Eglises d'Asie

Dans les provinces du delta du Mékong, le gouvernement s’oppose à la célébration de la commémoration du décès du fondateur du bouddhisme hoa hao

Publié le 18/03/2010




Chaque année, à cette époque, deux anniversaires rassemblent la communauté bouddhiste hoa hao pour des cérémonies qui sont célébrées, dans cette religion sans lieu de culte, à l’intérieur d’habitations privées. Les fidèles, en effet, commémorent le décès de leur fondateur, Maître Huynh Phu So, assassiné par des émissaires du Vietminh, en 1947, ainsi que celui d’une fidèle qui, en 2001, s’était immolée par le feu pour protester contre la persécution policière (1). Comme tous les ans, les fidèles hoa hao se sont heurtés aux forces de police, qui avaient reçu l’ordre d’interdire ces rassemblements. Les événements particulièrement graves survenus cette année ont été rapportés et diffusés par le Bureau central du bouddhisme hoa hao “authentique” (thuân tuy) (2) et confirmés par le dirigeant de cette Eglise, Lê Quang Liêm, dans une interview accordée par lui à une radio étrangère de langue vietnamienne (3).

Le comité directeur du bouddhisme hoa hao authentique avait prévu d’organiser les cérémonies pour le vendredi 24 mars. Dans les jours qui ont précédé, la police locale faisait connaître un décret qui assignait à résidence sept responsables religieux du bouddhisme hoa hao et interdisait aux fidèles de participer aux cérémonies organisées par “le groupe Lê Quang Liêm sous peine d’être classés dans la catégorie des réactionnaires et des opposants à l’Etat vietnamien. La veille du jour prévu, à savoir le 23 mars, la police pénétrait en terre sainte hoa hao, dans la maison de Truong Van Duc, en l’absence de ce dernier. Les agents y confisquaient des calicots, des étendards religieux, des portraits du fondateur et brisaient la table du culte placée devant l’autel. Par haut-parleur, les policiers intimaient à Truong Van Duc l’ordre de se présenter à la police et défendaient à toute personne de se présenter chez lui. Ailleurs, à Cho Moi, dans la province d’An Giang, les policiers pénétraient dans la maison d’un responsable religieux, où ils frappaient le propriétaire qui essayait de protéger la table du culte. Le jour de la commémoration, en terre sainte hoa hao, des forces de police encerclèrent la maison de Truong Van Duc, fouillèrent la maison d’un autre responsable religieux, dont une parente, effrayée par la violence policière, a perdu connaissance et est morte.

Dans le cadre de la commémoration des deux décès, d’autres cérémonies étaient prévues dans l’agglomération de Cai Vôn, province de Vinh Long. On estimait qu’un millier de personnes viendraient assister à la commémoration dans une maison privée. Cependant, les manouvres d’intimidation de la police, le contrôle des routes que celle-ci avait mis en place ont porté leurs fruits. Seuls environ 150 fidèles avaient pu parvenir au lieu de la célébration. Parmi eux se trouvait le responsable suprême du bouddhisme hoa hao, Lê Quang Liêm, venu de Hô Chi Minh-Ville, accompagné d’une délégation de fidèles.

Dans un entretien avec un reporter de Radio Free Asia, Lê Quang Liêm a confirmé que les autorités locales avaient adopté le même comportement que celui qui avait été rapporté ci-dessus dans toutes les provinces du sud-ouest où existent des communautés du bouddhisme hoa hao. Le responsable religieux a l’intention d’écrire une lettre ouverte au gouvernement, pour protester contre les actions des autorités locales violant aussi ouvertement la liberté de culte.

Le bouddhisme hoa hao a été fondé dans les années 1930 par le bonze Huynh Phu So. Il a rapidement séduit les populations du delta du Mékong par la foi personnelle qu’il suscite chez ses fidèles, la simplicité de son culte, qui n’exige aucun temple particulier. Avant la mise en place du régime communiste en 1975, il a joué un rôle important dans la vie politique du sud du Vietnam. Après avoir fait alliance avec le Vietminh au début de la guerre d’indépendance, les responsables religieux hoa hao s’en séparent avec fracas pour rejoindre le camp français, après l’assassinat du fondateur en avril 1947, assassinat attribué par eux aux forces communistes. Après avril 1975, le bouddhisme hoa hao fut totalement interdit et survécut dans la clandestinité jusqu’en 1999, date où le gouvernement procéda à la reconnaissance de cette religion et plaça à sa tête un Comité choisi par lui. Depuis cette date, le groupe de dirigeants traditionnels, avec Lê Quang Liêm à leur tête, ont obstinément refusé d’accepter ce contrôle du pouvoir et animent ce qu’ils appellent “Phât Giao Hoa hao Thuân Tuy le ‘bouddhisme hoa hao authentique’. Selon le Bureau des Affaires religieuses, le nombre de bouddhistes hoa hao s’approche du million et demi. Il est sans doute plus élevé.