Eglises d'Asie

L’exécution – quasi certaine – d’un condamné à mort le 2 décembre 2005 souligne l’importance du recours à la peine capitale dans la cité-Etat

Publié le 18/03/2010




Le 2 décembre prochain, Nguyen Van Tuong, un Australien d’origine vietnamienne, sera très certainement exécuté par pendaison à la prison de Changi. En décembre 2002, en transit entre l’Australie et le Cambodge, il avait été arrêté à l’aéroport international de Singapour en possession d’héroïne. Jugé puis condamné à mort, il a épuisé tous les recours judiciaires et le président de la République, S. R. Nathan, a rejeté le recours en grâce qui aurait pu le sauver de l’exécution capitale (1). En Australie, l’affaire a mobilisé une partie de l’opinion publique, sensibilisée par la situation de ce jeune homme de 25 ans qui avait accepté de transporter de la drogue pour réunir de l’argent et rembourser les usuriers auprès desquels sa famille avait contracté une dette. A Singapour, les autorités ont affirmé que la peine de mort présentait un caractère exemplaire et dissuasif. “Il a été pris en possession de près de 400 grammes d’héroïne pure, de quoi composer près de 26 000 doses pour les drogués à l’héroïne, a écrit le président du Parlement singapourien à son homologue australien. Il savait ce qu’il faisait et connaissait les conséquences de ses actes. Nous ne pouvons permettre que Singapour soit utilisé comme lieu de transit pour le trafic de drogue dans la région.”

Si, pour justifier leur politique, les autorités de Singapour mettent en avant la situation de la cité-Etat et le risque d’être transformé en plaque tournante du trafic d’héroïne issue du Triangle d’or, des organisations de défense des droits de l’homme, telle Amnesty International, soulignent la fréquence du recours à la peine de mort à Singapour. Les autorités singapouriennes ne publient pas de chiffres quant au nombre des exécutions capitales. Elles mettent en avant l’équité de leur système judiciaire et affirment leur conviction dans le caractère dissuasif de la peine capitale. Amnesty, pour sa part, dans un rapport publié l’an dernier, a rapporté que 408 personnes ont été envoyées à la mort entre 1991 et 2003. Un chiffre qualifié de “choquant” pour un pays dont la population dépasse à peine les quatre millions de personnes. Par ailleurs, souligne encore Amnesty, une proportion “significative” d’étrangers figure parmi les personnes exécutées.

Selon un rapport des Nations Unies dont les données portent sur la période 1994-1999, Singapour a un taux de 13,57 exécutions capitales par million d’habitants – soit le plus fort taux constaté dans le monde. L’Arabie saoudite se place au second rang avec un taux de 4,65, suivie par la Biélorussie avec 3,20, le Sierra Leone avec 2,84, la Jordanie avec 2,12 et la Chine avec 2,01. En chiffres absolus, Singapour se trouve encore dans les pays où les exécutions sont les plus nombreuses, même si elle prend place derrière la Chine populaire, l’Iran, l’Arabie saoudite, les Etats-Unis et le Nigeria.

Selon Amnesty International, entre 1993 et 2003, sur les 174 exécutions capitales menées à Singapour, 93 ont concerné des étrangers. Le plus souvent, il s’agissait de personnes issues de la main-d’ouvre immigrée, venue d’Asie du Sud-Est et d’Asie du Sud, voire d’Afrique et d’Europe. Des chiffres contestés par le ministère singapourien de l’Intérieur, qui a déclaré que, de 1998 à 2003, sur 101 exécutions capitales, 37 ont concerné des étrangers, le plus fréquemment pour des crimes liés à la drogue.