Eglises d'Asie

Les évêques catholiques qui soutiennent la cause des populations victimes de l’exploitation minière ont récemment rencontré la présidente Gloria Macapagal Arroyo

Publié le 18/03/2010




Suite à la déclaration publique des évêques catholiques sur les questions minières faite lors de leur assemblée plénière qui s’est tenue du 28 au 30 janvier dernier (1), dans laquelle ils demandaient au gouvernement de faire prévaloir les droits des populations locales victimes des déchets miniers produits par des multinationales étrangères, les responsables de l’Eglise catholique des Philippines ont rencontré, le 30 janvier, la présidente de la République, Gloria Macapagal Arroyo. Cette dernière les a invités à sélectionner les membres d’une commission d’enquête indépendante, chargée d’étudier la question de la toxicité des déchets miniers et de leurs répercussions sur les populations locales dans le sud-est de l’île de Luzon. Cette commission sera financée par la multinationale australienne Lafayette Mining Limited, qui exploite un site minier dans la péninsule de Bicol, sur l’île de Rapu-Rapu.

En octobre et novembre derniers, des déchets miniers ont en effet été déversés dans la baie, détruisant la faune et la flore aquatiques, seul moyen de subsistance des habitants de la région. “Les poissons meurent et, quand les chats et les chiens les mangent, ils meurent également commente un pêcheur de la région. Trois mois après les incidents, beaucoup d’habitants de la ville de Sorsogon, située au sud de la province d’Albay, n’ont toujours pas trouvé d’autres moyens de subsistance et certains ont été contraints de quitter la région pour chercher un autre gagne-pain. Mgr Arturo Bastes, évêque de Sorsogon, qui a été désigné par ses confrères du nord des Philippines pour participer à la réunion du 30 janvier dernier, a rapporté à l’agence de presse Ucanews, que la question principale abordée avec la présidente avait été celle des pêcheurs de Sorsogon et de Rapu-Rapu.

Onze autres évêques philippins ont également participé à cette table ronde où le chef de cabinet de la présidente, Michael Defensor, et le secrétaire du Budget, Romulo Neri, ont présenté les bénéfices escomptés des activités minières développées dans le pays et les revenus attendus par le gouvernement : 1,5 milliard de dollars d’investissements pour cette année, et 6,5 milliards de dollars dans les cinq prochaines années. Les évêques ont quant à eux repris les points déjà évoqués dans leur déclaration publique, en insistant sur les répercutions malheureuses auprès des populations locales des investissements miniers réalisés dans différentes parties des Philippines. “Nous avons essayé de les convaincre que les bénéfices escomptés par ces investissements étaient nuls, compte tenu de la destruction de l’environnement et de la pollution occasionnées dans notre pays par l’exploitation minière a confié Mgr Bastes, tout en ajoutant que le chef de cabinet avait précisé qu’il serait difficile d’arrêter des projets mis en place par les gouvernements précédents, mais qu’il promettait aux évêques que le gouvernement actuel “n’approuverait plus de nouveaux projets miniers Mgr Bastes a toutefois souligné qu’il ne participerait pas personnellement à cette commission d’enquête afin qu’elle garde sa totale indépendance, mais qu’il désignerait des personnes qualifiées en la matière.

Dans un communiqué de presse, des responsables de l’industrie minière du pays ont averti que la déclaration publique de la Conférence épiscopale (CBCP) allait alarmer les investisseurs étrangers et risquait ainsi d’affecter deux millions de travailleurs, et quelque huit millions d’autres personnes vivant grâce aux revenus générés par l’industrie minière. Ignacio Bunye, porte-parole du gouvernement, a tenu à rassurer les hommes d’affaires et les industriels du secteur minier par un communiqué daté du 4 février dernier, en rappelant que le gouvernement continuerait à soutenir les investissements de l’industrie minière malgré l’opposition des évêques : “La présidente est favorable à de nouveaux investissements réalisés par des compagnies minières responsables, car elle est favorable à la fois au développement économique et au respect de l’environnement.” Ignacio Bunye a également ajouté que Malacanang (2) partageait le souci des évêques en matière sociale et environnementale et qu’en conséquence, les nouveaux projets miniers devront respecter des normes prédéfinies dans ces domaines.

Les atteintes à l’environnement du fait des activités minières ont commencé à se multiplier il y a une dizaine d’années. En 1995, le président de l’époque, Fidel Ramos, avait ratifié la loi intitulée : “The Mining Act qui autorisait les investissements étrangers à 100 % dans le secteur minier, levant le plafond de 40 % jusqu’alors en vigueur. En janvier 2004, la Cour suprême déclara cette loi non constitutionnelle, mais cette décision fut annulée en décembre 2005, après que le gouvernement eut fait du secteur minier, via The Mining Revitalization Program, l’un des sept domaines prioritaires en matière d’investissements.

En 1998, la CBCP avait déjà émis un rapport, le Statement of Concern on the Mining Act of 1995, appelant à l’abrogation de la loi de 1995 et demandant l’annulation des concessions faites aux investisseurs étrangers. Aujourd’hui, les évêques renouvellent leurs demandes et appellent les responsables religieux “à rassembler et à soutenir” les populations locales, tout spécialement les communautés aborigènes, pour combattre les vingt-quatre projets miniers gouvernementaux (3).