Eglises d'Asie

A Java, les rites traditionnels d’action de grâce renforcent l’unité d’une population aux religions diverses

Publié le 18/03/2010




Selon un prêtre catholique, les rites traditionnels d’action de grâce javanais sont un moyen efficace pour consolider l’harmonie au sein d’une population dont les fondements religieux, sociaux et éducatifs sont variés. “Si les gens veulent rester unis et travailler ensemble à une entraide commune, ils devraient commencer par s’appuyer sur leur culture traditionnelle et non sur leur religion a récemment expliqué le P. Josep Suyatno Hadiatmaja.

Le P. Hadiatmaja, qui ne cache pas être un ardent promoteur du dialogue interreligieux, a fait ce commentaire après avoir étudié le rite javanais du “ngrowod célébré en mars dernier à Girikerto, village du district de Sleman, au cour de la province de Yogyakarta, berceau de la culture javanaise (1). Ngrowod est habituellement célébré la dernière semaine de sapar, le deuxième mois du calendrier javanais. C’est un rite d’action de grâce à Dieu pour les abondantes récoltes de l’année écoulée dont le cour est le gunungan, des offrandes présentées sous forme de montagnes de fruits et de légumes. Cette année, les gens de Girikerto ont apporté 13 gunungans, pour les 13 hameaux que comporte leur village, lors d’une procession longue de 20 km. L’agriculture est leur principal moyen de subsistance et, parmi les 5 000 spectateurs ou participants, se côtoyaient des bouddhistes, des catholiques, des hindous, des musulmans et des protestants.

Le P. Hadiatmaja, co-fondateur du “Forum fraternel des croyants” (FPUB, acronyme indonésien) de Yogyakarta, a expliqué que les villageois avaient préparé l’événement par une série de travaux au service de la communauté : balayage des rues, nettoyage des canaux, plantation de 40 000 arbres et repeuplement des ruisseaux par des alvins.

Avant que tout commence, le chef du village et les anciens avaient rencontré les responsables religieux, les femmes et les jeunes pour parler ensemble de cette célébration d’action de grâce. Les discussions portèrent sur des questions pratiques, comme la préservation de l’eau, l’assainissement des rivières, la préservation de la forêt et le reboisement. “Cette volonté de régulation tout en créant des liens au sein de la population villageoise a été la partie la plus intéressante, a souligné le P. Hadiatmaja. Pour préserver l’environnement, par exemple, les gens ne sont pas autorisés à abattre des arbres ni à se servir de filets ou de l’électricité pour pêcher. Ils ne peuvent pêcher qu’en fin de semaine et seulement avec un hameçon et une ligne.” Durant ces discussions, en comparant leur village riche en eau à ceux où elle manque, les gens ont compris combien l’eau était un don de Dieu. “Ils ont finalement réalisé que l’eau était le bien le plus précieux reçu de Dieu a commenté le prêtre.

Plusieurs responsables du FPUB, venus de Yogyagarta, ont participé aux rites du ngrowod. Parmi eux un professeur musulman, Abdul Muhaimin, ainsi qu’un protestant, Timotius Aprianto, et un moine bouddhiste, le vénérable Ditthi Samiparro. Abdul Muhaimin a expliqué aux participants que le ngrowod “résumait la philosophie et l’éthique javanaises précisant que c’était une bonne méthode pour maîtriser les changements liés à la modernité, en aidant la population à mieux apprécier la valeur de l’unité, de la fraternité et de la coopération. Ce professeur musulman a aussi regretté que ces rites aient presque disparu de Java. Il y a deux ans, a-t-il rappelé, le FPUB de Yogyakarta avait encouragé les villageois à continuer et le forum avait “contribué financièrement pour que revive la tradition, gage d’unité”. Mais, en étudiant ce qui avait été fait, il avait découvert que le succès s’était seulement limité à attirer les gens, venus simplement participer à la fête. Tout cela “prend du temps, a-t-il reconnu. C’est pourquoi nous, le FPUB, nous avons à beaucoup travailler pour que les valeurs d’unité et de fraternité enfouissent leurs racines profondément dans tous les aspects de la vie villageoise”. Quant au chef du village, Soeharto, il a confié avoir apprécié les effort du FPUB et les réactions des villageois “enthousiasmés”. “Je suis sûr que cette tradition peut favoriser notre unité et j’espère que nous la maintiendrons a-t-il confié.