Eglises d'Asie

Les tracasseries policières contre le bouddhisme unifié persistent

Publié le 18/03/2010




La tension subsiste entre le bouddhisme unifié, qui refuse obstinément de rejoindre l’Eglise patronnée par le Front patriotique, et l’Etat vietnamien. Les deux parties se regardent d’un oil de plus en plus méfiant. C’est du moins l’impression que donnent les confidences faites par la deuxième personnalité du bouddhisme unifié, le vénérable Thich Quanf Dô, à deux diplomates européens, lors d’une récente rencontre, une impression que viennent renforcer de nombreux incidents qui, ces temps derniers, ont marqué les relations entre divers responsables de cette branche du bouddhisme et les autorités locales.

Le 30 septembre dernier, deux diplomates, Robert Gordon, ambassadeur du Royaume-Uni, et David Milliot, délégué de l’Union européenne, sont venus rencontrer, dans son monastère de Hô Chi Minh-Ville, le recteur de l’Institut pour la propagation du Dharma, le vénérable Thich Quang Dô. Dans le cadre d’une enquête sur les droits de l’homme au Vietnam, Cambodge et Laos, du Parlement européen, ils désiraient recueillir l’opinion du religieux sur la situation des droits de l’homme et de la religion au Vietnam. Au cours de l’entretien, le religieux a fait un bref récit de la lutte menée depuis trente ans par sa communauté pour sa liberté et son indépendance, une lutte sanglante, a-t-il souligné, puisqu’elle a été marquée par l’immolation par le feu de trente religieux et religieuses. Les premières immolations, celles de douze religieux d’une pagode de Can Tho, ont eu lieu le 11 novembre 1975, quelque six mois après le changement de régime d’avril 1975. Devant les représentants de l’Union européenne, le religieux a encore souligné l’abîme existant entre les déclarations gouvernementales, celles que l’on trouve dans le récent Livre blanc sur les droits de l’homme paru au mois d’août dernier, et la politique véritablement menée sur le terrain. Les autorités proclament, par exemple, que les deux plus hauts responsables du bouddhisme unifié sont totalement libres. Or, ils ne peuvent ni se déplacer ni se rencontrer. Thich Quang Dô a comparé ces proclamations gouvernementales à l’image d’un gâteau dessinée sur du papier. Elle est tentante, appétissante, très semblable à un véritable gâteau L’inconvénient, c’est qu’on ne peut la manger. Elle n’est qu’une illusion (1).

Les plus récents épisodes du conflit entre bouddhisme unifié et le pouvoir illustrent bien ce soupçon que chaque partie fait peser sur la partie adverse. Depuis le mois de juin dernier, l’Institut pour la propagation du Dharma, qui est le sommet hiérarchique du bouddhisme, a nommé des comités de représentants pour au moins quatre régions du Centre-Vietnam, la région de Danang, celle de Thua Thiên-Huê, celle du Binh Dinh et celle de Khanh Hoa. Or, pour au moins deux de ces régions, les représentants nommés ne cessent depuis lors d’être menacés, convoqués à la police pour des séances de travail, autant de persécutions destinées à leur faire perdre le moral. Certains se voient reprochés une résidence illégale. D’autres subissent des pressions parfois violentes, destinées à les forcer à adhérer publiquement à l’Eglise bouddhique du Vietnam, patronnée par l’Etat. Toutes ces persécutions ont été mentionnées dans une lettre de protestation envoyée aux autorités civiles par le vice-recteur de l’Institut pour la propagation du Dharma, le vénérable Thich Viên Dinh.

L’amende infligée à un religieux de Hô Chi Minh-Ville est une autre illustration du conflit permanent entre les religieux du bouddhisme unifié et le pouvoir régional. Le 30 mars dernier, un religieux de Hô Chi Minh-Ville s’était rendu au monastère de Thanh Minh Thiên pour y enregistrer une vidéo du vénérable Thich Quang Do en train de lire un message à l’intention de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, à Genève, pour la session d’avril. A sa sortie du couvent, le religieux fut arrêté et soumis à des longs interrogatoires et la cassette vidéo lui fut confisquée. Le message destiné à Genève ayant par ailleurs été enregistré sur bande audio, il put finalement être entendu le 4 avril par la Commission des droits de l’homme. Cependant, le religieux ayant filmé la lecture du message a été condamné à une amende de quinze millions de dôngs (730 euros). Les nombreuses plaintes envoyées à la police par le religieux à ce sujet n’ont eu aucun effet. Lors de sa dernière rencontre avec la police, le 8 octobre dernier, on s’est contenté de lui relire le texte de la décision administrative le concernant : “A commis une violation dans le domaine de la culture et de la communication et est condamné à une amende de quinze millions de dôngs pour avoir produit un film dont le contenu est attentatoire à la bonne réputation d’un organisme, à l’honneur et à la dignité d’individus (.)”