Eglises d'Asie

L’exécution éventuelle de trois musulmans, condamnés pour les attentats de Bali, et de trois catholiques, condamnés pour des violences interconfessionnelles à Poso, revêt un caractère sensible

Publié le 18/03/2010




Trois musulmans, trois catholiques, six hommes peut-être bientôt fusillés : l’Indonésie s’apprête à procéder à six exécutions capitales, lesquelles pourraient raviver les tensions inter-confessionnelles dans certaines régions de l’archipel. Les trois musulmans – Amrozi, Imam Samudra et Ali Gufron – sont des islamistes qui ont revendiqué haut et fort leur participation aux attentats sur l’île de Bali qui ont fait plus de 200 morts en octobre 2002. Les trois catholiques – Fabianus Tibo, Marianus Riwu et Dominggus da Silva -, originaires de Flores, mais installés dans la région de Poso, à Célèbes, ont été condamnés à mort pour avoir participé et, dans une certaine mesure, organisé des émeutes anti-musulmanes en mai-juin 2000.

Les trois terroristes islamistes ont affirmé vouloir, par leur acte, venger les musulmans innocents tués en Afghanistan et dans les territoires occupés palestiniens, en s’appuyant sur le ressentiment anti-américain et anti-israélien en Indonésie. Les services du procureur général ont annoncé que les préparatifs de l’exécution avaient commencé, étant donné que les familles des condamnés avaient renoncé à solliciter une grâce présidentielle.

Amrozi, Samudra et Gufron seront sans aucun doute considérés comme des martyrs par une frange de la population indonésienne et leur exécution pourrait provoquer des manifestations localisées. Les trois hommes continuent notamment à bénéficier du soutien des partisans du chef religieux Abou Bakar Bachir, lui-même emprisonné pour son rôle dans les attentats de Bali.

Cependant, selon Ikrar Nusa Bhakti, de l’Institut indonésien des sciences, “s’il y a une forte réaction de groupes islamiques (à ces exécutions), cela ne sera pas représentatif”. Interrogé par , le chercheur précise que, “pour les musulmans ici, si vous tuez, alors vous devez être puni de la peine de mort” (1Concernant la peine de mort, l’opinion publique indonésienne n’est pas abolitionniste et les Indonésiens risquent de ne pas s’émouvoir du sort des islamistes. Les Balinais pourraient même s’en féliciter. Hindous à plus de 90 % et excédés d’avoir été à nouveau frappés par des attentats islamistes en octobre 2005, ils ont à plusieurs reprises exigé l’exécution d’Amrozi et de ses complices, allant jusqu’à tenter de prendre d’assaut leur prison.

S’agissant des trois catholiques, la perspective d’une exécution prochaine semble s’éloigner quelque peu. Perçus comme étant les boucs émissaires d’un système légal imparfait, les trois hommes ont bénéficié d’une mobilisation intense de milieux chrétiens et aussi musulmans en Indonésie (2). De l’étranger, un soutien est venu de la part du pape Benoît XVI, qui leur a adressé un message de compassion en mars dernier. Selon Ikrar Nusa Bhakti, “le cas de Poso est différent (de celui des islamistes de Bali) car la procédure judiciaire n’est pas terminée, de nouveaux éléments sont apparus”. Nombreux sont ceux qui supposent qu’ils ne sont pas les vrais cerveaux dans ces événements, car ils savent à peine écrire, a ajouté Ikrar Nusa Bhakti.

Selon la presse indonésienne, la Cour suprême a donné pour instruction aux services du procureur général de ne pas procéder à l’exécution des trois catholiques. Les juges ont accédé à la demande d’un collectif d’avocats de rouvrir le dossier au vu des nouveaux éléments apparus ces dernières semaines. Trois juges ont été désignés pour cela et devraient rendre leurs conclusions prochainement, même si, pour l’heure, il n’est pas officiellement question d’une réouverture du procès.