Eglises d'Asie

Les autorités judiciaires projettent de restreindre le nombre de crimes passibles de la peine de mort et de modifier le mode de l’exécution capitale

Publié le 18/03/2010




Selon la revue juridique de Hô Chi Minh-Ville du 10 février dernier, le ministère de la Sûreté est en train de mettre au point un projet de loi destiné à supprimer la peine de mort pour neuf crimes jusqu’ici susceptibles d’être ainsi punis. La revue énumère les délits qui n’entraîneraient plus la peine capitale : atteinte à la paix sociale, incitation à la guerre d’invasion, accaparement frauduleux du bien d’autrui, crime contre l’humanité, commerce frauduleux, concussion, production et vente de contrefaçons dans le domaine des produits alimentaires et pharmaceutiques, recel, transport et diffusion de fausse monnaie, appartenance à des organismes détenant illégalement de la drogue. La revue affirme que cette redéfinition concerne surtout les crimes dits “économiques” dont la dangerosité a diminué dans l’actuel contexte d’économie de marché et, n’entraînent que des conséquences matérielles.

Dans la version du Code pénal, votée en 1985 et quelque peu amendée les années suivantes, la peine capitale sanctionnait près de 44 crimes. Le recours trop fréquent du code pénal vietnamien à la sanction suprême avait été vivement critiqué aussi bien dans la presse locale que par certains organismes humanitaires internationaux. Aussi bien un nouveau code adopté par l’Assemblée nationale lors de la session de décembre 1999 n’avait retenu que 29 infractions pouvant entraîner la peine de mort pour leurs auteurs, ce qui restait encore considérable (1).

Après la suppression de la peine capitale envisagée par la revue juridique pour ces neuf crimes, la liste des infractions passibles de l’exécution capitale restera cependant encore assez étendue. En font partie, la plupart des crimes en rapport avec la sécurité nationale : connivence avec une puissance étrangère (art. 78), tentative de renversement du gouvernement (art. 78), espionnage (art. 80), lutte armée contre le pouvoir légitime (art. 82), le terrorisme (art. 84), les activités visant à semer le trouble dans la société. Les autres violations de la loi punies de mort sont le meurtre ou encore, lorsqu’ils sont d’un haut niveau de gravité, les crimes tels que la production et le trafic de drogues.

Le récent article de la revue juridique soulève aussi la question de la forme à adopter pour l’exécution des condamnés. Actuellement, le Code pénal prévoit que les condamnés sont exécutés par balle. Selon le ministère de la Sécurité, cette forme d’exécution porte atteinte à l’intégrité du cadavre rendu à la famille et provoque de plus un traumatisme psychologique chez les agents de la sûreté qui en sont chargés, spécialement ceux qui donnent le coup de grâce. On cite le cas d’un agent de la gendarmerie qui à la suite d’une exécution capitale a sombré dans une névrose inguérissable. Par ailleurs, le Vietnam manque de lieux d’exécutions : il en existe sept au total pour 54 provinces et villes rattachées au pouvoir central. En de nombreux endroits, il faut trouver un nouveau lieu à chacune des exécutions. Pour toutes ces raisons, le ministre de la Sûreté étudie aujourd’hui la possibilité d’exécution de la peine de mort par injection létale. Celle-ci à l’avantage d’être rapide, peu douloureuse et de ne pas provoquer de choc psychologique trop important chez les exécutants. Cependant, on ne devrait passer à ce mode d’exécution que progressivement au fur et à mesure que les conditions matérielles et les fondements juridiques seront mis en place.

On peut penser que les mesures en étude aujourd’hui sont dues en partie aux pressions exercées par un certain nombre d’instances internationales. Selon le rapport établi par Amnesty International en juillet 1999 qui s’appuie sur des statistiques officielles, Pour les années qui ont précédé 1997, il y avait environ une centaine de condamnations à mort par an au Vietnam (100 en 1994, 104 en 1995, 113 en 1996). Depuis cette époque, il n’existe pas de chiffres officiels. Pour les années suivantes, les chiffres sont déduits des condamnations prononcées dans les procès couverts par la presse. Il en est de même, pour les exécutions effectives de la sentence capitale. Il y en a eu officiellement 90 en 1994. Par la suite, elles n’ont plus été annoncées. Cependant, selon des sources dignes de confiance citées par le rapport International, la plupart des condamnations à mort sont suivies d’exécutions.

Selon un rapport de la même organisation publié le 28 août 2003 (2), l’utilisation de la peine de mort au Vietnam a suivi une courbe ascendante particulièrement inquiétante. L’organisation relevait 48 sentences de mort prononcées et 27 exécutions effectives annoncées pour l’année 2002. Pour l’année 2003, au moment de la publication du rapport au mois d’août 2003, le nombre de condamnation à mort s’élevait à 62 et les exécutions à 19. Ce chiffre, selon , avait atteint la centaine au mois de décembre 2003. Selon des statistiques incomplètes fournies par le tribunal populaire suprême de Hô Chi Minh-Ville, au total, pour ces dernières années, ce sont 931 personnes qui ont été condamnées à mort. 535 d’entre elles étaient coupables de meurtre ou de violences ayant entraîné la mort, 310 étaient des trafiquants de drogues, 24 avaient été condamnés pour corruption.