Eglises d'Asie

Des responsables religieux invitent les médias à respecter la sensibilité des croyants

Publié le 18/03/2010




Réunis à Djakarta le 18 février dernier, une centaine de responsables religieux, d’universitaires et de professionnels des médias ont débattu du thème : “La liberté de la presse et l’éthique”. Invités à l’initiative de la Muhammadiyah, la seconde plus importante organisation musulmane de masse du pays, ils ont abordé la question des relations entre la presse et les religions à la lumière des incidents surgis après la parution au Danemark, puis dans plusieurs pays européens, de caricatures représentant, entre autres, le prophète Mahomet (1). Résumant les débats, Din Syamsuddin, président de la Muhammadiyah, a déclaré que les délégués “soutenait la liberté de la presse et défendait la liberté d’expression, mais soulignait le principe que la liberté ne doit violer la sensibilité d’aucune religion”.

“Jouir de la liberté ne signifie pas que la presse peut publier” des textes ou des images “qui perturbent l’harmonie des relations interreligieuses dans le monde a précisé le responsable musulman, qui a ajouté que des représentants des médias étrangers avaient été invités à venir débattre, mais aucun d’entre eux n’avaient répondu positivement. Parmi les représentants religieux présents, se trouvaient, outre des membres de la Muhammadiyah, des délégués du Conseil des oulémas indonésiens, de la Conférence des évêques catholiques d’Indonésie, du Conseil des bouddhistes indonésiens (Walubi), du Conseil indonésien de l’hindouisme (Parisada Hindu Dharma Indonesia) et du Haut Conseil du confucianisme (Matakin).

Selon Din Syamsuddin, les participants de la rencontre ont été d’accord pour dire que les médias devaient promouvoir les valeurs qui unissent les gens de différentes croyances, plutôt que de créer des conflits entre eux. A ce titre, ils ont exprimé leur désaccord quant à la publication des caricatures par le journal danois Jyllands Posten en septembre dernier. Ils ont aussi exprimé leur inquiétude face à l’utilisation qui a été faite par certaines forces de cet incident pour élargir le conflit à un affrontement opposant les musulmans aux chrétiens.

Afin de prévenir la répétition d’un tel incident, le président du Conseil des oulémas a suggéré que les responsables des médias et ceux des religions se réunissent pour identifier “les domaines religieux” et la manière dont les médias devraient les aborder. Selon le P. Benny Susetyo, secrétaire de la Commission épiscopale pour les Affaires interreligieuses et l’ocuménisme, les médias “se doivent de reformuler leurs limites” et les responsables religieux ont un rôle à jouer en ce sens. Pour le responsable du Haut Conseil du confucianisme, il est de la plus haute importance de veiller à “ce que personne ne se sente humilié”. Il a rappelé qu’encore récemment, le confucianisme était très mal considéré par nombres de musulmans en Indonésie et que, cependant, les confucéens n’avaient pas réagi à cet état de fait.

Oka Diputera, du Walubi, a rappelé qu’à une occasion, un temple bouddhiste à Manada, dans la province de Célèbes-Nord, avait été incendié, après qu’il eut été dit qu’un bouddhiste s’était interrogé, lors d’un colloque, sur les raisons pour lesquelles le prophète Mahomet ne pouvait pas être représenté graphiquement. La question avait provoqué la colère de participants musulmans qui avaient incité des coreligionnaires à attaquer le temple. “Les gens se mettent facilement en colère. C’est pourquoi les responsables religieux doivent guider leurs fidèles, afin qu’ils coexistent en menant une vie pacifique a-t-il déclaré.

Selon Azyumardi Azra, recteur de l’Université islamique d’Etat de Djakarta (UIN), la publication des caricatures a mené à des tensions entre chrétiens et musulmans. Il est du devoir des responsables religieux de clarifier les choses et d’expliquer que l’affaire n’a rien à voir avec la religion. Il faut prendre garde, a-t-il souligné, à ne pas, ainsi que certains médias l’ont fait en Europe, faire de cette affaire une affaire entre chrétiens et musulmans. Le fait que des drapeaux danois – qui portent une croix blanche – ont été brûlés dans des pays musulmans a été interprété dans certains pays européens comme une attaque contre un symbole chrétien, a-t-il expliqué. Or, à la base, a-t-il continué, les caricatures participent d’un mouvement athée et anticlérical européen qui a, par le passé, pris pour cible des symboles chrétiens.

Din Syamsuddin a ajouté que la Muhammadiyah projetait de réunir des responsables des médias européens et indonésiens avec des responsables religieux locaux, afin de débattre des normes éthiques et de la sensibilité des milieux religieux. Aucune date n’a encore été fixée pour cette rencontre. Par ailleurs, les appels au boycott des produits danois et à la rupture des relations diplomatiques avec le Danemark n’ont pas reçu un fort soutien, des participants soulignant qu’il fallait prendre garde à ne pas réagir par des mesures défavorables aux intérêts de l’Indonésie.