Eglises d'Asie

Certains milieux religieux ont exprimé leur solidarité avec les grévistes et ont accusé le gouvernement d’exploiter et de tromper la classe ouvrière

Publié le 18/03/2010




Occupés à la préparation du Xe Congrès du Parti qui s’ouvrira le 18 avril prochain, les médias officiels vietnamiens, depuis quelques jours, ne donnent plus que de rares nouvelles du mouvement de grève qui, au cours des quatre derniers mois, a entraîné des centaines de milliers d’ouvriers vietnamiens travaillant dans des entreprises étrangères et vietnamiennes à cesser leur travail pendant des périodes déterminées (1). Commencé aux derniers jours du mois de novembre 2005, dans les entreprises à investissements étrangers de Hô Chi Minh-Ville et de Binh Duong, le mouvement s’était répandu dans les provinces du sud-ouest, pour toucher ensuite les provinces du centre et enfin celles du nord, où les arrêts de travail les plus suivis ont eu lieu à Hai Phong, dans les établissements de Sao Vang. Jusqu’à présent, les commentateurs étaient restés réservés sur l’interprétation à donner à ces mouvements sociaux, largement justifiés si l’on considère les bas salaires attribués aux ouvriers vietnamiens, mais dont la spontanéité paraît suspecte à quelques-uns en raison de l’approbation tacite dont il semble jouir de la part des autorités gouvernementales et des instances rattachées au Parti communiste, par l’intermédiaire du Front Patriotique.

Quoi qu’il en soit, en dernier ressort, ce mouvement social a suscité des réactions à l’intérieur du pays, en particulier celles de certains milieux religieux déjà engagés dans la contestation du pouvoir, aussi bien du côté catholique que du côté bouddhiste.

Une lettre de soutien aux travailleurs en grève, datée du 24 mars dernier, circule actuellement au Vietnam et a déjà recueilli un certain nombre de signatures (2). On y trouve les noms de dix-sept prêtres catholiques, la plupart de Huê, ceux de personnalités religieuses comme le dirigeant du bouddhisme hoa hao authentique, Lê Quang Liêm, le chef de l’Eglise mennonite, Nguyên Hông Quang, et enfin ceux d’un certain nombre d’intellectuels dissidents du nord et du sud. A ces signatures se sont ajoutées, celles d’un grand nombre d’organisations et de personnalités de la diaspora vietnamienne. La lettre porte essentiellement sur l’insuffisance du salaire des ouvriers, et elle en fait porter tout le poids au gouvernement et au Parti communiste qui, selon la constitution vietnamienne de 1992, est le représentant de la classe ouvrière vietnamienne, mais qui, en réalité, l’exploite outrancièrement. Les salaires fixés une fois pour toute en 1989, lors de l’établissement des premières entreprises à capitaux étrangers n’ont pas bougé depuis, malgré l’inflation et l’augmentation du prix des produits courants de 40 %. La lettre souligne l’allégeance au Parti dont fait preuve l’actuelle fédération des travailleurs et déplore l’absence de véritables syndicats indépendants La lettre se termine par une déclaration de soutien total aux grévistes suivie d’un certain nombre de réclamations demandant, entre autres, la libération des grévistes arrêtés, la refonte totale de la loi du travail et le soutien de la Fédération internationale du travail.

Le mouvement de grèves a reçu une marque de soutien du même type des milieux du bouddhisme unifié. Dans un texte intitulé : “Urgent : sauvons les ouvriers et le monde des travailleurs ! publié le 28 mars dernier (3), la deuxième personnalité de la hiérarchie bouddhiste, le vénérable Thich Quang Dô, après un préambule où il démontre que les ressources moyennes du Vietnamien n’ont cessé de se détériorer par rapport au reste du monde depuis les années cinquante, en appelle à l’opinion nationale aussi bien qu’internationale. Face aux grèves qui s’étendent dans tout le pays, le religieux, au nom de l’Institut de la propagation du Dharma dont il est le recteur, appelle toutes les organisations du travail internationales, les diverses instances mondiales, les gouvernements nationaux qui participent à L’aide financière du Vietnam, à élever la voix pour soutenir les travailleurs vietnamiens exploités.