Eglises d'Asie

Tandis que la crise politique semble se dénouer, les catholiques à Katmandou se disent heureux d' »être finalement dans la joie pascale »

Publié le 18/03/2010




Lorsque, le 24 avril au soir, le roi Gyanendra Shah a finalement cédé, après dix-neuf jours de grève générale, de manifestations quotidiennes et la mort d’au moins quinze manifestants, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées au centre de Katmandou pour écouter les discours de leaders politiques. La foule, qui brandissait des drapeaux de partis, a signifié aux responsables qu’elle les surveillait. L’une des pancartes disait : « Ne répétez pas le passé. Ecoutez les Népalais souverains, pas le meurtrier Gyanendra. » Pour les catholiques de la ville contactés par l’agence Ucanews (1), le dénouement pacifique de la crise a été un réel soulagement. Selon le P. Justin Lepcha, curé de la cathédrale à Katmandou, la messe célébrée le 25 au matin a rassemblé un nombre « conséquent » de fidèles. « Il s’est passé que la messe a été célébrée un peu comme une messe d’action de grâces, pour remercier Dieu de l’issue pacifique des manifestations. Après trois semaines terribles, le Népal est enfin d’humeur pascale a-t-il confié.

Pour Dibya Sharma, un enseignant catholique dont la maison se situe à proximité du périphérique où ont lieu les principales manifestations, « les gens comme moi, qui vivent loin de la paroisse, vont pouvoir à nouveau assister à la messe. Ces jours-ci, je ne pouvais pas vraiment quitter mon domicile et j’ai manqué les services de la Semaine Sainte ».

Le 27 avril, les rebelles maoïstes ont décrété un cessez-le-feu unilatéral de trois mois, après un mouvement de protestation sans précédent qui a forcé le roi du Népal à rétablir le Parlement dissous en 2002, dont la première séance était prévue pour le 28 avril (2). Pendant ce temps, Girija Prasad Koirala, 84 ans, désigné pour être le futur Premier ministre du gouvernement intérimaire par les sept partis politiques à l’origine de la protestation, a dû renoncer à apparaître à un rassemblement public pour raisons de santé. « Il est à la maison, il ne se sent pas bien a dit à son assistant Balkrishna Dahal, précisant cependant que Girija Prasad Koirala serait bien présent le 28 avril au Parlement (3).

Les maoïstes, qui avaient rejeté l’offre du roi Gyanendra de rétablir le Parlement, ont annoncé un cessez-le-feu après que l’opposition eut réitéré son engagement de débattre dès le 28 avril de la convocation d’une Assemblée constituante, demande clé des rebelles. « Notre parti annonce une nouvelle fois un cessez-le-feu unilatéral de trois mois avec effet immédiat a déclaré dans un communiqué leur leader Pushpa Kamal Dahal, alias Prachanda, expliquant que cette décision avait été prise dans le but de « motiver » les leaders des sept partis pour qu’ils convoquent une Assemblée chargée de rédiger une nouvelle Constitution limitant les pouvoirs du roi sur l’armée et la vie politique. Les maoïstes, en lutte contre la monarchie depuis 1996, vont cesser d’attaquer les forces de sécurité, mais ils resteront dans une « position de défense active a-t-il averti.

En novembre dernier, les sept partis et les rebelles avaient conclu une alliance informelle contre le roi prévoyant la convocation d’une Constituante ; de leur côté les rebelles s’engageaient à rejoindre pacifiquement la vie politique. Les rebelles avaient soutenu le mouvement de protestation contre le roi qui a pris les pleins pouvoirs le 1er février 2005. Ils avaient notamment déclaré un cessez-le-feu dans la vallée de Katmandou et, selon des observateurs, aidé à mobiliser les foules. Le 26 avril, Prachanda avait déjà levé un blocus décrété la veille, tout en prévenant qu’il pourrait être imposé à nouveau « si la première session du Parlement n’annonce pas l’élection d’une Assemblée constituante et ne prend pas d’autres décisions positives ».

Les maoïstes ont prévu de tenir leur premier rassemblement depuis trois ans dans le centre de Katmandou, le 28 avril, au moment où le Parlement dissous se réunira pour la première fois en quatre ans, selon la presse locale. « Plusieurs maoïstes m’ont appelé pour m’annoncer qu’ils organiseront un meeting demain a indiqué le 27 avril à Guna Raj Luitel, rédacteur en chef du Kathmandu Post. L’annonce de la trêve est tombée après l’annonce de la mort d’un policier dans l’explosion d’une bombe à un poste de contrôle mercredi à Nuwakot, à 70 km. au nord de la capitale, a indiqué l’agence publique RSS, affirmant qu’il s’agissait d’un acte perpétré par les « terroristes ».

Au Parlement, c’était l’agitation le 27 avril, des ouvriers connectaient les lignes téléphoniques, réparaient les téléphones et nettoyaient le bâtiment à la veille de son ouverture. Environ 200 des 205 députés qui y avaient siégé en 2002 devraient être présents vendredi. Au moins un élu est mort et quatre ont perdu leur siège après avoir quitté leur parti au cours des quatre dernières années, selon le Kathmandu Post. Le président de la Chambre basse, considéré comme un proche du roi, a aussi démissionné.

Selon Rabindra Khanal, professeur à l’Université Tribhuwan, à Katmandou, « les maoïstes revendiquaient des élections générales, sans la présence du roi. Une Assemblée constituante aurait été formée ensuite. Aujourd’hui, les choses ont évolué et il semble que cette Constituante sera formée après que le Parlement réinstallé aura convoqué de nouvelles élections. Cela prendra un certain temps. Il faudra également décider quelle place occupera ou n’occupera pas le roi dans le paysage constitutionnel ». La Constituante devra également décider la place de l’hindouisme. Aujourd’hui, l’hindouisme, partagé par 89 % de la population, est religion d’Etat et les minorités religieuses (6 % de bouddhistes – en majorité lamaïstes -, 3 % de musulmans et quelques milliers de chrétiens) ne souffrent pas de discrimination particulière de la part des autorités. Selon certains analystes, la nouvelle Constitution pourrait revêtir un caractère plus laïc.