Eglises d'Asie

Bihar : l’Eglise catholique se dit plutôt satisfaite du résultat des dernières élections législatives qui donnent une majorité écrasante à la coalition du parti hindouiste, le BJP

Publié le 18/03/2010




Dans l’Etat du Bihar, les résultats des élections législatives annoncés le 22 novembre dernier ont mis fin au règne de la coalition du Parti du Congrès et de son traditionnel allié régional, le Rashtriya Janata Dal (Front national populaire, RJD), qui durait depuis une quinzaine d’années, portant ainsi au pouvoir la coalition dirigée par le parti hindouiste, le Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien). Le 24 novembre dernier, jour où le nouveau gouvernement prêtait serment, Mgr Victor Henry Thakur, évêque du diocèse de Bettiah, l’un des cinq diocèses catholiques de l’Etat du Bihar, a annoncé à l’agence Ucanews que la victoire du BJP ne le déconcertait pas puisque tout le monde attendait un changement, même si personne ne pouvait soupçonner que le BJP gagnerait les élections avec une majorité aussi écrasante.

Les élections ont été organisées en quatre étapes : le 18 et le 26 octobre 2005, puis le 13 et le 19 novembre 2005. Selon les résultats publiés le 22 novembre dernier, le BJP, soutenu par son allié régional, le Janata Dal United (JDU, Front populaire), a remporté 146 des 243 sièges, évinçant la coalition du gouvernement composé du Parti du congrès et du RJD.

Selon l’analyse de Mgr Thakur, les habitants de l’Etat du Bihar ont souhaité exprimer leur volonté de changement. Il explique que beaucoup d’entre eux se sont sentis trahis par l’ancien gouvernement corrompu et ont ainsi voulu mettre fin à l’inefficacité de cette administration, tout en ajoutant que la victoire de la coalition nationaliste hindoue n’inquiète pas l’Eglise catholique, en tant que telle, puisque cette dernière est reconnue pour son action auprès des plus pauvres et ne fait pas de prosélytisme.

Le P. Francis Tirkey, administrateur du diocèse de Purnea, estime que ces dernières élections sont les plus équitables de toute l’histoire de l’Etat du Bihar, car elles manifestent la volonté et l’espérance de la population. Il précise que l’Eglise catholique du Bihar appartient à une “fraternité pro hindoue la majorité hindoue bénéficiant des services et des conseils de l’Eglise en matière de santé, d’éducation et de projets de développement socio-économiques. Selon le P. Tirkey, on compte 88 millions d’habitants dans l’Etat du Bihar, qui sont à plus de 80 % hindous. Le nombre des chrétiens, qui s’élève à 800 000, catholiques compris, représente une faible minorité ; 1 500 religieux et prêtres catholiques ouvrent dans les villages les plus reculés de l’Etat, avec l’aide de bénévoles.

Le P. Lawrence Paschal, jésuite et spécialiste en matière éducative, fait remarquer que le leader local du BJP, qui depuis les élections est devenu ministre-président adjoint du nouveau gouvernement, soutient les catholiques, sa femme étant elle-même catholique et ses enfants ayant étudié dans des écoles jésuites. “C’est un ami qui nous veut du bien précise-t-il.

James Seraphim, directeur du Centre diocésain de Bettiah, affirme que la plupart des 3 000 catholiques de son diocèse ont voté en faveur de la coalition du BJP. “Cela ne veut pas dire que nous sommes des partisans du BJP, mais nous avons agi de la sorte car c’était la seule alternative possible précise-t-il. Il explique que le gouvernement précédent “trempait” dans des affaires de corruption, illustrant ses propos par un fait divers concernant directement le diocèse de Bettiah : “La coalition du Parti du Congrès avait un projet de protection des tombes chrétiennes et musulmanes grâce à la construction de murs, ces cimetières étant menacés par des personnes qui souhaitaient se saisir de ces terrains. L’ancien gouvernement avait accepté de débloquer la somme de 50 000 dollars pour la construction de murs pour cinq cimetières catholiques du diocèse, mais les fonds ne sont jamais arrivés, car nous avons refusé de payer des pots-de-vin qui s’élevaient à presque 10 % des sommes allouées ! Comment voulez-vous que nous votions pour un gouvernement aussi corrompu ? a-t-il ajouté.

Jusqu’à présent, les chrétiens et les musulmans, qui représentent les deux principales minorités religieuses de l’Etat du Bihar, avaient soutenu le RJD. En effet, ce parti avait, d’une part, garanti la sécurité de la région et avait, d’autre part, tenu ces minorités à l’abri des violences interreligieuses et des discriminations qui pouvaient s’exercer dans d’autres régions de l’Inde. Toutefois, ces derniers mois, le gouvernement s’était montré incapable d’assurer la sécurité dans de nombreux domaines. En février dernier, des élections législatives avaient déjà eu lieu, mais elles n’avaient donné de majorité à aucune formation politique. Le Rashtriya Janata Dal avait alors essuyé son premier échec en n’obtenant que 75 des 243 sièges (1).