Eglises d'Asie

Célèbes : la mobilisation demeure intense pour obtenir la révision du procès des trois catholiques condamnés à mort pour des violences anti-musulmanes en 2000

Publié le 18/03/2010




Le 4 avril dernier, à Djakarta, le procureur général d’Indonésie, Abdul Rahman Saleh, a déclaré que l’exécution des trois catholiques condamnés à mort par un tribunal de la province de Célèbes-Centre en 2001 (1) aurait sans doute lieu dans le courant du mois. Deux jours plus tard, une information – démentie peu après – a couru selon laquelle la Cour suprême d’Indonésie avait rejeté une demande de réouverture du procès des trois hommes. Ces informations, ajoutées à celle connue le 3 avril selon laquelle de hauts responsables de l’appareil judiciaire s’étaient réunis à Palu, à Célèbes-Centre, pour discuter avec les autorités provinciales des modalités de l’exécution, ont suscité l’indignation des milieux qui sont mobilisés, depuis plusieurs mois, pour obtenir la révision du procès ayant abouti à la condamnation à mort des trois catholiques. En mars dernier, le pape Benoît XVI avait envoyé un message de compassion aux trois hommes (2).

Fabianus Tibo, 60 ans, Marianus Riwu, 54 ans, et Dominggus da Silva, 43 ans, ont été condamnés à mort en avril 2001 par le tribunal de district de Palu, dans la province de Célèbes-Centre. Leur peine a été confirmée la même année par la haute cour de la province, puis par la Cour suprême. Ils ont été déclarés coupables d’assassinats et d’incitations à l’émeute au moment des violences interethniques et confessionnelles qui ont eu lieu en mai 2000 à Poso, dans la province de Célèbes-Centre, et ont fait près de 200 morts, principalement musulmans. Depuis le début de l’année 2006, des avocats se sont mobilisés pour obtenir la révision du procès, estimant que de nouveaux témoignages venaient innocenter les trois condamnés. Selon Stefanus Roy Rening, coordinateur du collectif d’avocats qui s’est saisi de l’affaire, la police connaît les noms des seize personnes qui seraient les véritables responsables des émeutes sanglantes pour lesquels les trois catholiques ont été condamnés, mais “les juges des tribunaux des diverses instances ainsi que ceux de la Cour suprême n’ont pas tenu compte de ces éléments”. Un nouveau recours en grâce a été déposé auprès de la présidence de la République et reste le seul espoir des trois condamnés, à moins que la Cour suprême se prononce pour une révision du procès.

Selon Stefanus Roy Rening, des gens, des chrétiens en majorité mais aussi des musulmans, se sont mobilisés en divers lieux du pays pour manifester leur soutien aux trois condamnés. “C’est le cas à Palu, à Tentena (dans le district de Poso), à Macassar (dans la province de Célèbes-Sud), à Malang (Java-Est), à Maumere (sur l’île de Flores) et à Djakarta. Les gens prient et manifestent a précisé l’avocat.

A Tentena, le P. Jimmy Tumbelaka, curé de la paroisse Sainte-Thèrese de Poso – transférée à Tentena depuis la destruction de l’église paroissiale lors des émeutes intercommunautaires des années 1998-2001 -, dit apprécier le soutien manifesté par l’Eglise chrétienne de Célèbes-Centre aux trois condamnés. Originaires de Flores, les trois catholiques étaient venus s’installer dans la province de Célèbes-Centre, une région où, parmi les chrétiens, les protestants sont majoritaires. Il ajoute toutefois qu’il espère que les Eglises protestantes feront plus que prier pour les trois hommes et qu’elles aideront à ce que les véritables responsables des émeutes pour lesquelles Tibo, Riwu et da Silva ont été condamnés se livrent à la justice. Persuadé de l’innocence des trois hommes, le prêtre se dit certain que leur condamnation a été manigancée par certains groupes. Il ajoute qu’il rend régulièrement visite aux trois condamnés pour leur apporter réconfort et direction spirituelle. Au cas où leur exécution soit effectivement décidée, il déclare que, “pour manifester [son] opposition il refusera de les accompagner, comme le prévoit la loi, jusqu’au peloton d’exécution.

A Djakarta, le Conseil des oulémas d’Indonésie (MUI) et la Nahdlatul Ulama ont appelé à surseoir à l’exécution des trois hommes. Selon Masdar Farid Mas’udi, de la Nahdlatul Ulama, “une décision hâtive ne ferait qu’exacerber les relations interreligieuses à Poso. L’exécution d’une peine capitale est irréversible ; c’est pourquoi elle doit être évitée tant qu’il reste un doute”. Pour le président de la Conférence des évêques catholiques, le cardinal Julius Darmaatmadja, épargner la vie des trois hommes serait un geste d’une valeur “inestimable” pour le renforcement de la coexistence pacifique entre chrétiens et musulmans à Poso. Pour les avocats des trois condamnés, une lueur d’espoir est apparue le 11 avril, lorsque le chef de la police pour la province de Célèbes-Centre a appelé à la suspension des exécutions, ses services souhaitant interroger les seize personnes dont les noms sont apparus en lien avec l’affaire.