Eglises d'Asie

L’évêque de Dalat a ordonné le premier prêtre montagnard du diocèse

Publié le 18/03/2010




“C’est la première fois qu’un diacre issu d’une minorité ethnique est ordonné prêtre pour le diocèse ! a souligné Mgr Nguyên Van Nhon, évêque de Dalat, lors d’une cérémonie où il conférait le sacerdoce à Pierre K’Chech, de l’ethnie Chau Ma, ainsi qu’à quatre autres diacres “kinh” (appellation donnée aux personnes d’ethnie viêt pour les distinguer des minorités ethniques) (1). L’ordination, qui a eu lieu le 29 septembre dernier, avait rassemblé un millier de fidèles parmi lesquels plus de quatre cents catholiques appartenant à l’ethnie du nouveau prêtre. Plusieurs des lectures de la messe ainsi que l’homélie de Mgr Nhon ont utilisé la langue k’hor (2), parlée par plusieurs minorités de la région. Selon des statistiques fournies à cette occasion, les catholiques des minorités ethniques du diocèse de Dalat sont au nombre de 100 000 pour un nombre total de 240 000 fidèles.

Le nouveau prêtre est âgé de 39 ans et est l’aîné d’une famille de cinq enfants du village de Lôc Tân, situé près de la ville de Bao Lôc. Après la cérémonie, il a raconté que, dans sa jeunesse, il pensait qu’il était impossible à un jeune “montagnard” de devenir prêtre. Les jeunes des minorités ethniques se trouvent confrontés à de nombreux obstacles. Beaucoup d’entre eux ne sont pas scolarisés et la plupart ne poursuivent pas d’études secondaires. Pierre K’Chech a commencé à envisager comme réalisable son désir d’être prêtre après une conversation avec l’évêque actuel de Dalat, alors coadjuteur de Mgr Lâm, qui l’avait encouragé et dirigé vers le séminaire. C’était l’époque où les chrétientés montagnardes du diocèse s’éveillaient du sommeil où les avaient plongées les premières années du nouveau régime installé en 1975. Le jeune montagnard avait ensuite suivi une formation sacerdotale régulière au grand séminaire Saint Joseph de Hô Chi Minh-Ville, maison où le diocèse de Dalat forme ses prêtres.

L’avenir du jeune prêtre se précise déjà. Il va être envoyé vers son propre peuple, au village de Lôc Tan, qui jusqu’ici était une chrétienté dépendante d’une paroisse vietnamienne. Environ 4 250 catholi-ques l’y attendent. La construction d’une église y a été entamée en mars 2004 et son inauguration est prévue pour le 23 novembre prochain. Lors de sa première messe – qu’il a célébrée à la paroisse avec son évêque et une quarantaine de prêtres -, il a exprimé son intention de consacrer son ministère à l’apostolat et à la pastorale des diverses minorités ethniques, une tâche qui lui sera facilitée par sa connaissance de plusieurs langues des minorités de la région. En particulier, il compte traduire l’Evangile et les textes liturgiques dans les langues qu’il connaît.

L’évêque du diocèse, Mgr Nhon, a profité de l’occasion pour rappeler l’attitude pastorale adoptée depuis longtemps à l’égard des 250 000 Montagnards de diverses ethnies vivant sur le territoire de la province de Lâm Dông, qui correspond au diocèse de Dalat. “Ce sont nos frères et nos sours, a-t-il déclaré durant son homélie, et nous devons le leur montrer autrement qu’en leur offrant notre aide matérielle. Il nous faut respecter leur culture et leur avenir. Nous devons créer des conditions qui leur permettront de décider eux-mêmes de leur devenir et de poursuivre un développement indépendant. Ils trouveront eux-mêmes la place qui est la leur dans notre Eglise. Si nous essayons aujourd’hui d’apporter la Bonne Nouvelle chez ces peuples, c’est pour être en retour évangélisés par eux 

Les premiers efforts d’évangélisation des minorités ethniques de la région de Dalat furent entrepris au siècle dernier. Des centres missionnaires furent créés à Dalat, Djilin, M’long et autres lieux. Après avril 1975, avec la prise de pouvoir du régime communiste au Sud-Vietnam, un coup d’arrêt fut donné à l’expansion missionnaire en milieu montagnard. Pendant environ quinze ans, les manifestations religieuses extérieures ont été très rares au sein des chrétientés des minorités ethniques de cette région montagnarde. Partout, chez les Ma, les Churu, les Sre-Koho et les Lat de Dalat, des dizaines de chapelles étaient fermées au culte, souvent confisquées et utilisées pour d’autres usages. Les prêtres desservant les paroisses vietnamiennes n’étaient pas autorisés à venir au sein de ces chrétientés pour y célébrer le culte. Cependant, grâce aux efforts de l’évêque de Dalat, Mgr Barthélemy Nguyên Son Lâm, et de son coadjuteur et successeur, Mgr Nguyên Van Nhon, ainsi qu’à ceux de prêtres vietnamiens, au début des années 1990, la vie religieuse a retrouvé une expression publique dans les chrétientés “montagnar-des” (3). Dès le 7 août 1991, l’évêque envoyait deux prêtres vietnamiens au service de la chrétienté du Lang Biang, constituée par des membres de l’ethnie des Lat. Aujourd’hui, la vie liturgique est presque partout assurée. Dans certaines ethnies, on a même assisté à un véritable mouvement de conversions. Dans la région, des villages entiers demandent le baptême. La récente ordination du nouveau prêtre d’ethnie Châu Ma est le fruit de ce mouvement.