Eglises d'Asie

Suppléant l’absence de référence à la question religieuse au cours du Xe Congrès du Parti, les Affaires religieuses présentent un exposé inhabituel sur ce sujet

Publié le 18/03/2010




A lire la version définitive du rapport politique adopté par le Xe congrès du Parti communiste vietnamien (PCV), on a pu penser un moment que les quelque 170 délégués réunis à Hanoi, du 18 au 26 avril avaient gommé la question religieuse de leurs préoccupations, résistant ainsi à des pressions étrangères nombreuses et insistantes en la matière. En effet, le paragraphe, peu original, qui lui était consacré dans le projet de rapport (1), avait disparu purement et simplement de la version définitive, qui n’a utilisé le mot “religion” qu’une seule fois, dans un contexte d’appel à l’union nationale. Cependant, avant même la séance de clôture du Xe Congrès et la proclamation du Bureau politique et du Comité central (2), le 24 mars dans l’après-midi, à Hanoi, le directeur du Bureau des Affaires religieuses, Ngô Yên Thi, tenait une conférence de presse sur le thème de l’exercice de la liberté religieuse au Vietnam. Ce texte, qui n’est pas dépourvu d’intérêt, a reçu une diffusion exceptionnelle, puisque il a paru en même temps en trois langues, vietnamien, anglais et français, et a été diffusé immédiatement par les agences d’information et les médias officiels (3).

Certes, l’objectif de l’exposé n’a guère d’originalité et est destiné, comme à l’accoutumée, à montrer, comme cela est souligné dans l’intitulé, que “le Parti communiste vietnamien (PCV) respecte et garantit la liberté de culte” et que “l’observation par l’Etat vietnamien du respect de la liberté de croyance n’est pas verbale, mais est appliquée à la vie religieuse et à la vie sociale En dehors de cet “auto satisfecit”, la présentation de la situation religieuse et l’exposé des principes sont inhabituels. C’est ainsi que le communiqué de presse commence par la proclamation de l’abandon par le PCV de la théorie marxiste du dépérissement de la religion, un tournant idéologique qui n’est pas nouveau, puisqu’il date de 1990, mais qui semblait oublié ces temps-ci : “Croyance et religion, affirme le responsable du Bureau des Affaires religieuses, sont des besoins spirituels d’une partie du peuple, besoins qui existent et subsisteront avec le peuple, lors du processus d’édification du socialisme.” Un peu plus loin dans l’exposé, cette partie croyante de la population est même évaluée. Selon le responsable gouvernemental des Affaires religieuses, qui ne cite pas les sources sur lesquelles il s’appuie, les croyants constitueraient un quart de la population vietnamienne, soit environ vingt millions de personnes. Le clergé des diverses religions comporterait 60 000 dignitaires (ce qui est un chiffre tout à fait exceptionnel : un clerc pour 330 croyants ou pour 1 300 habitants). Ces ecclésiastiques officieraient dans 22 000 lieux de culte.

Ce dénombrement général des croyants au sein de la population vietnamienne est suivi plus loin par des statistiques plus précises concernant les trois dernières années (2003-2005). Au cours de cette période, affirme l’exposé, ont été nommés ou déplacés plus de 3 621 membres du clergé. Le nombre de jeunes gens en formation dans les écoles religieuses pour devenir membres du clergé s’élèverait à 14 446. Toujours durant cette même période, plus de 1 000 livres canoniques ont été publiés et des millions d’exemplaires d’ouvrages à sujet religieux ont été diffusés. 832 églises et temples ont été construits, 1051 ont été réparés.

L’exposé de Ngô Yên Thi sort également de l’ordinaire pour ce qui concerne le recensement des religions officielles et non officielles. Jusqu’à présent, depuis les années 1990, il était question de six religions reconnues officiellement, le bouddhisme, le bouddhisme hoa hao, le caodaïsme, l’islam, le protestantisme et le catholicisme. L’exposé du 24 avril 2005 parle de seize organisations religieuses reconnues par l’Etat, sans préciser quelles sont les nouvelles religions qui ont ainsi accédé à cette reconnaissance officielle. On apprend de plus que, même sans être reconnues, les religions ne sont pas forcément dans l’illégalité. L’exposé du haut fonctionnaire suggère que la pratique d’un certain nombre de cultes non reconnus est permise par l’Etat. Il cite à ce propos deux associations d’origine bouddhique, la religion bahaï implantée au Vietnam depuis le milieu du XXe siècle et des “sectes” protestantes telles que le “protestantisme missionnaire, l’Eglise adventiste, l’Eglise baptiste”.

L’exposé prend soin de faire le point sur la mise en ouvre des directives publiées en février 2005 par le Premier ministre et concernant plus particulièrement les Eglises domestiques protestantes en activité parmi les ethnies minoritaires des régions montagneuses du Vietnam. Depuis ces directives, 47 Eglises domestiques auraient été reconnues et, dans plus de 70 lieux de culte, les croyants ont pu faire enregistrer leurs activités religieuses. Selon l’exposé, à ce point de vue, la normalisation serait plus avancée sur les Hauts Plateaux du centre que dans les régions montagneuses du nord-ouest, où l’on fait surtout état de projets et de plans en préparation.

Le rapport du 24 avril n’a fait aucune mention précise du catholicisme, qui n’est pas cité une seule fois dans le texte. Il n’y est pas question non plus de l’éventualité du rétablissement de relations diplomatiques entre l’Etat vietnamien et le Saint-Siège.