Eglises d'Asie – Japon
Les évêques catholiques du Japon ont écrit au Premier ministre pour protester contre la nouvelle visite que celui-ci vient d’effectuer au sanctuaire de Yasukuni
Publié le 18/03/2010
Le 17 octobre au matin, Junichiro Koizumi est venu se recueillir devant l’autel principal du sanctuaire où il a dit une brève prière, avant de repartir sans faire de commentaires. Contrairement à ses précédentes visites, le Premier ministre était revêtu d’un strict costume de ville et non de l’habit traditionnel de cérémonie, porté les années précédentes. Il n’a pas non plus pénétré, comme il l’avait fait les années précédentes, à l’intérieur du bâtiment principal du sanctuaire et n’a pas signé le livre d’or de Yasukuni. Par ces quelques signes, le Premier ministre tenait à l’évidence à minimiser l’importance de cette visite. Le porte-parole du gouvernement a précisé que le Premier ministre s’était rendu au sanctuaire par « conviction personnelle » et non en visite officielle. C’était la cinquième visite de Junichiro Koizumi, devenu Premier ministre en avril 2001, au temple très controversé de Yasukuni. Le 17 octobre marquait l’entrée dans la traditionnelle fête de l’automne et, le lendemain, plusieurs dizaines de parlementaires accompagnés de leurs assistants sont venus se recueillir dans le temple, pour une cérémonie plus officielle que celle qui s’était déroulée la veille avec le Premier ministre.
Dans sa lettre, Mgr Takami reconnaît qu’il est normal de penser à ceux qui sont morts à la guerre et de prier pour eux et leurs familles, mais, écrit-il, « tout est différent quand il s’agit de la visite du Premier ministre, représentant officiel du Japon ». Dans sa protestation, il insiste pour dire que ce temple, dédié à des militaires, entend faire des « héros » de ceux qui furent des envahisseurs et blanchir ainsi le Japon des atrocités commises durant la guerre. La visite de Junichiro Koizumi « montre que le Japon n’entend pas assumer ses responsabilités dans ces guerres qui ont fait vingt millions de victimes lit-on encore dans cette lettre qui dit aussi que de telles visites donnent fortement l’impression que le Japon est un pays dangereux, prêt à faire la guerre à nouveau.
L’archevêque conclut en citant le « Message de paix pour les soixante ans écoulés depuis la fin de la deuxième guerre mondiale publié en juin 2005 (2), dans lequel les évêques japonais rappellent l’article 20 de la Constitution sur la séparation de la religion et de l’Etat. Il cite le document : « La sauvegarde du principe de séparation entre la religion et l’Etat est pour nous, Japonais, une expression de notre résolution à empêcher que ne se répète la même erreur. Nous croyons qu’il est nécessaire de prendre une ferme attitude sur ce problème pour regagner la confiance des peuples de l’Asie de l’Est et de travailler ensemble pour la paix. »
Le Conseil catholique japonais pour la paix et la justice a publié lui aussi un communiqué de protestation auprès du Premier ministre. Dans ce communiqué, l’évêque auxiliaire d’Osaka, Mgr Goro Matsuura, président de ce conseil, rappelle que, le 30 septembre, la Haute Cour d’Osaka a jugé que les visites du Premier ministre au temple de Yasukuni sont inconstitutionnelles (3). Le Premier ministre « a imposé de force cette visite au temple malgré une décision de justice très claire fait-il observer. « Le fait pour le Premier ministre d’aller au temple shintô de Yasukuni, loin de la désavouer, enjolive la guerre d’il y a soixante ans et va à l’encontre de ce que lui-même avait promis : « Nous ne devons plus jamais commencer une guerre écrit Mgr Matsuura. Ce qui revient à reconnaître, ajoute-t-il, que « la nation est prête à utiliser la force au dépens de son peuple ».
Le Conseil pour la paix et la justice avait déjà protesté à l’occasion des quatre visites précédentes. Dans l’après-midi du 18 octobre, plusieurs de ses membres et des représentants du Conseil chrétien national s’étaient rassemblés devant le bureau du Premier ministre pour protester contre cette nouvelle visite, qui, comme à l’accoutumée, a soulevé de vives critiques et protestations de la part des autres nations de l’Asie orientale, principalement la Chine et la Corée du Sud.