Eglises d'Asie – Inde
Bihar : des charpentiers catholiques de basse caste rendent service à leurs voisins hindous pauvres, en vendant des meubles de bonne qualité à un prix raisonnable
Publié le 18/03/2010
Selon Louis Gasper, le plus âgé des charpentiers catholiques de basse caste de Chanpatia, un des plus anciens villages catholiques de la région, “la menuiserie est pour nous une mission et un défi. Cela nous aide à faire le bien autour de nous, notamment auprès de nos voisins a-t-il confié, le 11 janvier dernier, à l’agence Ucanews. La famille de Gasper a commencé à travailler le bois il y a 125 ans, lorsque des missionnaires capucins italiens ont appris le métier de charpentier aux nouveaux convertis afin qu’ils puissent subvenir à leurs besoins. Les missionnaires leur avaient également fait promettre de considérer le commerce comme un service rendu à Dieu et jamais comme un moyen d’“escroquer les clients sur le prix ou la qualité du bois. “Cette promesse nous lie encore aujourd’hui commente Louis Gasper, même s’il avoue qu’il est de plus en plus difficile de rester fidèle à cette promesse. “La qualité et un prix raisonnable sont souvent incompatibles mais “l’Esprit-Saint a aidé nos ancêtres à inventer plusieurs formules indigènes secrètes qui permettent d’utiliser du bois bon marché tout en fournissant des meubles de qualité ajoute Louis. Selon ce dernier, ils achètent du bois brut bon marché et le font sécher pendant plusieurs mois. Ensuite, ils nourrissent le bois avec une formule aborigène ancestrale tenue secrète qui est concoctée à partir de plantes et d’une terre de la région. Une fois que le bois est teinté avec la mixture, il est protégé contre les vers.
Kaladhar Jha, un hindou qui vit dans un village prêt de Chanpatia, a marié trois de ses filles en six ans. Il est heureux d’avoir pu honorer la coutume d’usage qui consiste à acheter des meubles pour constituer la dot de ses filles, et avoue que s’il n’avait pas acheté les meubles à un charpentier catholique, il aurait été ruiné. “Leurs prix sont abordables même pour une personne aussi pauvre que moi explique-t-il. Fournir un ensemble de meubles pour sa fille qui va aller vivre chez la famille du marié est une des plus anciennes traditions des hindous de la région. Même les familles les plus pauvres doivent suivre cette coutume. Selon Kaladhar Jha, “envoyer ma fille chez sa belle-famille sans cadeau aurait été pire que la mort Il ajoute que le prix maximum qu’une famille pauvre puisse payer s’élève à 3 000 roupies (56 euros). En achetant les meubles à un charpentier catholique de Chanpatia, Kaladhar Jha a payé 2 600 roupies (moins de 47 euros), alors qu’ailleurs il aurait payé entre 15 000 et 20 000 roupies (entre 280 et 375 euros).
“Nos produits sont connus pour leur qualité et leur prix raisonnable. Sans cette notoriété publique, personne ne viendrait nous acheter des meubles et nous ne pourrions pas survivre confie encore Louis Gasper. Les charpentiers catholiques de basse caste, qui travaillent à domicile, peuvent ainsi travailler plus longuement que s’ils devaient voyager des heures pour trouver un emploi journalier. Selon un voisin de Louis, “travailler à domicile comme artisans nous permet de bénéficier d’une respectabilité, d’une liberté et d’un épanouissement que nous ne pourrions pas avoir en étant ouvriers salariés. Des gens viennent à notre porte pour acheter nos meubles, nous n’avons pas à aller chercher du travail”. Ce dernier précise toutefois que les charpentiers catholiques de basse caste ne sont pas autorisés à entrer dans la maison des hindous locaux, même si ces derniers admirent leur travail. “Socialement, nous sommes considérés comme des parias, mais en silence confie-t-il.
Selon un historien de la région, les missionnaires capucins italiens, arrivés dans la région en 1850, avaient formé les nouveaux convertis au métier de charpentier, après avoir compris le fonctionnement du milieu social local. “Les missionnaires qui avaient incité les catholiques de basse caste à travailler le bois à domicile leur ont permis de devenir indépendants et d’être respectés par leurs voisins hindous a ajouté Cherubim John Osta.