Eglises d'Asie

Buôn Ma Thuôt : un laïc travaille depuis vingt-cinq ans à l’évangélisation des ethnies minoritaires vivant auprès de la frontière du Cambodge

Publié le 18/03/2010




A Buôn Ma Thuôt, un laïc travaille depuis vingt-cinq ans à l’évangélisation des ethnies minoritaires vivant auprès de la frontière du Cambodge. Ce paysan, marié, père de quatre enfants, qui se fait appeler Trân Son Lam (c’est un pseudonyme), se considère lui-même et est considéré par le clergé et les religieuses de la région comme un authentique missionnaire. Voilà, en effet plus de vingt-cinq ans qu’il évangélise inlassablement les villages des minorités M’nong, Stieng et Tay établis dans cette région de la province de Binh Phuoc, formée de deux districts, Phuoc Ling et Bu Dang. Les déplacements de Trân Son Lam l’ont amené dans plus de deux cent villages, pour la plupart situés près de la frontière cambodgienne et, pour cette raison, étroitement surveillés par la police, après avoir été pendant la guerre le théâtre de célèbres batailles. Aujourd’hui, les deux districts pris en charge par Lam comportent environ 6 500 catholiques et se rattachent au diocèse de Buôn Ma Thuôt.

Cette ouvre d’évangélisation, que le laïc missionnaire qualifie lui-même comme “une grâce de Dieu, une vocation, une responsabilité et une passion” (1), a débuté quelque temps après le changement de régime de 1975. Avec d’autres soldats de l’armée du Sud-Vietnam, il avait été fait prisonnier par les forces communistes à l’issue d’une bataille. C’est alors qu’au cours d’une prière, il s’engagea à consacrer sa vie à l’évangélisation de ses frères et sours des ethnies minoritaires vivant dans la même patrie que lui. Dans les années 1970, il n’y avait dans la région que quelques jésuites et des religieuses Missionnaires de Marie. Pour rejoindre les villages m’nong, dans leur district de Bu Dang, il lui arrivait de couvrir cinquante kilomètres par des chemins de montagne, dormant dans la forêt, à même le sol, à l’abri d’une moustiquaire. Sur place, il partageait le mode de vie des villageois, mangeant et buvant comme eux.

Les premiers baptêmes eurent lieu en 1995. Il baptisa lui-même vingt-quatre familles M’nong dans un village et transmis la liste des nouveaux chrétiens à l’évêque de son diocèse. Il exerça aussi son activité apostolique auprès d’un groupe de lépreux de la minorité Stieng. Rejetés par le reste de l’ethnie Stieng dont la population mène une vie commune dans de vastes habitations, ils ne savaient pas se soigner eux-mêmes et n’osaient pas approcher des centres médicaux. En 2000, il prit contact avec l’ethnie Tay dont la migration du Nord-Vietnam vers le Sud est toute récente. Se présentant au début comme un marchand de bétail, il ne tarda pas à se lier d’amitié avec les jeunes gens, n’hésitant pas à participer à leurs fêtes ou à partager avec eux la jarre d’alcool, comme c’est la coutume chez ce peuple. Après avoir appris la langue, il élargit rapidement ses relations à plusieurs villages environnants. Lorsque sa familiarité avec eux fut assez grande, il se mit à leur parler de Dieu, le présentant comme le Père commun de tous.

Le missionnaire a tiré quelques précieuses leçons de son expérience d’évangélisation. Par exemple, il sait désormais qu’il est très facile d’apporter de l’argent ou du riz aux ethnies minoritaires mais, pour les évangéliser authentiquement, il faut d’abord gagner leur confiance et leur respect, en les traitant comme des amis, ce qui implique de prendre certains risques. Lam pense également que l’évangélisation procède par étapes. En priorité, il faut obtenir des groupes ethniques qu’ils abandonnent certaines coutumes qui s’opposent au nouveau mode de vie inspiré de l’Evangile. Lam s’est efforcé de lutter contre la tentation fréquente dans cette ethnie de se donner la mort, seul ou collectivement, ou encore contre l’obligation faite à l’ami du suicidé de l’accompagner dans la mort ou de quitter le village. L’évangélisateur des minorités considère également comme incompatible avec la liberté évangélique, la nécessité pour un jeune homme d’offrir un présent d’une valeur très élevée à la famille de son épouse le jour de son mariage, l’obligeant souvent à se mettre au service de cette famille. Les usages entourant la mort – à la fois aimée et crainte par les membres de cette ethnie – ont également été mis en question par l’annonce de l’Evangile.

Aujourd’hui, dans le district de Phuoc Long, Lam est devenu l’âme d’une action missionnaire entièrement placée sous la responsabilité des laïcs. Les autorités gouvernementales ne permettent pas en effet que les prêtres du diocèse pénètrent dans les villages habités par les ethnies minoritaires. Un groupe de catéchistes vietnamiens formés par le diocèse s’est joint à des catéchistes locaux pour l’évangélisation de la population issue des ethnies minoritaires, dont le nombre s’élève à environ 15 000 – dont 4 500 catholiques.