Eglises d'Asie

Selon les évêques catholiques, la levée de l’état d’urgence ne signifie pas la fin de la crise politique dans laquelle est plongé le pays

Publié le 18/03/2010




Peu après l’annonce à la télévision, le 3 mars au matin, par la présidente Arroyo de la levée de l’état d’urgence, les évêques catholiques ont exprimé leur satisfaction (1). Ils ont ajouté que les problèmes qui avaient mené à cette crise politique n’en étaient pas pour autant résolus. “C’est un développement bienvenu, a ainsi déclaré Mgr Antonio Ledesma, évêque d’Ipil et vice-président de la Conférence épiscopale. Nos libertés fondamentales sont nécessaires pour permettre la manifestation de la vérité.”

Dans sa déclaration télévisée, la présidente a déclaré qu’elle était “heureuse d’annoncer” que “la conspiration” qui l’avait amenée à déclarer l’état d’urgence était “écrasée”. “Il est temps pour le gouvernement de retourner au travail a-t-elle ajouté, appelant ses adversaires politiques et “les opportunistes” à “cesser d’affaiblir l’économie et à porter la honte sur les Philippines par des actions insensées”. Selon son porte-parole, la conspiration évoquée par la présidente réunissait des rebelles communistes, des responsables civils, des militaires mutinés et certains gradés des forces armées, désireux de renverser son gouvernement et de diriger le pays en-dehors du cadre fixé par la Constitution.

Sans même évoquer les circonstances qui ont entouré la tentative – réelle ou non – de coup d’Etat menée par plusieurs officiers de la police et de l’armée, les évêques ont mis en garde contre toute interprétation de la levée de l’état d’urgence comme un retour à la normale. Selon eux, la crise ouverte il y a plusieurs mois par les soupçons de manipulation des résultats des élections présidentielles de 2004 par Gloria Arroyo n’est pas refermée. La légitimité politique de la présidente est toujours aussi fragile font-ils valoir, tandis que les sondages soulignent son impopularité, avec de 18 à 25 % d’opinions favorables.

Pour certains évêques, engagés à un titre ou à un autre sur la scène politique pour dénoncer tel ou tel scandale, les choses sont claires. Mgr Oscar Cruz, archevêque de Lingayen-Dagupan, qui accuse ouvertement l’entourage de la présidente d’avoir bénéficié des largesses financières des barons contrôlant les jeux d’argent clandestins (2), c’est “une certitude” que les gens vont continuer à manifester contre la présidente, alors qu’il lui reste encore quatre années de mandat. “Précisément aujourd’hui, des personnes dans et en-dehors de l’administration se défient [de Gloria Arroyo]. Il en est de même dans les milieux d’affaires a-t-il confié à l’agence Ucanews (3). Selon lui, il est “impensable” que le problème créé par la défiance manifestée envers la présidente “disparaisse en deux jours au seul motif que l’état d’urgence a été levé. Il a également affirmé qu’à son sens, la présente administration n’avait plus qu’un seul objectif, “se protéger contre la manifestation de la vérité”.

Pour Mgr Paciano Aniceto, archevêque de San Fernando, à Pampanga, et à ce titre représentant des évêques du Luzon-Centre au Conseil permanent de la Conférence épiscopale, les évêques, collégialement, observent de près la situation politique du pays. Au sein du Conseil, a-t-il précisé, “les points de vue” diffèrent, mais tous sont d’accord pour ouvrer au bien-être des Philippins. Il a ajouté que, selon ce qui était observé par de nombreux évêques, les gens sont plus préoccupés par leur vie au jour le jour, voire par leur survie au quotidien, que par les luttes politiciennes au plus haut niveau de l’Etat. “Si plus de gens étaient tout simplement plus justes, plus honnêtes et se consacraient à leur travail, et si tous les citoyens étaient vrais dans leur engagement chrétien pour la société, je pense que nous serions à même de promouvoir ce qui fait l’essence d’une bonne société chrétienne, un objectif qui est ce à quoi aspire notre peuple a déclaré le prélat.