Eglises d'Asie

A Manille, organisée par des catholiques, une procession en l’honneur de la Vierge Marie a été dispersée par les canons à eau de la police à proximité du palais présidentiel

Publié le 18/03/2010




Le 14 octobre dernier, une procession en l’honneur de la Vierge Marie dans les rues de la capitale philippine a été dispersée par les canons à eau de la police. L’incident s’est produit alors que la foule, des catholiques dans leur très grande majorité dont une centaine de prêtres, de religieuses et de séminaristes, approchait de San Beda College où une messe devait être célébrée. San Beda College se trouve sur Mendiola Street, avenue qui mène à Malacanang, le palais présidentiel. Dans cette zone, interdite aux manifestations par la police, les forces de l’ordre, stationnées là en permanence, ont demandé à la foule, forte de plusieurs centaines de personnes, de rebrousser chemin, puis ont fait usage de leurs canons à eau pour disperser “les manifestants”.

La procession était organisée par Kilusang Makabansang Ekonomiya (KME, Mouvement pour une économie nationale), mouvement réunissant des économistes, des hommes d’affaires, des universitaires ainsi que des prêtres et des religieuses et prônant un changement de politique économique. Revendiquant 3 000 membres, KME appelle ouvertement au départ de la présidente Arroyo, estimant que la politique économique menée par son administration est beaucoup trop libérale et nuisible à “l’économie nationale”. Au sein de l’épiscopat philippin, plusieurs évêques soutiennent ce mouvement. Mgr Deogracias Iniguez, de Kalookan, et Mgr Antonio Tobias, de Novaliches, en sont les “conseilleurs spirituels”. Tous deux ainsi qu’un troisième évêque, Mgr Julio Labayen, étaient présents dans la procession, le 14 octobre, mais, en retrait par rapport aux premiers rangs de la foule, ils n’ont pas été touchés par les canons à eau.

Plusieurs membres du personnel politique philippin avaient pris part à la procession. La sénatrice Ana Consuelo Madrigal en était et a été à l’origine d’un début de polémique, son garde du corps ayant perdu l’arme qu’il portait sur lui lorsque la police a fait usage des canons à eau. Les organisateurs de la procession ont déclaré par la suite qu’ils n’étaient pas au courant que des personnes armées étaient présentes dans les rangs de la procession et que, dans la mesure où ils auraient été au courant, ils n’auraient pas autorisé cela. Le responsable de la police de Manille, le superintendant Arturo Paglinawan, a annoncé que des poursuites judiciaires étaient à l’étude.

Le 19 octobre, Mgr Deogracias Iniguez a déclaré que les organisateurs de la procession avaient demandé qu’aucune pancarte ou banderole à caractère politique ne soit amenée ce 14 octobre, les seules images autorisées étant des représentations de la Vierge Marie. Il a estimé que l’usage, disproportionné selon lui, de la force par la police contre la procession relevait d’une “violation non seulement du droit de réunion, mais aussi de la liberté religieuse”.

Du côté de la Conférence épiscopale, les réactions ont été plutôt vives. Le futur président de la Conférence, Mgr Angel Lagdameo (1), a publié un communiqué pour affirmer que “la dispersion violente” de la procession était un acte “inqualifiable”. La légalité de “la réponse préventive” du gouvernement aux manifestations qui ont lieu dans la rue “doit être soumise à l’appréciation des tribunaux a-t-il estimé. Selon lui, les évêques, les prêtres et les religieuses qui ont pris part à la procession ont agi “dans un esprit patriotique pour manifester leur souci pour notre pays”. La procession du 14 octobre s’inscrivait dans la croisade menée par la société civile pour que la vérité, l’honnêteté et la crédibilité prévalent à la tête du pays, a ajouté l’archevêque. “C’est une croisade pour une bonne gouvernance, qui fait cruellement défaut et serait bien nécessaire pour le progrès économique a-t-il écrit.

Depuis plusieurs mois, les Philippines sont confrontées à une crise politique grave. Le 25 octobre dernier, la présidence de la République a, une nouvelle fois, rejeté l’appel à des élections anticipées en 2007. L’ancien président destitué Joseph Estrada avait lancé la veille, par le biais de pages de publicité achetées dans la presse, un appel demandant à Gloria Arroyo d’“offrir le sacrifice suprême” en démissionnant. L’opposition à la présidente reste toutefois très disparate et Gloria Arroyo résiste aux pressions demandant sa démission pour des accusations de fraude électorale et de corruption, accusations qu’elle a réfutées.