Eglises d'Asie

Catholique, un professeur de yoga semble soulever pour son art plus d’intérêt chez les hindous qu’auprès des chrétiens

Publié le 18/03/2010




Agé de 59 ans, V.L. Rego a passé sa vie à promouvoir le yoga auprès des chrétiens, que ce soit à Mangalore, la ville du sud de l’Inde où il habite, ou un peu partout ailleurs dans le pays, au gré des plus de deux cents sessions de formation qu’il a organisées depuis une vingtaine d’années. Aujourd’hui, ce laïc, de religion catholique, a légué le centre qu’il a fondé aux Pères carmes de Mangalore, pour se consacrer exclusivement à ce qu’il considère relever d’une mission, la promotion du yoga. Mais il doute de la pérennité de son ouvre, car, si les hindous l’ont bien accepté, les catholiques “qui sont le peuple auquel j’appartiens et pour qui j’ai travaillé toute ma vie” n’ont pas reconnu “l’immense potentiel” que peut représenter le yoga dans une vie chrétienne authentique, se lamente-t-il.

V.L. Rego a commencé à pratiquer le yoga à l’âge de 6 ans, après la perte d’un rein. Bien plus tard, toujours convaincu des bienfaits de cette discipline indienne séculaire qui allie méditation, figures imposées et contrôle de la respiration, il a choisi comme devise : “Vers le Christ par le yoga”. Pour V.L. Rego, le yoga, qui signifie “union” en sanscrit, est “un art de vivre dans la paix intérieure, l’harmonie et le bonheur”. Il a écrit des livres, publié des magazines, et il a dirigé des stages de formation pour populariser son art auprès des chrétiens. Il a ainsi organisé 199 sessions de formation dans des institutions chrétiennes, afin de présenter le yoga “comme une méthode pour mieux rencontrer le Christ et mieux promouvoir l’harmonie en soi et avec le monde”. Les stages durent en général huit jours pendant lesquels V.L. Rego enseigne les bases du yoga matin et soir. D’après lui, ce sont quelque 9 000 chrétiens qui ont suivi ces formations, mais ils ne continuent pas à pratiquer et aucun ne semble “réellement intéressé regrette-t-il.

En revanche, en dehors de la communauté chrétienne, V.L. Rego a acquis une réputation notable en tant que professeur de yoga. Ce sont les hindous principalement qui le reconnaissent désormais comme un maître en la matière. Le Vishwa Hindu Parishad (VHP, Conseil mondial hindou), connu pour son appartenance à l’extrême droite hindouiste et ses prises de position violemment anti-chrétiennes dans de nombreuses régions de l’Inde, a ainsi parrainé la 200e session de formation organisée par V.L. Rego à Mangalore. Depuis, plus d’une dizaine de sessions ont été montées, toujours avec le soutien du VHP, et, reconnaît V.L. Rego, le nombre des hindous qui y participent va croissant.

Selon M.B. Puranic, responsable du VHP à Mangalore, son mouvement n’a pas de difficulté à accepter un professeur de yoga de religion catholique “parce qu’un vrai yogi est au-dessus de toutes religions et de toutes barrières faites de main d’homme”. Le yoga est “un moyen idéal” pour promouvoir l’harmonie interreligieuse et le dialogue, déclare M.B. Puranic, en précisant que son mouvement considère la possibilité de demander à V.L. Rego de former au yoga ses propres membres. Le responsable hindouiste ajoute qu’il regrette que l’Eglise catholique se montre peu encline à proposer le yoga à ses fidèles en vue d’améliorer la pratique de leur foi. “Le yoga est un moyen et non pas une fin en soi explique M.B. Puranic.

Pour Ananthakrishna Bhat, hindou, professeur d’université, V.L. Rego est admirable par “sa foi indéfectible au Christ et son attachement sans faille au yoga Selon lui, il est naturel qu’« un chrétien indien recherche une voie indienne spécifique pour mieux se rapprocher du Christ”. Il pense que Rego est “un atout” aux mains des chrétiens indiens pour les aider à démontrer que le yoga est “un des meilleurs moyens d’accroître le dialogue entre les religions”. Un autre hindou, Sreepathi Bhat, ancien stagiaire de Rego, évoque la joie, la paix et l’harmonie qu’il a ressenties pendant son stage. “C’était étonnant de voir un laïc catholique maîtriser cette science hindoue qu’est le yoga et l’enseigner lui-même aux hindous. Il n’y a qu’un seul Dieu et une seule foi, quelque que soit le nom que nous leur donnons commente-t-il.

Alice Saldanha est catholique et, elle aussi, ancienne stagiaire de Rego. Elle affirme que pratiquer le yoga aux côtés de personnes de religions différentes a représenté “une expérience enrichissante”. Elle explique que “dans le yoga, on ne se sent pas différents des autres, ce qui nous donne une immense confiance”.

V.L. Rego explique pour sa part que promouvoir l’harmonie entre les communautés était un de ses principaux objectifs quand, en 1986, il a ouvert son centre, le “Integrel Yoga Satsang Il affirme que le yoga l’a aidé à survivre à une grave attaque cardiaque en 1982 et également à l’occasion d’autres problèmes de santé. “Ma vie est un don de Dieu et du yoga déclare-t-il, ajoutant qu’il souhaite consacrer sa vie à la promotion de cette discipline. Après avoir compris qu’il ne pourrait pas continuer indéfiniment son travail, en février 2002, il a fait don de son centre et de quelques autres propriétés aux Pères carmes, à condition qu’ils continuent sa mission. Aujourd’hui, il s’inquiète et se demande si les Pères tiendront leur promesse. “J’ai donné ma vie et mes biens pour promouvoir le yoga au sein de la communauté chrétienne, mais l’Eglise ne montre pas beaucoup d’enthousiasme sur ce sujet dit-il. Il s’inquiète que les Pères puissent se servir de ses propriétés pour faire autre chose. Pourtant, les Pères carmes ont déjà dépensé quinze millions de roupies (278 000 euros) pour la rénovation du centre.

Selon le P. Rathan Almeida, secrétaire provincial de l’ordre des Pères carmes, Rego n’a pas à s’inquiéter. “Une décision adéquate sera prise en temps voulu, selon la nécessité de l’heure précise-t-il. Pour V.L. Rego, l’Eglise universelle a déjà reconnu sa mission puisque le bienfaiteur principal de son centre de yoga est Missio, le service de l’Eglise catholique d’Allemagne spécialisée dans le soutien aux ouvres pastorales de l’Eglise de par le monde. “Mais l’Eglise locale m’ignore déplore-t-il, ajoutant qu’il trouve un peu de réconfort dans le fait que des jeunes catholiques de sa région lui ont demandé de les aider à démarrer des ateliers de yoga dans toutes les paroisses du diocèse de Mangalore.

Le P. Elias D’Souza, responsable du Mouvement des jeunes catholiques indiens pour le diocèse de Mangalore, reconnaît que “l’Eglise est lente à réagir et à intégrer le yoga dans ses activités ». Mais, assure-t-il, “l’Eglise n’est certainement pas hostile à cette science spécifiquement indienne” (2Le yoga peut jouer un rôle important dans la formation des jeunes catholiques, ajoute-t-il.