Eglises d'Asie

Dans l’Etat de Jharkhand, la résistance des aborigènes à un important projet d’usine sidérurgique s’accentue après la mort de treize d’entre eux en Orissa

Publié le 18/03/2010




La mort de treize aborigènes tués par la police de l’Orissa, le 2 janvier dernier, lors d’une manifestation de 800 aborigènes armés d’arcs et de flèches dans le district de Jajpur, alors qu’ils manifestaient contre un projet sidérurgique d’envergure qui les privait de leurs terres, a accentué la résistance des aborigènes de l’Etat limitrophe du Jharkhand, qui protestent, à leur tour, contre des projets de développement gouvernementaux.

Une journée après les incidents survenus en Orissa, des milliers d’aborigènes de l’Etat du Jharkhand sont descendus dans les rues de différentes villes de l’Etat, dont la capitale Ranchi, afin de condamner l’action menée par la police de l’Orissa contre leurs frères aborigènes et mettre en garde le gouvernement contre les risques potentiels d’effusion de sang, s’il persistait à vouloir mener à bien des projets industriels sur les terres des aborigènes. Ces derniers revendiquent en effet leur droit à la propriété, alors que les deux Etats concernés ont signé plusieurs accords avec un conglomérat de quarante firmes nationales et multinationales, en vue d’un projet sidérurgique s’élevant à 154 milliards de roupies (2,9 milliards d’euros). Le Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien), parti nationaliste hindou, dirige l’Etat du Jharkhand et est un allié de la coalition gouvernementale de l’Orissa.

“Développement pour qui ? a demandé le cardinal Telesphore Placidus Toppo, archevêque du diocèse de Ranchi. “Le développement ne doit pas se faire au détriment de la vie des aborigènes a affirmé celui qui est le premier cardinal aborigène d’Asie. Selon lui, les Etats de l’Orissa et du Jharkhand, riches en ressources minérales, pourraient se développer plus rapidement que d’autres Etats indiens si les accords conclus entre les entreprises et les gouvernements prenaient en compte le sort des populations locales. “Les projets, qui continuent de favoriser l’implantation de firmes nationales ou multinationales dans la région au détriment des habitants, ne sont pas les bienvenus a-t-il ajouté, en précisant que, durant les cinquante dernières années, des milliers de personnes avaient été déplacées au nom du développement économique.

Les manifestations des aborigènes dans le district de Singhbhum, dans le sud du Jharkhand, près de la frontière avec l’Orissa, ont été plus intenses que dans les autres régions de l’Etat, du fait de la même appartenance tribale des aborigènes du Sud-Jharkhand et de ceux tués par la police, le 2 janvier dernier. Selon un responsable aborigène, Deo Kumar Dhan, le 3 janvier dernier, 50 000 personnes ont manifesté à Manoharpur, dans le district de Singhbhum, pour signifier leur mécontentement auprès des gouvernements de l’Orissa et du Jharkhand. “Nous sommes pacifiques et ne sommes pas partisans de la violence. Mais nous préférons affronter les coups de feu et mourir, plutôt que d’abandonner nos terres a confié Deo Kumar Dhan, à l’agence Ucanews, tout en ajoutant que les aborigènes sont prêts à trouver un compromis avec les industriels si ces derniers respectent les traditions aborigènes, selon lesquelles la production réalisée sur un terrain est partagée de manière égalitaire entre le propriétaire terrien et celui qui utilise le terrain. “Nous accepterons la construction d’une usine sur nos terres, si les entrepreneurs acceptent de nous verser 50 % des profits réalisés et si nous restons propriétaires de nos terres a-t-il expliqué.

Selon Bandhu Tirkey, catholique et député du Jharkhand, les aborigènes sont unis pour résister aux projets qui les arracheraient à la terre de leurs ancêtres. Leurs protestations avaient d’ailleurs permis, dans le passé, de faire plier le gouvernement au sujet d’un projet de barrage hydroélectrique et de faire reculer les instances fédérales qui souhaitaient établir un camp d’entraînement militaire sur leurs terres. “Nous avons gagné ces batailles, nous gagnerons celle-ci aussi a précisé Bandhu Tirkey.

Un ministre de l’Etat du Jharkhand maintient que les incidents survenus début janvier dans l’Orissa n’affecteront en rien les projets de développement économique du Jharkhand. Le ministre pour l’Aménagement du territoire, Chandra Prakash Choudhary, estime que “le gouvernement n’a commis aucune erreur” en invitant des firmes nationales et multinationales à s’implanter dans la région. Il a également précisé que le gouvernement était déterminé à favoriser le développement économique de la région et qu’il était de son devoir d’acquérir des terrains pour permettre aux entreprises de s’implanter.

Le 10 janvier dernier, des milliers d’aborigènes issus de vingt-trois villages différents, munis d’arcs et de flèches, les armes traditionnelles aborigènes, ont de nouveau manifesté sur un des sites qui a été attribué par le gouvernement à un conglomérat indo-népalais, afin d’obtenir des garanties quant au versement de compensations équitables, c’est-à-dire signées par les deux parties contractantes : les firmes et les autorités gouvernementales.