Eglises d'Asie – Inde
L’appel de l’Eglise catholique syro-malabar à privilégier l’éducation des plus pauvres suscite des réactions contrastées au sein des catholiques de rite oriental
Publié le 18/03/2010
Selon Joseph Pynadath, professeur à la retraite, la priorité des institutions catholiques d’aujourd’hui ne se situe plus dans la transmission des valeurs chrétiennes ou la qualité de l’enseignement, mais plutôt “dans la préparation des élèves à d’ambitieuses carrières”. Selon lui, ce changement de priorité trouve son origine dans la modification des valeurs transmises au sein de la cellule familiale : “Si, auparavant, la formation du caractère de l’enfant était une priorité pour les parents, aujourd’hui l’accent est mis sur la réussite professionnelle.” Il souligne que même si, par le passé, les établissements catholiques d’éducation se souciaient peu de faire des bénéfices, elles réussissaient tout de même à survivre grâce à la qualité de l’enseignement dispensé, à leurs activités caritatives et à leur engagement en matière de justice sociale.
Au Kerala, il existe 500 écoles privées, dont 260 sont dirigées par des chrétiens. Ces derniers animent également la moitié des écoles d’ingénieurs présentes dans l’Etat. En juillet dernier, le coût des études supérieures est devenu un sujet de controverse après le suicide d’une jeune fille qui s’était vu refuser un prêt bancaire pour payer ses frais de scolarité. Les médias ont alors pointé du doigt les établissement d’enseignement supérieur privés, y compris ceux dirigés par l’Eglise. Paul Thelakat, porte-parole de l’Eglise syro-malabar, reconnaît les manquements de l’Eglise en matière de justice sociale et d’aide aux plus démunis. Selon lui, l’Eglise a un “devoir moral de mettre en pratique les valeurs chrétiennes dans la manière de gérer les établissements scolaires
Si certains catholiques comme Paul Thalakat ont salué l’invitation de l’archevêque à favoriser l’éducation des plus pauvres dans les établissements scolaires catholiques, d’autres estiment que l’application de telles mesures dans le contexte actuel s’avère complexe. Tel est le cas du P. Francis Alappat, directeur du Jubilee Mission Medical College, établissement privé sous la responsabilité de l’archidiocèse syro-malabar de Trichur. Il souligne que les investissements pour un établissement comme le sien sont très élevés et que les frais d’admission demandés aux étudiants ne couvrent qu’une petite partie des frais de scolarité : “Comment pourrons-nous trouver des fonds ? Nous ne recevons aucune subvention du gouvernement ou d’autres organismes. Nous faisons fonctionner l’université avec le peu de ressources dont nous disposons.”
En 2001, le gouvernement du Kerala a autorisé la création d’établissements privés d’enseignement supérieur pour pallier le manque de place dans les universités de médecine et les écoles d’ingénieur, et éviter que des centaines d’étudiants de l’Etat aient à s’inscrire dans les universités d’autres Etats. Toutefois, dès l’ouverture de ces établissements privés, il y a eu des allégations de vente de places, y compris dans des établissements catholiques. Selon un étudiant, une université catholique demandait la somme de deux millions de roupies (36 400 euros) pour confirmer son inscription. “Aucun étudiant issu d’un milieu pauvre ne dispose d’une telle somme précise-t-il, en ajoutant que si le cardinal est de bonne foi, il devra faire en sorte que 10 % des places des universités catholiques soient attribuées d’office aux plus pauvres.
Les universités privées ont récemment fait appel d’une décision du gouvernement qui autorise le Bureau de l’éducation du Kerala à sélectionner 50 % des étudiants de ces établissements en fonction d’une “liste de mérite” que le Bureau établit suivant les résultats des concours d’Etat.