Eglises d'Asie

Un parlementaire américain, lors d’une tournée de quatre jours au Vietnam, s’est entretenu avec des prêtres et des religieux dissidents

Publié le 18/03/2010




Dans le cadre de la mission qu’il vient d’accomplir au Vietnam du 1er au 5 décembre 2005 pour y enquêter sur le respect des droits de l’homme et l’exercice de la liberté religieuse, mission qui l’a mené de Hanoi à Hô Chi Minh-Ville en passant par Huê, le membre du Congrès américain, Christopher Smith, a rencontré quelque soixante personnes issues de l’administration gouvernementale et de la dissidence politique ou religieuse. Ainsi le parlementaire, accompagné du consul général des Etats-Unis à Saigon et de deux autres personnes, s’est entretenu successivement avec le P. Nguyên Van Ly et le P. Pham Van Loi en fin de matinée, le 3 décembre 2005, dans la capitale impériale. A Hô Chi Minh-Ville, d’autres entrevues ont eu lieu dont une avec le P. Chan Tin, accompagné de trois autres dissidents, le 3 décembre au soir, et une autre, le lendemain, avec le vénérable Thich Quang Dô, deuxième personnalité du bouddhisme unifié. Selon le récit des personnes contactées, la police a soigneusement contrôlé la mise en ouvre du programme des visites, prévues à l’avance par le parlementaire américain. Les personnalités contactées ont toutes pris soin de diffuser sur Internet les circonstances et le contenu des entretiens.

Le contenu des déclarations faites par le P. Nguyên Van Ly a été diffusé par lui-même sur un certain nombre de sites de la diaspora vietnamienne. Le prêtre dissident a lu une déclaration écrite s’articulant autour de constatations suivies de propositions, dont certaines sont radicales. Le prêtre commence par faire état de l’idéologie marxiste-léniniste à laquelle les autorités s’efforcent de faire adhérer les consciences et les esprits de tous les croyants et, plus particulièrement, ceux du clergé et des aspirants au sacerdoce. Seules les communautés religieuses acceptant cette allégeance idéologique seront reconnues par les autorités qui, même ainsi, leur refusent la liberté d’expression – il n’y a aucun journal religieux indépendant – et leur confisquent sans vergogne propriétés et établissements, sans les restituer. Pour mettre fin à ses maux, affirme le P. Ly, il n’existe qu’une seule solution, la dissolution du système communiste dans son ensemble. Pour y arriver, il faut commencer par boycotter les prochaines élections à l’Assemblée nationale, qui auront lieu en 2007.

L’entrevue avec le P. Loi, visité en second lieu par la délégation américaine, s’est déroulée sur le même scénario avec un accompagnement policier très minutieux. Dans sa déclaration préliminaire, le prêtre a d’abord défini la véritable liberté religieuse, non pas formelle, mais permettant aux religions de fonder des communautés, de vivre dans l’autonomie et de propager leur doctrine. Il a ensuite détaillé le programme de la lutte menée par lui et ses confrères en faveur de la liberté religieuse. Les principaux objectifs poursuivis par eux sont l’élimination de la dernière ordonnance religieuse, mise en vigueur en novembre 2004, et de tous les autres textes semblables, uniquement destinés à contrôler les activités religieuses, l’abrogation de l’article 4 de la Constitution, qui accorde le pouvoir absolu et permanent au Parti communiste vietnamien.

Lors de sa rencontre avec Christopher Smith et sa délégation, dans son monastère de Thanh Minh Thiên, à Hô Chi Minh-Ville, le vénérable Thich Quang Dô a donné son témoignage sur les trente dernières années tourmentées (1975-2005) traversées par le bouddhisme unifié. Il a insisté sur le fait que la liberté religieuse doit être accompagnée par la démocratisation : “En l’absence de la liberté, et des droits de l’homme, sans démocratie, jamais le développement du Vietnam ne se mettra en marche.” Le religieux, qui est recteur de l’institut pour la propagation du Dharma, a également mis en garde contre les autorités communistes, jamais dépourvues de paroles prometteuses mais pauvres en réalisation (1).

Une même mise en garde contre le double jeu des autorités vietnamiennes a été adressée à Christopher Smith lors de la rencontre qu’il a eu, le 3 décembre, avec trois autres dissidents vietnamiens bien connus. Selon ces derniers, le gouvernement accomplit des gestes ostentatoires qui ne correspondent à aucun changement dans sa politique réelle. Ainsi, l’accueil récent fait au cardinal Sepe est entièrement, selon eux, destiné à la propagande (2).