Eglises d'Asie

Assam : différentes Eglises chrétiennes viennent en aide aux victimes du conflit qui oppose les ethnies Karbi et Dimasa

Publié le 18/03/2010




En Assam, dans le Nord-Est de l’Inde, différentes Eglises chrétiennes viennent en aide à des dizaines de milliers de personnes déplacées par de récents affrontements qui ont opposé les ethnies Karbi et Dimasa dans le district de Karbi Anglong. A la fin du mois de septembre dernier, des accrochages ont fait, selon une source gouvernementale, 88 morts ; plusieurs milliers de maisons ont été incendiées et 55 000 personnes déplacées. Selon le P. Tom Mangattuthazhe, secrétaire général du Forum des chrétiens unis de Diphu, ville principale du district de Karbi Anglong, les Eglises chrétiennes ont été les premières à se porter au secours des populations civiles, avant même les agences gouvernementales.

Dans le district de Karbi Anglong, vivent 30 000 personnes de l’ethnie Dimasa et 300 000 de l’ethnie Karbi ; les Dimasa sont de religion hindoue et une grande partie des Karbi sont chrétiens, pour la plupart catholiques, baptistes ou presbytériens. Depuis des années, ces deux ethnies réclament leur autonomie et chacune a signé un accord de cessez-le-feu avec le gouvernement indien. Le regain de violence a débuté le 26 septembre 2005 : des personnes soupçonnées d’appartenir à l’ethnie Karbi ont kidnappé et tué trois Dimasa de la ville de Manja ; le 2 octobre, cinq habitants d’un village Karbi ont été mutilés avant d’être tués. L’escalade des représailles et des contre-représailles s’est développée, provoquant la mort de dizaines de personnes et d’importants dégâts matériels.

“L’Eglise s’est mobilisée du mieux qu’elle a pu rapporte le P. Tom Mangattuthazhe, qui craint que plus d’une centaine de personnes portées disparues ou kidnappées ne vienne alourdir le bilan des 88 victimes. Il souligne que des bénévoles chrétiens ont visité des camps de réfugiés des deux ethnies en conflit et ont assuré un soutien logistique d’urgence – distribution de vivres, de vêtements, de médicaments, de bois de chauffage – avant même que les autorités locales n’interviennent. Depuis, le gouvernement a réquisitionné 49 écoles et bâtiments publics pour héberger les réfugiés, et installé des villages de tentes. Les conditions de vie des réfugiés sont rendues difficiles par les pluies, abondantes en cette saison, et le surpeuplement des camps.

Le Centre d’aide sociale du diocèse catholique de Diphu a fourni 3,5 millions de roupies (68 000 euros) d’aide matérielle. Selon le P. Thankachan Joseph, un des responsables du centre, les bénévoles de l’Eglise concentrent leurs actions dans le domaine sanitaire afin d’éviter des épidémies de choléra et de dysenterie. “Il y a un besoin urgent de médecins, une vingtaine d’accouchements ont déjà eu lieu dans les camps et plus d’une demi-douzaine de personnes sont décédées ajoute-t-il. De plus, les Eglises baptistes du Nord-Est de l’Inde ont financé l’envoi d’une équipe médicale comprenant des religieuses catholiques infirmières.

“Beaucoup de victimes sont Karbi et chrétiennes, et cette fois-ci, la communauté des Karbi est la plus affectée des deux rapporte le pasteur Solomon Rongpi, baptiste, qui rappelle que les précédents heurts entre les deux groupes ethniques remontent à 2003 (1). Toutefois, la montée des tensions entre ces deux ethnies ne semble pas tant être lié à la différence religieuse qu’à des questions relatives à la gestion des ressources et des terres. “Les affrontements ont tendance à se produire en mai, la saison du repiquage, ou en octobre/novembre, pendant les récoltes note le pasteur, qui accuse “des cliques dirigeantes” de dresser les ethnies les unes contre les autres. Ce que ne veulent pas ces élites, poursuit-il, c’est voir ces ethnies “se développer et accéder à l’éducation Les violences perturbent le bon déroulement des cultures et maintiennent les écoles fermées durant de longues périodes, explique-t-il. Selon un prêtre catholique, l’implication de l’organisation extrémiste hindoue du Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS, Corps national des volontaires) dans ce conflit est patente. “Ils veulent que les ethnies minoritaires restent sous-développées argumente-t-il.

Par ailleurs, Mgr Thomas Menamparampil, archevêque de Guwahati, en Assam, a été appelé pour servir de médiateur entre les parties en présence. C’est la cinquième fois que cet archevêque, personnalité très respectée, intervient ainsi, à la tête du “Joint Ecumenical Peace Team”.

Les sept Etats du Nord-Est de l’Inde abritent 260 communautés ethniques qui craignent de perdre leur identité particulière et leurs terres au profit de nouveaux migrants. Cette peur est à la source des conflits ethniques et des massacres qui ont eu lieu ces dernières années et qui persistent dans cette région où une partie de la population vit dans des camps de réfugiés (2).