécanismes et de programmes existant pour protéger les droits de ces travailleurs, généralement issus de milieux pauvres, ou améliorer leurs perspectives d’avenir par le biais, par exemple, de la formation. Elle a déclaré que la fondation qu’elle préside espérait réunir un million de signatures pour demander au Congrès de voter la “Magna Carta pour les employés de maison un projet de loi introduit au Sénat en août 2004 et resté sans suite depuis.

A l’issue des divers ateliers organisés durant les trois jours du sommet, les employés de maison ont exprimé leurs revendications en matière de sécurité de l’emploi, d’équité salariale, de couverture sociale, de pensions de retraite et de juste considération humaine. Beaucoup ont souhaité que ces différents aspects de leur vie soient protégés par la loi. Les plus jeunes d’entre eux ont ajouté le droit à l’accès à l’éducation, de manière à améliorer leur formation. Certains participants ont demandé à ce que leurs relations avec leur employeur soient formalisées par un contrat écrit détaillant les devoirs et les responsabilités de chacune des deux parties.

Parmi les organismes d’Eglise qui ont pris part au sommet, figurait le Centre Scalabrini des migrations de Quezon City. Le P. Fabio Baggio, du Centre Scalabrini, a souligné les avantages respectifs d’une protection apportée soit par un cadre contractuel soit par un cadre législatif. Il a ajouté que les employés ne devaient pas attendre de miracle d’une telle protection et il a cité à titre d’exemple le cas de son pays, l’Italie, où un nouveau code du travail est entré il y a peu en vigueur. En théorie, ce code, a-t-il expliqué, protège efficacement les droits des employés de maison, qu’ils soient nationaux ou immigrés, mais, dans les faits, la situation faite à certains employés par leurs employeurs s’est dégradée. En effet, les salaires ont augmenté, mais certains ont perdu la gratuité du gîte et du couvert dont ils bénéficiaient jusque-là. Pour réduire leurs coûts et notamment les frais liés aux cotisations sociales et médicales, des employeurs n’ont plus embauché d’employés de maison à plein temps, mais à temps partiel uniquement. Ainsi, a conclu le P. Baggio, si les conditions de travail ont été globalement améliorées, en matière d’encadrement du temps de travail et de rémunération minimum notamment, le bilan n’est pas entièrement positif pour les employés de maison.

Intervenant au sommet, Patricia Santo Tomas, ministre de l’Emploi et du Travail, a souligné qu’une source des difficultés auxquelles se heurtaient les employés de maison aux Philippines était l’absence, le plus souvent, de contrat de travail. Il est difficile dans ces circonstances de revendiquer une norme commune, par exemple en matière de salaire minimum, a-t-elle souligné, rappelant que la revendication actuelle des employés de maison était de 2 500 pesos mensuels (36 euros). La ministre a encouragé les employés de maison à former des syndicats et à les faire enregistrer légalement, afin de disposer d’instances de médiation utilisables pour défendre et protéger leurs droits.

Au sujet des Philippins et Philippines partis à l’étranger pour trouver à s’employer comme domestiques, un message de la présidente Arroyo a été lu à la tribune. Gloria Arroyo y affirmait sa volonté de leur venir en aide. Le gouvernement philippin demande aux pays recevant des Philippins de voter des lois protégeant les employés domestiques immigrés. Il essaie de démasquer les réseaux qui envoient illégalement des Philippins à l’étranger. Enfin, les ambassades philippines à l’étranger ont reçu l’ordre d’intensifier leurs actions pour venir en aide aux employés de maison qui doivent faire face à la justice des pays où ils résident, telle Guen Aguilar à Singapour qui est accusée du meurtre d’une consour philippine, elle aussi employée de maison.

Lors des débats en assemblée générale ou en cercles restreints, plusieurs employées de maison ont raconté comment elles avaient été aidées par diverses institutions, notamment d’Eglise. Ainsi, Iris, âgé de 18 ans, a témoigné à quel point elle s’était sentie perdue lorsqu’elle était arrivée à Manille, en provenance de son île natale de Cebu. Un cousin arrivé deux ans plus tôt dans la capitale philippine lui avait donné le numéro de téléphone de religieuses, les sours de Marie Immaculée. Après avoir appelé, elle fut reçue par les religieuses dans un de leurs centres où on lui a appris à se servir de différents appareils ménagers. Recommandée par les sours, elle a trouvé un emploi de domestique dans une famille et son employeur l’a autorisée à suivre le samedi les classes du lycée géré par les religieuses. “J’étais venue à Manille parce que mes parents n’avaient pas assez d’argent pour m’envoyer à l’école a dit la jeune fille.

Selon Sour Anne Resurreccion, responsable d’un centre d’accueil pour employés de maison, il est très fréquent que les religieuses accueillent, temporairement ou pour de plus longues durées, des jeunes filles ou des jeunes femmes qui ont été chassées par leur employeur “sans raison valable et sans être payées”. Parfois, certaines fuient des situations plus difficiles encore, a témoigné la religieuse, pour qui l’une des mesures qui contribueraient le plus à améliorer le sort des employés de maison serait la généralisation du contrat écrit entre employé et employeur.