Eglises d'Asie

Des spécialistes étudient l’évolution de l’Eglise catholique de Corée à la lumière de Vatican II

Publié le 18/03/2010




L’Eglise de Corée du Sud a beaucoup appris en quarante ans, durant la période qui s’est écoulée depuis la fin du concile Vatican II, mais il reste encore beaucoup de choses à faire pour pleinement réaliser les propositions conciliaires. Telles sont, en résumé, les conclusions de plusieurs experts réunis pour réfléchir à l’état de l’Eglise catholique en Corée du Sud quarante ans après la fin du concile Vatican II. Le symposium, intitulé : “Le concile Vatican II et l’Eglise de Corée était organisé par l’Institut de recherche sur l’histoire de l’Eglise en Corée, et s’est tenu dans les locaux du grand séminaire de Séoul à la fin du mois de septembre dernier.

L’un des intervenants, John Kang In-chul, professeur à l’université protestante Hanshin, a rappelé que la traduction des documents conciliaires avait été relativement rapide, puisqu’en 1969, tous les documents issus de Vatican II avaient été traduits en coréen (1). “Cependant, à cette époque, l’étude et l’accueil de l’esprit conciliaire se limitaient à ceux qu’on peut désigner comme des précurseurs, c’est-à-dire certains évêques et certains théologiens, et cela jusqu’au début des années 1970 a expliqué John Kang. Selon ce professeur, l’Eglise catholique de Corée n’a pas tout de suite réalisé véritablement la mission sociale de l’Eglise telle que la proposait Vatican II. D’après son analyse, il a fallu attendre l’arrestation de Mgr Daniel Tji Kak-soon, évêque de Wonju, en 1974 pour que les choses commencent à changer. L’arrestation par la police de cet évêque provoqua des changements profonds au sein de l’Eglise, motivant nombre de prêtres et de laïcs à s’impliquer dans les problèmes de société.

En 1974, Mgr Tji avait été emprisonné pour son engagement au sein d’un groupe d’étudiants que le gouvernement sud-coréen accusait d’être téléguidé par les communistes nord-coréens. La détention de Mgr Tji, le seul évêque jamais emprisonné en Corée du Sud, déclencha une vague nationale de veillées de prière et donna naissance à l’Association des prêtres catholiques pour la justice (APCJ) (2). Prêtres et laïcs commencèrent à manifester contre la dictature du gouvernement militaire et justifièrent leurs actions par les enseignements de Vatican II, a poursuivi John Kang. En se fondant sur ce qu’ils interprétaient de l’esprit du concile, les catholiques coréens ont développé une théologie de la participation, dans laquelle le Comité ‘Justice et paix’ de la Conférence épiscopale, les prêtres de l’ACPJ et plusieurs évêques ont pris une part décisive. John Kang a cité à cet égard des personnalités telles que le cardinal Stephen Kim Sou-hwan, archevêque émérite de Séoul (3), Mgr Victorinus Youn Kong-hi, archevêque émérite de Kwangju, ou encore Mgr Tji, décédé en 1993. En 1984, le Congrès pour la pastorale, organisé à l’occasion du 200e anniversaire de la fondation de l’Eglise catholique en Corée, peut être considéré comme le signe de la généralisation dans toute l’Eglise de Corée de la dimension sociale de sa mission pastorale. Après cette date, le “mouvement progressiste ainsi que l’a analysé John Kang, a commencé à s’étioler, quand les évêques inclinèrent vers plus de conservatisme après le soulèvement populaire pour un changement démocratique de 1987. Les groupes qui prônaient l’engagement social commencèrent à se désagréger ou à s’assoupir, a encore expliqué John Kang.

Dans son allocution d’ouverture du symposium, le P. Joseph Kim Sung-tae, président de l’Institut de recherche, avait déclaré que, quarante ans après Vatican II, “il était temps de réfléchir à la signification du concile dans l’histoire des quarante années écoulées ainsi qu’à l’avenir de l’Eglise à la lumière des orientations données par le concile. “Il est de notre responsabilité de mettre en ouvre les orientations conciliaires qui, à ce jour, sont restées inaccomplies a-t-il précisé.

Parmi les sujets abordés lors du symposium, à côté du rôle social de l’Eglise, la question de la concentration des pouvoirs entre les mains de la hiérarchie, celle de la participation des laïcs dans l’Eglise, celle de l’inculturation liturgique ou bien encore celle de l’attitude de l’Eglise à l’égard de la culture et des religions coréennes traditionnelles ont été abordées. “Le rôle du laïcat dans l’Eglise est limité, spécialement dans les prises de décisions a fait observer Thomas Han Hong-soon, professeur à l’université Hankuk et président en exercice du Conseil de Corée pour l’apostolat des laïcs. L’Eglise, a-t-il déclaré, “doit doter les conseils pastoraux des paroisses de pouvoirs décisionnaires”. La plupart des paroisses ont bien un conseil pastoral où siègent des laïcs, mais, a expliqué le professeur, ces conseils n’ont qu’un rôle limité, celui de donner des avis ou de faire des suggestions.

Dans le domaine de la liturgie, le P. John Kim Jong-su, secrétaire de la Commission pour la liturgie de la Conférence épiscopale, a souligné que, selon lui, l’Eglise locale « se contentait de suivre la liturgie romaine sans souci d’inculturation”. Le P. Kim, qui enseigne au grand séminaire, a insisté sur la nécessité, pour la liturgie, de refléter “la culture coréenne”.

John Roh Kil-myong, enfin, professeur à l’Université de Corée, a suggéré au cours d’une table ronde une relecture sérieuse des documents de Vatican II et des enseignements des papes “pour répondre aux besoins d’une société où les changements sont rapides”. Il a ainsi évoqué la nécessité de convoquer un nouveau concile “pour une adaptation et un renouveau dans l’Eglise au sein d’une époque marquée par la place de plus en plus déterminante des technologies de l’information et de la connaissance”.