Eglises d'Asie

Des grèves ouvrières entamées depuis plus de deux mois inquiètent le gouvernement vietnamien et les investisseurs étrangers

Publié le 18/03/2010




Des grèves, inhabituelles par leur durée et leur extension, sont en train de paralyser un certain nombre d’entreprises étrangères implantées à Hô Chi Minh-Ville et dans la province de Binh Duong, dans le sud du Vietnam. Le mouvement, déclenché à la fin du mois de novembre, s’est poursuivi sporadiquement aux mois de décembre 2005 et janvier 2006. Plusieurs dizaines de milliers d’ouvriers en grève réclament la hausse des salaires actuels et l’amélioration des conditions de travail. Ces troubles semblent aujourd’hui inquiéter les autorités gouvernementales qui sont déjà intervenues à plusieurs reprises pour proposer des hausses de salaire.

Tout récemment, le 26 janvier dernier, le journal des syndicats Le Travailleur (Nguoi Lao Dông) informait que le Premier ministre avait recommandé au ministre de la Planification et des Investissements de trouver des solutions au problème des grèves. Ces dernières ont pris de l’ampleur depuis que l’application de la décision prise précédemment d’augmenter les salaires minima de 40 % au mois de février 2006 eut été reportée au mois d’avril.

Depuis que les dirigeants vietnamiens ont choisi d’introduire l’économie de marché à l’intérieur du système socialiste au début des années 1990, ils se sont efforcés d’attirer les investisseurs étrangers en leur offrant une main-d’ouvre à très bon marché et un environnement social stable. C’est ainsi que beaucoup d’entreprises, surtout coréennes et taïwanaises, ont été attirées par la main-d’ouvre vietnamienne, dont le salaire minimum était initialement de 45 dollars, mais qui avait été ramené en 1999 à 35-45 dollars. Ces émoluments étaient très au-dessous de la rémunération minimale de la main-d’ouvre en Chine, actuellement de 63 dollars. Ce qui a rendu, à égalité de compétence, la main-d’ouvre vietnamienne plus compétitive.

La situation actuelle est en train de faire comprendre aux gestionnaires de l’économie vietnamienne qu’ils seront obligés de choisir entre les intérêts de leurs travailleurs et leur capacité à offrir aux entrepreneurs étrangers une des mains-d’ouvre les moins chères du monde. Les grèves ont touché un grand nombre d’entreprises et irrité leurs propriétaires étrangers qui comprennent qu’ils ne pourront plus longtemps se contenter de payer les maigres salaires exigés du Vietnam jusqu’à présent.

Les premières grèves ont eu lieu le 23 novembre 2006 dans une entreprise de chaussures. Les 950 grévistes protestaient contre leurs conditions de travail. Le 7 décembre suivant, c’était le tour des 115 employés d’une entreprise de produits de mer, dans le centre industriel de Nam Diên Ngoc. Puis les grèves se sont succédé : le 25 décembre dans une entreprise de matériel électronique (Compagnie de l’an 2000) à Thu Duc, le 17 dans une usine de chaussures de la province de Binh Duong, et ainsi de suite. Les grèves sont progressivement devenues plus importantes et plus suivies, même si elles sont restées circonscrites à l’intérieur du territoire de Hô Chi Minh-Ville et de la province de Binh Duong. Au 4 janvier, on dénombrait déjà vingt grèves au cours desquelles de 30 à 40 000 ouvriers avaient cessé leur travail.

Plusieurs observateurs étrangers (1) se sont demandé pourquoi le gouvernement ne réprimait pas ces grèves illégales (2), une opération qui lui serait facile. Certains voient en elles une obscure manouvre des dirigeants des syndicats officiels dans la perspective du prochain congrès quinquennal du Parti, qui aura sans doute lieu en juin 2006. Ils tenteraient d’embarrasser les responsables officiels des régions où les troubles ont commencé, ou du moins d’affaiblir leur prestige. Beaucoup d’entreprises taïwanaises étant affectées par ces grèves, on a également évoqué le conflit de souveraineté entre les deux pays (la Chine et le Vietnam) au sujet des îles Spratley. Le 15 décembre dernier, le gouvernement vietnamien a accusé publiquement Taiwan d’entreprendre des constructions sur une de ces îles.