Eglises d'Asie

Le gouvernement enrôle les principales organisations musulmanes du pays dans la lutte contre le terrorisme

Publié le 18/03/2010




Le 19 novembre dernier, à Surabaya, chef-lieu de la province de Java-Est, le ministre des Affaires religieuses, M. Maftuh Basyuni, assistait à l’inauguration d’un temple bouddhiste. A l’issue de la cérémonie, il a confirmé à la presse indonésienne qu’il avait réuni des oulémas des principales organisations musulmanes du pays au sein d’une “équipe spéciale contre le terrorisme afin de lutter contre les terroristes islamistes sur le front idéologique. Selon le ministre, l’équipe en question sera impliquée dans des activités telles que la collecte d’informations quant aux personnes soupçonnées d’appartenir aux cercles terroristes ainsi qu’à la recherche des livres et publications faisant l’apologie de l’extrémisme.

Quelques jours auparavant, le 17 novembre, le vice-président Jusuf Kalla avait rassemblé dans sa résidence officielle de Djakarta dix-huit éminents religieux musulmans. L’objet de la rencontre était le visionnage d’une cassette vidéo présentée comme ayant été retrouvée par la police dans la cache des auteurs présumés des attentats de Bali du 1er octobre dernier (vingt-trois morts dont les trois kamikazes). Sur le film, celui qui apparaît masqué et est soupçonné être Noordin Mohammad Top, un des islamistes les plus recherchés par la police indonésienne, menace les Occidentaux de nouvelles attaques (1). Sont visés les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Australie et l’Italie, des pays engagés en Irak que l’homme qualifie d’“ennemis de l’islam”.

Pour Jusuf Kalla, si la police est responsable de la lutte physique, matérielle contre le terrorisme, les oulémas doivent être présents sur le front idéologique. “Il y a deux types de guerre contre les terroristes. La première est physique. La seconde, et c’est la plus importante, est idéologique a affirmé le vice-président qui a précisé que, lorsque dix personnes sont arrêtées, “1 550 autres sont recrutées” si l’idéologie des islamistes n’est pas combattue. L’Indonésie ne pourra gagner la guerre contre le terrorisme qu’à la condition que les responsables religieux y apportent leur entier soutien. Concrètement, Jusuf Kalla a demandé à ce que les religieux musulmans s’engagent à transmettre publiquement une “interprétation exacte” des versets du Coran relatif au djihad (guerre sainte).

Selon M. Maftuh Basyuni, les oulémas qui font partie de l’équipe de lutte contre le terrorisme devront avoir à cour de convaincre la jeunesse musulmane et les musulmans pauvres, deux catégories de la population identifiée comme étant particulièrement “vulnérables et susceptibles d’adhérer aux enseignements trompeurs des terroristes”. Aucune religion au monde n’enseigne le terrorisme, a ajouté le ministre des Affaires religieuses.

Parmi les membres de l’équipe de lutte contre le terrorisme, on trouve des représentants de deux principales organisations musulmanes de masse du pays, le Nahdlatul Ulama et la Muhammadiyah, des délégués de l’instance supérieur des oulémas d’Indonésie, le MUI (Conseil des oulémas indonésiens, selon son acronyme indonésien), ainsi que du syndicat des enseignants musulmans d’Indonésie et du Conseil missionnaire musulman indonésien. Ma’ruf Amin, responsable de l’instance du MUI chargée d’émettre des fatwas (décrets religieux), a été désigné pour présider l’équipe. Selon Azyumardi Azra, membre de l’équipe et ouléma, la première tâche de l’équipe sera de familiariser les musulmans d’Indonésie avec l’édit prononcé en 2003 par le MUI et selon lequel le terrorisme et les attentats-suicides sont hors-la-loi. “Nous étudierons également les publications qui contiendraient des enseignements trompeurs en matière d’islam a-t-il ajouté, citant l’exemple de l’autobiographie publiée par Imam Samudra, un islamiste aujourd’hui en prison pour son rôle dans l’attentat de Bali commis en 2002.

Pour le Jakarta Post, la création de cette équipe spéciale représente un changement d’attitude de la part d’un certain nombre de religieux musulmans qui, jusqu’ici et depuis des années, apparaissaient réticents à s’associer directement et publiquement aux condamnations visant les activités de la Jemaah Islamiyah et d’autres groupes terroristes à l’ouvre dans le pays (2). Même si des organisations comme la Nahdlatul Ulama se sont engagées à publier des livres qui présentent une autre vision du djihad que celle véhiculée par les islamistes, une interrogation demeure quant au degré de coopération que les religieux musulmans apporteront à l’administration. De récentes mesures annoncées par Jusuf Kalla pour contrôler l’activité des madrasa (écoles coraniques) dans le cadre de la campagne de lutte contre le terrorisme n’ont pas reçu un accueil très favorable chez un certains nombres de religieux, écrit encore le Jakarta Post du 21 novembre.