Eglises d'Asie

Les autorités policières s’en prennent à nouveau à des communautés chrétiennes non enregistrées ainsi qu’à certains groupes officiellement rattachés à une Eglise protestante reconnue

Publié le 18/03/2010




Malgré la pression internationale et les directives données par le pouvoir central depuis plus d’un an, les autorités de la province de Son La continuent de menacer les chrétiens protestants et de les contraindre à abandonner leur religion. C’est ce que vient de dénoncer l’Alliance missionnaire évangélique (1), une organisation qui regroupe des communautés protestantes chrétiennes non enregistrées officiellement, dites “domestiques”. Son responsable, le pasteur Trân Mai, a en effet écrit une lettre ouverte, datée du 11 décembre dernier, adressée à diverses instances internationales (2).

La lettre commence par rappeler la présence du Vietnam sur la liste, établie par les Etats-Unis, des pays “préoccupants en matière de liberté religieuse une récente résolution de l’Assemblée européenne demandant au Vietnam de changer sa politique religieuse, ainsi que les propres engagements du gouvernement vietnamien en ce domaine, à savoir les directives du Premier ministre au mois de mars 2005 concernant les protestants des minorités ethniques (2). Selon l’auteur de la lettre, malgré tout cela, le gouvernement continuerait de pratiquer l’oppression systématique des minorités religieuses h’mongs.

A l’appui de ses dires, le pasteur cite des faits qui ont eu lieu dans un certain nombre de communes de la province de Son Tây, au nord-ouest du Vietnam, dans les villages h’mongs de Suôi Cheo, Suôi Ban, Phu Yên. Les familles protestantes ont été convoquées auprès d’équipes de la Commission “Dân Vân” (autrefois appelé “Agitprop qui, par des menaces de châtiments, ont terrorisé les fidèles et essayé de contraindre les croyants à abandonner leur religion. Tout récemment, le 11 décembre, on a appris que d’autres exactions inquiétantes se sont produites dans la province de Diên Biên, à la frontière du Laos. Ces mêmes équipes de la commission “Dân Vân” ont pénétré dans des lieux de culte des villages pour faire signer aux croyants un texte par lequel ils renoncent à leur religion. Dans ces villages, un certain nombre de fidèles se sont enfuis dans la forêt pour échapper à la pression des autorités locales. Le pasteur auteur de la lettre ajoute qu’il ignore le sort des fidèles réfugiés dans la forêt, comme celui de ceux qui sont restés dans leur village.

Les nombreuses difficultés rencontrées par les communautés non reconnues par l’Etat dans la pratique religieuse sont quelquefois également le lot des croyants qui se font un devoir de se soumettre aux formalités de l’enregistrement exigées par l’Etat. L’histoire d’une organisation protestante récemment créée dans la ville de Ha Long, province de Quang Ninh, par sept amis en est l’illustration. Dans un exposé diffusé par un quotidien vietnamien de la diaspora vietnamienne (4), un membre du groupe, Mme Nguyên Thi Tinh, protestante appartenant à l’Eglise évangélique du Vietnam du Nord, reconnue par l’Etat, raconte comment son organisation religieuse a été enregistrée officiellement auprès du Bureau des Affaires religieuses et du Comité populaire de la province. Le groupe a même reçu les encouragements apparemment sincères de la vice-présidente du Comité populaire provincial, lors d’une rencontre avec elle.

Pourtant, depuis l’enregistrement du groupe, ses membres sont classés parmi les personnes “préoccupantes” (5), raconte avec humour Mme Tinh. La police est même venue trouver la mère de Mme Tinh pour lui dire que sa fille, en suivant une religion “américaine portait tort au bon renom culturel de son quartier et de sa famille et appartenait à un groupe qui empêchait le Vietnam d’entrer dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC). La police ne cesse de suivre les sept membres du groupe, partout où ils vont, chez eux comme sur leurs lieux de travail, interrogeant le voisinage à leur sujet, ne les laissant jamais en paix. A tel point que Mme Tinh en a conclu qu’il valait mieux pratiquer la vie religieuse dans une communauté clandestine que, comme elle et ses amis, à visage découvert. Il arrive que les policiers ne découvrent pas les premiers et, par suite, les laissent en paix.