Eglises d'Asie

En dépit de l’opposition des milieux religieux musulmans, le gouvernement défend son projet de recueillir les empreintes digitales de tous les élèves des écoles coraniques

Publié le 18/03/2010




Le 7 décembre dernier, devant un public d’universitaires et d’ambassadeurs en poste à Djakarta, le vice-président de la République Jusuf Kalla a défendu le projet émis récemment par son gouvernement de recueillir dans un fichier centralisé les empreintes digitales des élèves des écoles coraniques de tout le pays. Selon lui, ce projet s’inscrit dans « notre guerre contre les personnes qui nous combattent, nous, l’Indonésie, sans motif ». La lutte contre le terrorisme étant « une guerre totale il est nécessaire de disposer d’une base de données fiable concernant les personnes qui fréquentent ou ont fréquenté les pesantrem, les pensionnats islamiques du pays, a-t-il affirmé. Il a aussi ajouté qu’il avait conscience du caractère sensible du projet, dans un pays qui abrite la première communauté musulmane du monde, mais qu’il était convaincu de son caractère indispensable pour préserver la sécurité de la nation.

La proposition de l’exécutif indonésien a en effet soulevé nombre de critiques, aussi bien de la part de certains parlementaires que de différents responsables religieux musulmans. Ali Maschan Moesa, responsable de la Nahdlatul Ulama (NU) pour la province de Java-Est, s’est ainsi dit irrité par un projet qui, selon lui, jette la suspicion sur tous les élèves des écoles coraniques du pays, en présumant qu’ils représentent un danger pour la sécurité nationale. La Nahdlatul Ulama, principale organisation musulmane de masse du pays, est la structure qui anime le plus grand nombre de pesantrem à travers le pays. Plutôt que d’organiser une action sur toutes les écoles, la police devrait se contenter d’identifier celles où est dispensé un enseignement faisant le lit de l’extrémisme, a souligné le responsable de la NU.

Afin d’atténuer la portée des critiques émises contre le projet du gouvernement, le ministre des Affaires religieuses, Maftuh Basyuni, est intervenu pour dire que la mesure ne s’inscrivait pas dans un plan de lutte anti-terroriste. « C’est exagéré a-t-il déclaré à des journalistes, ajoutant que le relevé des empreintes digitales était une mesure nécessaire afin d’anticiper des événements tels « des accidents de la circulation ». Pour sa part, le chef de la police, le général Sutanto, a déclaré que la mesure n’en était qu’au stade de la proposition ; il a démenti que ses services aient commencé à relever des empreintes, précisant que seules des photocopies de cartes d’identité avaient été fichées.

Selon Sidney Jones, directeur de l’antenne de Crisis Group à Djakarta, experte reconnue des réseaux islamistes en Indonésie, il est important de ne pas se tromper de cible. Viser l’ensemble du monde musulman serait, pour le gouvernement, une perte d’énergie dans sa lutte contre le terrorisme. « Seulement la moitié des terroristes arrêtés à ce jour sont passés par les pesantrem, l’autre moitié a fait ses études dans des écoles non confessionnelles a-t-elle précisé. De la même façon, la pauvreté ne peut être mise en avant comme unique facteur favorisant le terrorisme, car près de la moitié des terroristes capturés sont issus de familles de la classe moyenne. « Ce que les autorités ont besoin de déterminer avec précision, c’est le passé des terroristes. En comprenant d’où ils viennent, par où ils sont passés, la police pourra comprendre comment ils parviennent à faire de nouvelles recrues a-t-elle suggéré, ajoutant que la bataille du gouvernement contre le terrorisme ne pourra être gagnée par la seule interdiction de quelques ouvrages. Allusion à une récente interdiction par les autorités de l’autobiographie d’un islamiste aujourd’hui en prison pour son rôle dans l’attentat de Bali commis en 2002 (1).