Eglises d'Asie

BILAN DE TRENTE ANNEES DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE (1975-2005) – IIe partie : l’industrie et les services

Publié le 18/03/2010




I – Les transformations de l’industrie

A – Le cadre législatif et administratif du changement économique

Parallèlement au changement du mode de gestion des terres, les instances économiques vietnamiennes ont entamé une série de réformes dans l’industrie. Cependant, depuis son ouverture aux pays “capitalistes” (1986) jusqu’à la crise financière asiatique (1997), aucune grande réforme déterminante n’a été mise en ouvre, à l’exception du code des investissements étrangers (voté par l’Assemblée nationale, fin décembre 1986) et de quelques mesures économiques conjoncturelles visant à revitaliser les entreprises publiques, et à donner un nouvel élan aux fabriques et artisanats dits “familiaux 

Promulgué en 1987, ce Code des investissements étrangers reconnaît cinq composantes économiques : les entreprises d’Etat, les coopératives, les joint-ventures, les entreprises à capitaux 100 % étrangers et les entreprises privées. Des zones économiques spéciales (ZES), calquées sur le modèle de Shenzhen, dans le sud de la Chine, sont installées à proximité des grandes villes. L’Etat vietnamien comptait sur la création de ces ZES pour acquérir des devises fortes, nécessaires à ses importations et résoudre le problème de chômage sans cesse grandissant dans les grosses agglomérations, chômage aggravé par l’afflux massif des paysans venant des provinces pauvres et surpeuplées. Les entreprises étrangères implantées dans les ZES sont surtout spécialisées dans les textiles, l’habillement, la chaussure, l’électronique, l’informatique, les chaînes de montage (automobiles, motos, motocycles, postes de télévisions, etc.), qui constituent actuellement les industries-clés du Vietnam.

B – Les transformations des divers secteurs industriels

1 – Les textiles et l’habillement

Ce secteur industriel avait assumé un rôle de sous-traitance pour le compte des firmes du bloc soviétique “dans le cadre de la division du travail du socialisme Les pays socialistes lui ont fourni matières premières et modèles. L’ouverture du Vietnam aux pays non socialistes lui a donné l’occasion d’élargir ce système de sous-traitance vers les pays à économie libérale : ASEAN et autres pays voisins (Japon, Taiwan, Hongkong, Corée du Sud), puis à des régions plus lointaines : Union européenne, etc.

C’est grâce à ces nouveaux grands marchés que le Vietnam a réussi à éviter la crise et a pu sauvegarder les emplois de ces industries-clés, malgré l’effondrement du bloc communiste de l’Europe de l’est et de l’URSS (en 1989-1991), entraînant la perte de ces débouchés traditionnels. Cependant, après une brève période de prospérité relative de 1986 à 1993, les secteurs du textile et de l’habillement ont été exposés à une crise aggravée, par la concurrence étrangère dans ce secteur (en particulier la Chine). En outre, les firmes étrangères à économie libérale ont fait baisser constamment le prix de sous-traitance, ce qui a provoqué la faillite de bon nombre d’entreprises publiques et de fabriques “familiales” (celles-ci en sous-traitance pour le compte des entreprises d’Etat).

La crise financière a été accompagnée par la forte dévalua-tion des monnaies asiatiques (de 40 à plus de 50 % en 1997, selon les Etats), qui a rendu encore plus vulnérable les secteurs de l’habillement et du textile du Vietnam. La chute en série de diverses monnaies asiatiques a inexorablement entraîné celle du dông vietnamien. L’écart entre le taux officiel et celui du marché noir n’a cessé de se creuser, obligeant Hanoi à dévaluer sa monnaie de 22 % en un an (1997-1998) (9). Cependant, ce “réajustement” du dông a été aussitôt qualifié d’“insuffisant” par les banquiers occidentaux, “aussi bien pour la compétitivité que pour les investissements étrangers Malgré une légère hausse dans les années 1996-2001, les salaires des ouvriers vietnamiens sont restés les plus bas de la région et équivalents à 20% seulement de ceux des pays voisins, tels que la Thaïlande, la Malaisie ou Singapour. Pourtant, le coût de production des produits textiles et de l’habillement du Vietnam a été de 10 à 15 % plus élevé que celui des pays membres de l’ASEAN, et de 20 % que celui de la Chine.

Plusieurs causes expliquent le coût élevé de la production textile vietnamienne. Le rendement des ouvriers vietnamiens (10), ne correspondrait qu’à 50 à 70 % de celui des autres pays de la région. A ce faible rendement s’ajoute la vétusté des équipements des industries textiles et de l’habillement. (11). En outre, faute d’industries fournissant sur place des matières premières, des pièces détachées et accessoires, le Vietnam a dû jusqu’à présent les importer (de 80 à 90% pour les textiles et l’habillement), par l’intermédiaire des entreprises d’Etat d’import-export. Celles-ci imposent aux fabricants des prix élevés. D’autres causes viennent contribuer à cette hausse des prix de la production, comme la corruption ambiante, occasion d’innombrables dépenses à tous les niveaux (12) ou encore la dépendance des produits vietnamiens sur les marchés internationaux. Ayant du mal à pénétrer directement dans les grands marchés internationaux à savoir Londres, Rotterdam ou Hambourg par exemple, les produits vietnamiens dépendent en majorité des entreprises étrangères spécialisées dans l’import-export (13). De ce fait, Hanoi leur doit payer des frais de commissions (14).

Toutefois, grâce à la diversification des débouchés et à la délocalisation des entreprises pour réduire le coût de production, l’économie vietnamienne a réussi à sauvegarder ses industries textiles et de l’habillement, menacées par la récession économique qui a duré de 1997 à 2002. Face à leurs difficultés économiques, le Japon et l’Union européenne ont décidé de réduire leurs importations de produits textiles et de l’habillement vietnamien à 25 %. L’ASEAN a fait de même pendant cette période de vache maigre. “L’exportation du Vietnam” vers ce débouché traditionnel lui a rapporté chaque année “25 % du total de ses devises étrangères, ce pourcentage ayant actuellement été ramené à 17 % a déclaré le ministre du commerce (15). Autrement dit, le Vietnam a petit à petit perdu sa part de marché asiatique, en raison de sa faiblesse de compétitivité industrielle. La Chine, proche du Japon, en a profité pour s’emparer de ce grand marché, grâce à ses produits bon marché et de qualité. Le marché international destiné aux exportations de produits textiles et de l’habillement du Vietnam s’est donc rétréci progressivement.

Il reste toutefois encore l’immense débouché américain, le seul et l’unique, qui, jusqu’à présent, lui a permis de préserver les activités de ce secteur industriel fragile. Les Etats-Unis lui ont accordé un quota d’un montant de 1,7 milliard de dollars pour 2004 (soit 40 % des valeurs de production textiles et de l’habillement du Vietnam), et le total de ses exportations (16) aurait probablement atteint 4,3 milliards, chiffre officiel (17). Outre le quota de 1,7 milliard de dollars accordés aux entreprises textiles et de l’habillement du Vietnam pour 2004, une augmentation annuelle de 10 % sur ce montant a été fixée d’avance par les Etats-Unis pour les deux années à venir. Les débouchés textiles et de l’habillement ont été ainsi assurés (au moins pour deux ans 2005-2006), avant l’entrée du Vietnam dans l’OMC prévue pour 2006. Malgré cela, ce secteur industriel reste constamment menacé, face à la concurrence redoutable de la Chine, de l’Inde, du Pakistan et du Bengladesh sur le marché américain. Dotés de machines-outils modernes et d’ouvriers hautement qualifiés et bon marché, certains pays (comme la Chine par exemple), déjà membre de l’OMC, bénéficient de l’abolition de quotas et de la suppression de barrière douanière, leurs produits exportés dans ce grand marché sont nettement avantageux, beaucoup moins chers que ceux du Vietnam.

Pourtant, la reprise de ses industries textiles et de l’habillement a été confirmée (après une période de déclin de 1997 jusqu’à la mi-année 2003), grâce à l’aide financière de Hanoi en faveur des entreprises publiques en déficit ou en difficulté (report, effacement ou rééchelonnement de dettes à l’échéance, facilité de crédits à taux préférentiel, réduction ou suppression pure et simple de la taxation sur les produits exportés ou sur les matières premières, les pièces détachées et accessoires importées, destinées à ces industries-clés), etc. Cependant, celles-ci demeurent toujours fragiles, handicapées par la vétusté des machines-outils et le rendement faible des ouvriers. Bien plus, le prix des tissus, fabriqués par les entreprises d’Etat et utilisés comme matières premières, est supérieur de 15 à 20 % par rapport à ces mêmes produits importés de Chine ou d’Indonésie. D’ailleurs, les entreprises locales ne peuvent fournir que 10 % de leur besoin (18). La survie et l’avenir de ce secteur industriel dépendent essentiellement du marché de l’UE (38 % des valeurs de sa production) et des Etats-Unis (47 %).

2 – La chaussure

Dans la liste des exportations, les produits de l’industrie de la chaussure occupent le troisième rang après les textiles et l’habillement. Elle rapporte, chaque année, 2,4 milliards de dollars. La presque totalité des matières premières est importée, et les établissements vietnamiens travaillent en sous-traitance pour le compte des firmes étrangères, essentiellement des pays “capitalistes” (ASEAN, Taiwan, Corée du Sud, Japon, UE, Amérique du Nord, etc.). Sous la pression de l’UE et des Etats-Unis devenus premier partenaire commercial du Vietnam depuis 2003, le prix de la sous-traitance (19) a baissé de 7 à 8 % (par rapport aux deux années précédentes : 2001-2003), ce qui lui a permis d’exporter 600 millions de dollars par an vers ces deux grands marchés (dont 450 millions vers l’UE, et 150 millions vers les Etats-Unis).

3 – L’informatique et l’électronique en sous-traitance

Dans ce secteur, il s’agit surtout de joint-ventures et d’entreprises à capitaux 100 % étrangers, Comme les deux industries-clés de sous-traitance précédentes, elles dépendent totalement des matières premières, des pièces détachées et accessoires importées. En raison du coût de production élevé, elles ont beaucoup de difficultés à exporter leurs produits finis sur les marchés asiatiques, de l’UE et des Etats-Unis. Pour remédier à ce handicap, le Japon, le plus gros investisseur étranger dans ce secteur industriel, a proposé à Hanoi de créer des industries de transformation utilisant des produits locaux pour fabriquer des matières premières, des pièces détachées et accessoires. Cette politique lui permettra de réduire le coût de production et de rendre compétitives les industries électroniques et informatiques vietnamiennes vis-à-vis des autres pays voisins. Des crédits à taux préférentiel ont été promis par les banques japonaises et des projets d’implantation de ces industries spécialisées dans la ZES ont été étudiés en 2003-2004, mais jusqu’à présent, aucune entreprise de ce genre n’a encore vu le jour ! Pourtant, 95 % des devises étrangères (20) rapportées chaque année grâce à l’exportation de produits électroniques, proviennent des joint-ventures et des entreprises à capitaux totalement étrangers. L’Etat vietnamien classe l’électronique dans le “secteur d’industries privilégiées auxquelles des faveurs sont accordées pour les aider à se développer dans de bonnes conditions (exonération de taxes d’importation de matières premières, de machines-outils, facilité de crédits, etc.) Cependant, d’après un haut responsable japonais (21), Hanoi n’a apporté aucune aide aux entreprises électroniques de sa société et n’a pas créé de conditions favorables pour leur compétitivité sur le marché de l’ASEAN. Bien plus, le coût des services (eau, électricité, télécommunications, transports, etc.) est excessivement élevé par rapport aux Etats voisins. Toujours selon lui, d’autres dépenses onéreuses découragent les investisseurs étrangers. “Des pots de vin” sont inévitables pour corrompre des cadres “pour leurs services rendus à ses entreprises” (formalités administratives à remplir pour une demande de création d’entreprise, déclarations à la douane sur les matières premières importées, par exemple). Tout ceci retentit sur le prix de revient. Déçus, beaucoup d’entrepreneurs étrangers (en particulier Sony) ont menacé de délocaliser leurs usines dans les autres pays de l’ASEAN.

4 – Les industries lourdes

Le poids des produits de certaines industries publiques dans l’exportation est resté encore peu important, mais celles-ci font l’objet d’une attention particulière de l’Etat.

– Les industries minières (charbon, minerais de fer, etc.) du nord du Vietnam, exploitées depuis l’époque de la colonisation, continuent de fournir des combustibles destinés aux centrales thermiques et à l’usage domestique (avec un excédent de production de 5 millions de tonnes d’anthracite pour l’exportation).

– D’autres industries lourdes, héritées également du passé colonial (métallurgies, aciéries, cimenteries, etc.) fonctionnent tant bien que mal. Toutes ces industries, à cause de leur équipement dépassé, n’obtiennent que des rendements faibles. Compte tenu du coût de production élevé et du manque de qualité, leurs produits ne sont plus compétitifs sur les marchés (intérieur et extérieur). Elles souffrent d’un déficit constant et ne peuvent survivre que grâce aux subventions financières de l’Etat. Malgré cela, Hanoi est déterminé à les protéger coûte que coûte, ces industries lourdes constituant les industries de base des pays communistes. Malgré leur vétusté, l’Etat vietnamien les classe dans “le secteur d’industries privilégiées 

5 – Le pétrole

C’est le secteur industriel le plus rentable (22), avec 20 millions de tonnes exportés en 2004, rapportant 5,7 milliards de dollars (le double des bénéfices de l’année précédente, grâce à la flambée des prix). Il a joué un rôle important pour réduire le déficit de la balance commerciale.

B – Le secteur touristique

Dans les années qui ont suivi 1975, en raison de la politique de “repli sur soi les touristes étrangers en visite au Viet-nam ont été si peu nombreux qu’aucune donnée statistique officielle n’a été rendue publique. Ce n’est qu’à partir de 1990 que leur nombre a commencé à progresser rapidement et que l’Office général des statistiques a publié le bilan annuel du tourisme. De sources officielles, le nombre de touristes étrangers entrés au Vietnam de 1990 à 2004 a évolué comme suit (23) : 0,19 million en 1990 ; 1,00 million en 1994 ; 1,90 million en 2000 ; 2,30 millions en 2001 ; 2,20 millions en 2002 et 2003 ; 2,90 millions en 2004.

Ces statistiques officielles nous suggèrent les observations suivantes : les touristes étrangers en visite au Vietnam ont été en augmentation régulière et rapide jusqu’à l’an 2000. Leur nombre a été multiplié par dix en dix ans, passant de 190 000 visiteurs en 1990 à 1 900 000 en l’an 2000. La barre d’un million a été franchie en 1994. Cependant, depuis l’an 2000, ce dynamisme a été soudainement enrayé. Leur nombre a marqué le pas, tournant autour de 2,2 millions dans les années 2002-2003.

Ce phénomène s’explique par la conjonction de plusieurs événements, à savoir la crise financière, suivie par la récession économique en Asie (1997), et surtout par l’attentat en Indonésie (en 2002) et les épidémies de la grippe aviaire (et le SRAS), touchant plusieurs pays de la région (Hongkong, Chine, Vietnam, Thaïlande, Singapour, etc.). Paniqués, les touristes occidentaux (UE, Amérique du Nord, Australie, etc.) et asiatiques (Japon, Corée du Sud, Taiwan, etc.) ont massivement annulé ou retardé leur voyage au Vietnam en 2002-2003.

D’autres activités, liées à l’économie touristique (transports aériens, agences de voyage, hôtellerie, restauration, night-clubs, etc.) en ont beaucoup souffert. D’après le Département du Tourisme, le nombre de touristes étrangers en visite à Hô Chi Minh-Ville (en moyenne 1,2 million par an) par exemple, a diminué de près de 20 % en 2003 (par rapport à l’année précédente). De même, beaucoup d’agences de voyage du secteur privé ont annoncé la baisse de leur chiffre d’affaires de 80 %, et bon nombre de guides touristiques ont été au chômage technique, faute de touristes étrangers. Les autres pays de la région ont subi le même sort (Thaïlande, Singapour, Malaisie, Indonésie, Chine, etc.).

Pourtant, les autorités vietnamiennes ont fait savoir que les effectifs de touristes étrangers en 2002 et 2003 “sont restés quasiment stationnaires” (sic), oscillant autour de 2,2 millions de visiteurs, en légère baisse (100 000 personnes) par rapport à l’année 2001 (2,3 millions), alors que selon les estimations (prévues par les experts en matière de tourisme international), “le Vietnam aurait perdu un million de touristes étrangers” (24). Le tourisme a rapporté 20 000 milliards de dôngs en 2003, soit 1,25 milliard de dollars, ce qui a été modeste par rapport aux autres pays voisins (25) comme la Chine (43 à 45 millions de touristes étrangers par an), l’Indonésie (5,5 à 6 millions), la Malaisie (13 millions rapportant près de 7 millions de dollars américains en 2002), Singapour (plus de 7 millions de visiteurs) ou la Thaïlande (plus de 8 millions rapportant l’équivalent de 6 % du PIB). Cependant, une “reprise” de l’économie touristique s’est dessinée en 2004, avec 2,9 millions de touristes étrangers, au moment où les autres pays asiatiques ont traversé la crise. Déjà en 2003, certains contingents de touristes avaient considérablement progressé. Le nombre de touristes japonais en visite au Vietnam (26) avait plus que quadruplé, passant de 65 000 en 1997 à 300 000 en 2003. De même, celui des Viêt kiêu (27) avait presque doublé pour la même période (autour de 200 000 en 1997 et près de 400 000 à cette époque).

Les progrès de l’économie touristique ont été le fruit d’une série de réformes entamées depuis 1995. Les démarches pour le visa d’entrée sont aujourd’hui assouplies et simplifiées. D’autres réformes récentes facilitent l’entrée et le séjour des touristes (28). Le visa d’entrée est supprimé pour les Japonais, les Sud-Coréens, les Singapouriens, etc. (29). Par ailleurs, les activités économiques liées au tourisme (hôtellerie, restauration, agence de voyage, transports, etc.) ont été libéralisées. Les agences de voyage privées offrent des prix défiant toute concurrence. Quoique récents, ces secteurs privés se développent rapidement, créent beaucoup d’emplois, et attirent bon nombre de touristes étrangers et de Viêt kiêu.

Malgré ses progrès encourageants, le tourisme du Vietnam n’a pas été encore exploité à sa juste valeur. Pourtant, il est doté de sites naturels variés, ainsi que d’un patrimoine historique et culturel intéressant, susceptible d’attirer les touristes étrangers, mais ils n’ont pas encore été aménagés ou réaménagés. La pittoresque baie d’Along, surnommée “la septième merveille du monde est sous exploitée. Les bel-les plages des provinces côtières du Centre sont encore peu connues. Une étude effectuée par l’organisation mondiale du tourisme (30) a révélé que, sur dix sites touristiques reconnus célèbres en Asie du Sud-Est, deux appartiennent au Vietnam. D’autres points faibles sont également à signaler comme l’état des infrastructures, le manque de professionnalisme des guides touristiques, etc., (31).

II – Caractéristiques de la gestion de l’économie industrielle

1 – Poids et faiblesses du secteur industriel étatique

En définitive, le trait le plus marquant de l’industrie vietnamienne est la prédominance des entreprises d’Etat, composées essentiellement d’industries de sous-traitance (textiles, habillement, chaussure) et de certaines industries de base (métallurgies, aciéries, industries minières). Ces industries emploient à elles seules 1,9 million d’ouvriers, chiffre officiel (dont 500 000 dans le textile et l’habillement). Presque autant de salariés (1,8 million) travaillent dans les fabriques et artisanats de type familial. Ces deux effectifs représentent au total 9,5 % de la population active (sur environ 42 millions d’actifs pour une population globale de 84 millions d’habitants).

Les entreprises publiques créent certes beaucoup d’emplois. Cependant, en raison de leur rendement faible et de leurs coûts de production élevés, la plupart de ces industries ne sont pas compétitives, face à la concurrence étrangère sur les marchés (intérieur et extérieur). Ne pouvant survivre que grâce aux subventions financières de l’Etat, elles n’ont en rien contribué au développement et à la modernisation de l’industrie nationale, tant souhaitée par Hanoi. Quoique comblées de faveurs (subventions financières de l’Etat, prêts bancaires à taux préférentiel, report d’impôts, dettes effacées ou reportées, etc.), plus de 60 % des entreprises publiques sont constamment en déficit. Selon le directeur général des impôts, “86 % des entreprises surendettées, à Hô Chi Minh-Ville, sont des entreprises d’Etat” (32). De sources officielles, sur quelque 12 000 grosses entreprises publiques, 40 % ont cessé de fonctionner, et sur 5 760 encore en activité (33) 61 % sont toujours en difficultés et ont besoin des subventions de l’Etat, ainsi que 10 000 petites et moyennes entreprises locales gérées par les autorités régionales. Les statistiques officielles sont éloquentes : les industries d’Etat “détiennent 61 % des capitaux, mais elles ne produisent que 30 % du PIB”. L’ensemble des dettes contractées par l’Etat a atteint un niveau record estimé à 190 000 milliards de dông (13,1 milliards de dollars US, soit 33 % du PIB), mais selon le FMI, il a été beaucoup plus élevé (21,3 milliards de dollars ou 63 % du PIB).

Malgré les recommandations expresses des organismes financiers internationaux préconisant la restructuration et la fusion des entreprises, la cotation en bourse et la privatisation des entreprises publiques, les dirigeants n’en ont pas tenu compte et ont privilégié le développement de certaines industries lourdes déjà vétustes et les industries de sous-traitance citées ci-dessus, pour la relance de l’économie nationale. Ce n’est qu’à partir de 1996, c’est-à-dire dix ans après le “renouveau” économique, que les plus hautes instances du Parti et de l’Etat pris conscience de leurs erreurs. Dans le rapport politique pour le VIIIe Congrès (1996) au chapitre “erreurs et faiblesses le Parti fait son autocritique soulignant “le manque de base industrielle, la faible production, les pauvres performances Dans le bilan socio-économique présenté devant l’Assemblée nationale (en novembre 1997), le Premier ministre a reconnu “des faiblesses accumulées et des difficultés imprévisibles” (provoquées par la crise financière asiatique), d’où la nécessité, selon lui, de réformer d’urgence l’industrie et le commerce pour remettre de l’ordre et élever l’efficacité et la compétitivité des entreprises publiques.

2 – Les mesures économiques ayant relancé l’économie vietnamienne

a – Une nouvelle politique des investissements étrangers

Ainsi, parallèlement aux réformes agricoles, le gouvernement vietnamien a promulgué en février 1998, une série d’amendements et de décrets d’application au code des investissements étrangers, et de lois sur l’encouragement aux investissements locaux : le décret N°10/NDCP concernant des mesures économiques en faveur des investisseurs étrangers (Viêt kiêu compris), et le décret N°7/NDCP (destiné aux investisseurs locaux et aussi aux Vietnamiens de l’étranger), ont eu pour objectif d’encourager la création d’industries prioritaires (raffineries de pétrole, industries pétrochimiques, industries légères de transformation produisant des biens de consommation courante, industries agro-alimentaires utilisant sur place des produits agricoles comme matières premières). Jusqu’alors, 70 % des devises étrangères provenaient des exportations de produits à l’état brut, et 30 %, de produits finis. La création des industries légères de transformation pourrait donc diversifier et augmenter les opportunités d’emplois dans le pays, élargir les marchés d’exportation et aider efficacement les paysans à écouler leurs produits agricoles.

D’autres mesures économiques incitatrices ont été prises. Elles accordaient aux investisseurs (étrangers et locaux) une exonération d’impôts sur les bénéfices, de taxes sur les matières premières et les machines-outils importées, exonération de frais d’utilisation des terrains, etc. D’autres dispositions ont également encouragé les entrepreneurs à moderniser et développer leurs entreprises.

b – La libéralisation du commerce

Dorénavant, les Vietnamiens du pays, les Viêt kiêu, ainsi que les investisseurs étrangers, sont autorisés à créer, entre autres, des établissements d’import-export, alors qu’auparavant, ce domaine “sacré” était strictement réservé aux entreprises étatiques.

Une bourse des valeurs dont la création avait été reportée d’année en année, a enfin vu le jour, en juillet 2000, pour faciliter la mise en ouvre du programme de privatisation des entreprises publiques, préconisé par les organismes financiers internationaux. Selon la consigne de l’Etat, les entreprises publiques en déficit constant ont dû être vendues et cotées en bourse.

Ces nouvelles mesures économiques vont dans le sens des recommandations du FMI, de la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement. D’ailleurs, l’expérience a démontré, qu’avec l’aide de l’ONU et de ces mêmes organismes financiers internationaux, certains pays de la région étaient sortis de leur sous-développement après la deuxième guerre mondiale, et sont aujourd’hui devenus des “dragons asiatiques C’est le cas de Singapour, de Taiwan, de la Corée du Sud et de Hongkong. D’autres pays tels que la Malaisie, l’Indonésie, les Philippines ont suivi le même exemple, et devraient l’être dans un avenir proche. Mis au pied du mur et sous l’impulsion de ces institutions financières internationales, Hanoi s’est vu obligé, bon gré mal gré, d’adopter la même politique pour pouvoir continuer de bénéficier de leurs aides financières substantielles (en moyenne de 2,2 à 2,4 milliards de dollars par an) et éviter une catastrophe économique.

3 – Les obstacles à l’application des nouvelles réformes

Les nouvelles réformes ont été mises en ouvre avec une grande lenteur. Après la promulgation des deux décrets N° 7 et N° 10, l’Etat vietnamien a mis longtemps à accorder l’autorisation de création des établissements d’import-export étrangers ou locaux. Ce n’est qu’à partir de juillet 1999 que quatre petites entreprises privées seulement, spécialisées dans l’exportation du riz, ont été autorisées à fonctionner en concurrence avec trente-trois grosses entreprises publiques (35). Mais, faute de capitaux, elles ont eu du mal à être compétitives face aux entreprises étatiques. Aucune d’entre elles n’a pu bénéficier des crédits à court ou à moyen terme, malgré les promesses de l’Etat de faciliter leur accès aux prêts bancaires. Bien plus, elles ont rencontré d’autres obstacles infranchissables à savoir la lenteur et la bureaucratie administratives, et surtout la corruption.

Par ailleurs, la restructuration, la privatisation et la cotation en bourse des entreprises publiques ont progressé lentement, alors que les activités boursières se confinaient à Hô Chi Minh-Ville (36). Pendant quatre ans (1998-2001), 772 entreprises publiques (sur un total de 5 760) ont été mises en vente et transformées en joint-ventures. Leur privatisation et leur cotation en bourse n’ont pas eu de succès. Selon le directeur de l’institut de l’économie, à Hô Chi Minh-Ville, “les plus grandes difficultés du processus d’actionnariat actuel ne réside pas dans la cotation de la valeur des entreprises en bourse, mais dans la vente des actions”.

On a noté parfois un certain manque de confiance des investisseurs (étrangers et locaux) envers l’Etat vietnamien. Les deux décrets d’application N° 7 et N° 10 au Code des investissements étrangers marquaient un net changement de stratégie de développement industriel de base du Vietnam (37). Afin de poursuivre la voie déjà tracée par “les quatre dragons asiatiques l’Etat vietnamien a décidé de s’appuyer désormais sur certaines industries lourdes (raffineries de pétrole, industries pétrochimiques) associées aux industries légères de transformation (industries agro-alimentaires, autres industries fabriquant des biens de consommation courante). Cependant, la création de ces industries de base et de haute technologie exigeait de lourds investissements. L’Etat appela alors les capitaux étrangers pour créer des entreprises à capitaux étrangers, ou bien pour s’allier aux entreprises publiques ou privées dans le pays en constituant des joint-ventures (deux des trois formes d’investissements prévues par le Code des investissements étrangers). Jusqu’à présent, les investisseurs étrangers se sont montrés réservés en raison du manque de clarté du Code des investissements étrangers, malgré plusieurs amendements. Les lois et les décrets d’application sont encore insuffisants, ainsi que les réglementations.

4 – La résistance de l’ancienne idéologie économique

Par ailleurs, en adoptant l’économie de marché, L’Etat continue de préserver la vieille méthode de gestion socialiste. L’accent est mis sur “la prédominance et le rôle dirigeant des entreprises publiques dans l’économie nationale Dans les joint-ventures, l’Etat détient toujours la majorité des actions (51 % des capitaux), celles des autres actionnaires en particulier des investisseurs étrangers ne dépassant pas 30 %. Etant majoritaire des actions, il continue de contrôler les joint-ventures par l’intermédiaire de l’équipe de direction (directeur, comité de gestion, gérant, etc.). En principe, désormais, le directeur d’un joint-venture est désormais doté d’un pouvoir élargi ; pouvant choisir les chefs de service, de bureau, etc. Pourtant, “la réalité est bien différente” (38). Le principe “plutôt rouge qu’expert” demeure toujours un critère incontournable. Le Premier ministre nomme le PDG, le directeur et les membres du comité de gestion. Les autres postes (chefs de service, de bureau, gérant) sont choisis par le directeur, après consultation et approbation du premier secrétaire du PCV et de certains cadres clés dans l’entreprise. “Les mains du directeur sont ligotées” (sic), a affirmé un haut responsable du ministère du Plan et de l’Investissement.

Malgré leur réorganisation, leur restructuration et leur fusion, les grosses entreprises publiques, ramenées de 12 000 à moins de la moitié en 2001, manquent encore d’efficacité. Selon le ministère de l’Industrie, on pourrait encore supprimer 450 000 travailleurs (sur un total de 1,9 million d’employés). Les joint-ventures ont aussi du mal à fonctionner, la plupart n’étant pas rentables. Toutes ont besoin des subventions financières de l’Etat, ce qui leur a permis de survivre sans se développer (39). Leur cotation en bourse n’a pas eu de succès.

En dehors de l’exploration et de l’exploitation du pétrole et du gaz naturel, qui intéressent les Occidentaux, seules les industries de sous-traitance, les chaînes de montage et surtout les secteurs de service (import-export, finances, assurances, tourisme, transports et communications, etc.) attirent les capitaux étrangers en particulier asiatiques, les sommes investies étant rapidement rentabilisées et présentant peu de risques. Ce type d’investissement est très recherché par les spéculateurs chinois ; qui sont train de jouer le rôle clé dans l’économie vietnamienne. Ils sont davantage des spéculateurs que de vrais hommes d’affaires. Ils s’intéressent surtout à “la coopération d’affaires” (la troisième forme d’investissement fixée par le Code des investissements étrangers).

Quant aux joint-ventures et aux entreprises à capitaux totalement étrangers, de grands projets pour le développement des industries privilégiées tant souhaitées par l’Etat vietnamien ont été envisagés, des protocoles d’accord ont été signés, mais très peu ont eu un commencement de réalisation. La lenteur administrative, la bureaucratie tatillonne, la corruption, le double langage des dirigeants vietnamiens ont découragé les investisseurs étrangers et ne leur ont pas inspiré la confiance.

Depuis la crise asiatique en 1997, l’appel de Hanoi aux investisseurs étrangers pour la création de nouvelles entreprises au Vietnam n’a guère eu d’échos. Les projets d’investissements agréés ont subi une chute spectaculaire, passant de 8,6 milliards de dollars en 1996 (année d’investissements la plus importante depuis la promulgation du Code des investissements étrangers en 1988) à moins de 1,5 milliard par an seulement (40) dans les années 1997-2005). D’ailleurs les projets ont été en majorité de petite taille, inférieurs à 3,5 millions de dollars par projet (41), et ceux supérieurs à 15 millions ont été bien rares, témoignant du manque de confiance des investisseurs étrangers envers l’Etat vietnamien. Le Vietnam a donc cessé d’être un pays de prédilection pour les investisseurs étrangers.

5 – L’apport de la diaspora à l’économie vietnamienne

Les responsables vietnamiens sont allés frapper à d’autres portes jusque là négligées. Celles des “capitalistes nationaux” et surtout de la diaspora vietnamienne. On évalue à trois millions les Vietnamiens éparpillés dans le monde (42). Considérés naguère comme “des traîtres à la patrie les exilés ont été autorisés, depuis 1987, à retourner dans le pays pour voir leurs proches. Sur 2,9 millions de touristes étrangers en visite au Vietnam en 2004, près de 20 % ont été des Viêt kiêu (Vietnamiens de l’étranger). Leur retour au pays a rapporté 1,2 milliard de dollars (43) auxquels on peut ajouter 2,6 milliards, envoyés par eux sous forme de mandats pour aider leurs proches dans le pays, soit au total 3,8 milliards de dollars. En réalité, ce montant pourrait atteindre 4 milliards (voire davantage), si l’on prenait en compte les échanges non officiels. Cet apport important en devises a permis à l’Etat vietnamien de combler le déficit de la balance commerciale.

Outre leur apport substantiel en devises, les Vietnamiens exilés possèdent de plus en plus un niveau élevé d’instruction. 0n évalue à 350 000 ou 400 000 le nombre des titulaires de diplômes universitaires et post-universitaires aujourd’hui. Bon nombre d’entre eux assument des fonctions importantes, techniciens ou cadres supérieurs dans les pays où ils s’installent. Les autorités vietnamiennes ont subitement changé de politique vis-à-vis de ces élites et des hommes d’affaires vietnamiens exilés. D’abord, regardés comme “des traîtres à la patrie ils sont considérés désormais comme «partie intégrante, de la grande unité nationaleLa résolution N° 36, prise par le Bureau politique (en mars 2004) leur accorde des “faveurs” et des “privilèges” semblables à ceux de leurs compatriotes dans le pays. Cependant, cette politique n’a pas réussi jusqu’ici à les persuader pleinement.

Le montant total de leurs investissements de 2001 à 2004 a été modeste (90 millions de dollars environ). Les raisons de cette paresse à investir sont multiples. Le Vietnam est un pays d’investissement à hauts risques. Le double langage de l’Etat vietnamien ne leur inspire pas confiance. Les textes de loi sur les investissements sont flous, ambigus, se superposent et se contredisent. La corruption, fléau national, la lenteur administrative et la bureaucratie tatillonne les ont découragés. Par ailleurs, ils craignent une volte-face éventuelle des autorités, comme ce fut le cas pour deux investisseurs vietnamiens de l’étranger, Trinh Vinh Binh et Nguyên Gia Thiêu, par exemple (44), une affaire qui a fait couler beaucoup d’encre, tant au Vietnam qu’à l’étranger : le premier, de nationalité hollandaise, directeur d’une entreprise privée, a été condamné à treize ans de prison ferme (dont cinq ans pour “fraudes fiscales et huit ans pour corruption). Tous ses biens ont été confisqués. Le deuxième, de nationalité française, directeur d’une grosse société à capitaux 100 % étrangers, la société Dông Nam, accusé de “fraudes fiscales” et de “contrebande” de téléphones portables Nokia, Samsung, entre autres, dont il est distributeur au Vietnam, a été jeté en prison. Son entreprise et autres biens ont été mis sous scellés.

De même, la coopération des scientifiques et des experts de haut niveau avec l’Etat, n’a pas non plus été satisfaisante. De sources officielles, on n’en a cité que deux exemples en 2004 : un volontaire Canadien de souche vietnamienne, qui travaille au ministère des Finances comme “conseiller et un second, venu de l’Australie, dans le cadre de l’aide d’experts onusiens au Vietnam.

III –  Le commerce extérieur

En 1991, le Vietnam perdait (45) l’aide économique précieuse du bloc communiste (plus de 2,2 milliards de dollars par an, accordé par l’URSS dans les années 1986-1990), ainsi que le marché traditionnel (le Comecon) (85 % de son commerce extérieur). Le Vietnam n’a pas eu d’autres choix que de se reconvertir à l’économie de marché. Déjà amorcé depuis 1986, la politique de “renouveau” économique a pris son plein régime dans la décennie 1990. La levée de l’embargo américain (février 1994) et le rétablissement de ses relations diplomatiques avec les Etats-Unis (juillet 1995) se sont traduits par l’afflux des capitaux étrangers (plus de 23 milliards de projets d’investissements de 1987 à 1996, dont 30 % ont été effectivement utilisés), et en même temps, des organismes financiers internationaux lui ont octroyé un montant d’assistant de 2,2 à 2,4 milliards par an, pour la réhabilitation d’infrastructures (ports, aéroports, voies ferrées, routes, autoroutes, etc.). Ses échanges commerciaux avec les pays dits “capitalistes” (essentiellement avec l’ASEAN) et autres pays asiatiques de la région (Hongkong, Taiwan, Corée du Sud, Japon) et avec l’Europe à économie libérale ont fait preuve de dynamisme et ont été prospères de 1991 jusqu’à la crise financière de juillet 1997.

Cependant, à partir de cette date, les débouchés du Vietnam n’ont cessé de se rétrécir comme une peau de chagrin, en raison de la rude concurrence des pays de la région. De 77 % en 1991, son commerce extérieur en Asie a été ramené à moins de 50 % aujourd’hui. Pour compenser cette perte importante, le Vietnam renforce désormais ses échanges commerciaux avec l’Europe à économie libérale et se retourne vers ses anciens partenaires commerciaux traditionnels (Russie, autres anciens pays socialistes de l’Europe de l’est, Chine). En même temps, il cherche à élargir et diversifier ses marchés au Moyen-Orient (Irak, Iran, Arabie saoudite, etc.), en Afrique et en Amérique latine.

Après la mise en vigueur du traité de commerce américano-vietnamien (décembre 2000), les échanges commerciaux entre les deux pays s’intensifient. Les Etats-Unis et l’UE sont devenus depuis 2003 les premiers partenaires commerciaux du Vietnam (avec un chiffre d’affaires d’exportation totalisant près de 53 %), alors que le marché asiatique est désormais relégué au 2e rang (46). Parmi les produits exportés (47), quatre sont particulièrement importants pour équilibrer la balance commerciale :

– Les produits de sous-traitance : Les exportations de produits sous-traitance (textile, habillement, chaussure, etc.) ont fourni un gain de 7 milliards de dollars en 2004. Pour la première fois, ils se placent au premier rang parmi les produits exportés, avant le pétrole relégué au 2e rang.

– Le pétrole brut : Sa production a atteint 20 millions de tonnes en 2004. Pour le budget de l’Etat, cela représente un gain de 5,7 milliards. Cependant, le Vietnam a dû importer 11 millions de tonnes de pétrole raffiné, qui lui a coûté 3,6 milliards de dollars.

– Les produits de pêche et de pisciculture : Après la crise asiatique, le Vietnam a perdu une part importante du marché japonais. Cette perte a été compensée, grâce à l’immense débouché américain. Ce marché a été ouvert en 2001, permettant au pays d’éviter la catastrophe économique dans ce secteur. L’exportation de produits de pêche et d’élevage (crevettes et poissons) a rapporté 2,4 milliards de dollars en 2004, dépassant de loin celle du riz.

– Le riz et autres produits agricoles : Relégué dorénavant à la 3e place parmi les produits exportés, le riz a rapporté en 2004 un peu moins d’un milliard de dollars. A ces quatre principales ressources de devises, il faut ajouter le caoutchouc naturel, le café et autres produits agricoles (poivre, thé, noix de cajou, etc.) pour un montant supérieur à deux milliards de dollars.

Le commerce extérieur du Vietnam a rapporté 26 milliards de dollars en 2004, contre 31,5 milliards, la somme de dépenses occasionnées par les importations (48), ce qui s’est traduit par un déficit record de la balance commerciale, semblable à l’année précédente (plus de 5 milliards de dollars).

Pour faire face à la récession économique (touchant à l’Asie depuis 1997) et compenser la chute inexorable des investissements étrangers, Hanoi a pris l’initiative de mener une politique dite de “stimulation à la consommation nationale pour la relance du développement de l’économie du pays. Pour ce faire, il a encouragé, d’une part, les “capitalistes nationaux” (les Vietnamiens exilés inclus) à investir pour accroître la production des biens de consommation, en vue de stimuler la consommation nationale (et d’autre part, des crédits massifs à taux préférentiel ont été débloqués pour subventionner les entreprises publiques en difficulté ou en faillite, dans le but de les maintenir en activité coûte que coûte, et d’éviter le licenciement des travailleurs. Cette politique aventureuse s’est traduite immédiatement par un déficit aggravé de la balance commerciale. Le contrôle inefficace de la masse monétaire et la corruption à tous les niveaux se sont traduits par sa mise en circulation excessive sur le marché, menaçant le dérapage inflationniste.

Heureusement, le déficit a pu être comblé, grâce aux devises envoyées par la diaspora vietnamienne. A cela on peut ajouter un milliard de dollars d’investissement direct des pays étrangers et d’aide économique de l’Union européenne, du Japon et des organismes financiers internationaux. Pourtant, le taux d’inflation a atteint 9,5 % (plus de 10 % selon les experts de l’ONU) en 2004 (presque le double du maximum d’inflation fixé par l’Etat à 5 %).

IV – Le niveau et les conditions de vie de la population

D’après la FAO, le Vietnam était parmi les dix pays les plus pauvres du monde, avec un revenu per capita de 120 dollars en 1988. Ce n’est qu’à partir de 1990, c’est à dire trois ans après l’application effective de la politique de “renouveau” sur l’ensemble du pays que l’économie vietnamienne a pris son élan et que la population est sortie de la misère pour vivre dans la pauvreté.

Le paradoxe est que les années qui ont suivi la “Révolution au lieu d’améliorer le niveau et les conditions de vie des populations, les ont appauvries ! Avant 1975, le niveau de vie des Vietnamiens était semblable, voire supérieur à celui de certains pays de l’Asie du Sud-est (comme la Thaïlande, les Philippines ou l’Indonésie par exemple). Le revenu per capita de l’ex-République du Viet-nam oscillait autour de 270-290 dollars US en 1971-1972, alors que ce même revenu trente ans après la chute du régi-me de Saigon est resté encore bas (340 dollars/tête d’habitant en 2002), nettement inférieur à celui des autres pays membres de l’ASEAN (Singapour : 27 300 dollars US ; Malaisie : 3 800 ; Thaïlande : 2 800 ; Philippines : 1 100).

La misère, la disette et la sous-alimentation persistent dans les régions rurales. Les conditions de vie des populations urbaines sont meilleures. Cependant, dans les grandes villes les inégalités et les injustices sociales sont choquantes. La corruption y est partout visible. Privés de tout confort matériel pendant les trente ans de guerres de “libération” (1945-1975), les cadres, venus du Nord-Vietnam n’ont pu résister aux nombreuses tentations du Sud-Vietnam. Pauvres à leur arrivée dans le Sud en 1975, beaucoup d’entre eux sont devenus au bout de quelques années de “nouveaux riches Les multimillionnaires en dollars américains seraient au nombre de 1 000, certains parlent de 3 000. On recenserait des milliardaires parmi les personnages haut placés de la nomenclature alors que 80 % de la population vietnamienne vit sous le seuil de pauvreté, sans avoir aucun espoir d’amélioration de leurs conditions de vie. Les inégalités et les injustices sociales ont entraîné une perte de prestige du PCV, qui s’est montré jusqu’à présent inefficace, voire impuissant, face à la croissance inquiétante de la corruption.

Face aux revendications accrues des paysans, des leaders spirituels et à l’opposition d’autres catégories socio-professionnelles, Hanoi est resté toujours ferme, sans faire aucune concession. Il a même déployé des forces anti-émeutes pour rétablir “l’ordre socialiste Sous prétextes de la “défense de la sécurité nationale et de l’intégrité du territoire il renforce le régime militaro policier pour maintenir la “stabilité politique” (sic). Dans de telles conditions, il se trouve dans l’impossibilité de réduire les énormes dépenses consacrées aux deux appareils du Parti (plus de 2,7 millions de membres) et de l’Etat (plus de 7 millions de fonctionnaires), sans prendre en compte 600 000 soldats de l’armée populaire et plus de 800 000 agents de sécurité, qui grèvent le budget national (autour de 60 %).

V – Les perspectives d’avenir du Vietnam

La décision N° 10, le Code des investissements étrangers et autres mesures de “libéralisation” économique, prises par Hanoi depuis le VIe congrès (1986) vont dans le bon sens. Grâce à ce changement opportun d’orientation économique, le Vietnam a réussi à contourner les obstacles et éviter l’effondrement de l’économie et du régime, lors de la disparition du bloc communiste de l’Europe de l’est et de l’URSS. Son ouverture et ses échanges commerciaux avec les pays dits “capitalistes” lui ont permis d’échapper à son isolement international et de sortir de la crise sans précédent, qui avait duré plusieurs décennies.

Cependant, malgré quelques progrès accomplis depuis les années 1990 dans l’agriculture, l’industrie et le commerce extérieur, d’importants problèmes demeurent. La pression inflationniste, la menace constante de la récession (voire de la crise économique) et autres difficultés de taille d’ordre politique et social sont loin d’être repoussées.

Pour faire face aux difficultés économiques, les dirigeants des plus hautes instances du PCV et de l’Etat réaffirment la poursuite du “renouveau processus de “libéralisation” économique engagé depuis vingt ans. Bien qu’engagés dans la voie de l’économie de marché, ils continuent de préserver l’essentiel des dogmes marxistes-léninistes. Ils mettent toujours l’accent sur la prédominance et le rôle dirigeant du secteur étatique dans l’économie nationale.

L’Etat vietnamien ne peut convaincre les organismes financiers internationaux avec une stratégie de développement économique tout à fait contraire aux réformes préconisées par les gros bailleurs de fonds. Par voie de conséquence, le Vietnam ne pourra compter sur eux pour obtenir l’aide économique, financière et technique massive, nécessaire pour la relance du développement de l’économie nationale.

De même, en matière politique, aucune concession n’a été faite susceptible d’ouvrir la voie vers la démocratie, le pluralisme et le multipartisme, conditions préalables exigées par les Occidentaux, pour bénéficier pleinement de leur aide économique et technique. Le Parti communiste vietnamien garde imperturbablement “son rôle d’unique force dirigeante de l’Etat et de la société 

Face aux vagues de revendication des paysans, des minorités ethniques (restitution de leurs terres ancestrales) et des autres catégories socioprofessionnelles (universitaires, cadres du Parti, intellectuels, scientifiques, techniciens, artistes, retraités, militaires, leaders spirituels, etc.), qui n’ont cessé d’exiger plus de démocratie, de libertés de parole, de croyances, etc. Les dirigeants de Hanoi ont fait la sourde oreille et réaffirmé sans ambiguïté que “le PCV et le peuple sont déterminés à édifier le Vietnam, en suivant la voie du socialisme et de la pensée de Hô Chi Minh 

Aux difficultés politiques, financières et économiques, il faut ajouter celles de l’incompétence du personnel politique, administratif et technique à tous les niveaux. Les dirigeants responsables, aussi bien dans les instances du Bureau politique, du Comité central et des ministères que dans les instances régionales (provinces, districts, arrondissements) ont en général un bas niveau d’instruction. Beaucoup d’entre eux n’ont même pas terminé leurs études dans l’enseignement primaire. Ils témoignent souvent d’un esprit étroit, conservateur et dogmatique. Leur ignorance des mécanismes de l’économie de marché, de la gestion et de la technologie est presque totale. La compétence des cadres scientifiques et techniques laisse à désirer. Ils sont “plutôt rouges qu’experts Ils ont été formés dans des écoles marxistes-léninistes aux méthodes de production et de gestion socialistes, leurs connaissances scientifiques sont aujourd’hui périmées. Ils éprouvent beaucoup de difficultés à s’adapter à l’économie de marché. “Un cadre sur dix seulement a déclaré le Premier ministre devant les cadres du Parti, “peut être utilisé” !

En résumé, la rigidité du système marxiste-léniniste, la corruption aggravée, l’incompétence du personnel politique, administratif, scientifique et gestionnaire, le conservatisme exacerbé, le double langage des dirigeants risqueraient d’avoir de graves conséquences sur les investissements étrangers et les crédits internationaux, clés de la réussite de réformes, de la relance de l’économie et de l’intégration du Vietnam dans la mondialisation du commerce.

Notes

(9) Cf. Lâm Thanh Liêm, “Le Vietnam face à la crise financière asiatique in Reflets d’Asie.

(10)Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 20, du 10-05-2001, pp. 14-16.

(11) Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 20, op. cit., p. 16.

(12)Magazine Tuôi Tre, n° 1, du 04-01 au 10-01-2004, p.20.

(13)Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 33, du 08-08-2002, p. 8.

(14)Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 15, du 03-04-2003, p. 18.

(15)Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 14, du 27-03-2003, p. 11.

(16)Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 2, du 06-01-2005, p. 9.

(17)Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 51, du 11-12-2005, p. 7.

(18)Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 15, du 03-04-2003, p. 14-15.

(19)Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 16, du 16-04-2003, p. 7 ; Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 15, du 03-04-2003, p. 15.

(20)Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 34, du 19-08-2004, p. 38.

(21)Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 34, op. cit., p. 38.

(22)Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 2, du 06-01-2005, p. 9.

(23)Cf. Lâm Thanh Liêm, “Le tourisme au Vietnam : renaissance et crise”, in Eglises d’Asie (Cahier de documents, n° 5, 1997), pp. 30-37.

(24)Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 24, du 05-06-2003, p. 13 ; Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 26, du 19-06-2003, p. 7.

(25)Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 1, du 01-01-2004, p. 8.

(26)Avis du 08-04-2005.

(27)Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 51, du 12-12-2002, p. 1

(28)Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 49, du 28-11-2002, pp. 30 et 36.

(29)Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 3, du 10-01-2002, p. 5

(30)Cf. Lâm Thanh Liêm, “Le tourisme au Vietnam : renaissance et crise op. cit., pp. 34-37.

(31)Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 51, du 12-12-2002, p. 1.

(32) Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 30, du 27-07-1998, p. 4.

(33)Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 51, du 17-12-1998, p. 4.

(34)Cf. Lâm Thanh Liêm, “Vers la mutation progressive de la société et du PCV ?”, in Reflets d’Asie, n° 67, Institut de l’Asie du Sud-Est, Paris, 2001, p. 8.

(35)Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 49, du 29-11-2001, p. 11.

(36)Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 1, du 27-12-2001, p. 11.

(37)Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 1, op. cit., p. 11.

(38)Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 20, du 11-12-2004, p. 39.

(39)Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 1, du 26-12-2002, p. 42.

(40) Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 50, du 05-12-2002, p. 5. ; Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 42, du 10-10-2002, p. 13.

(41)Lâm Thanh Liêm, “La diaspora vietnamienne dans le monde”, in Reflets d’Asie, n° 40, Institut de l’Asie du Sud-Est, Paris, 1995, p. 4.

(42)Thoi Bao kinh tê Saigon, n° 23, du 01 au 07-06-1995, p. 15.

(43)Magazine Tuôi Tre (‘Jeunesse’), n° 1 du 04 au 10-01-2004, p. 25 ; Saigon-Eco, janv.-fév., 2001, p. 23.

(44)Magazine Tuôi Tre, n° 1, du 04-01 au 10-01-2004, p. 25.

(45)Thoi bao kinh tê Saigon, n° 3, du 09-01-2003, pp. 5 et 25.

(46)Lâm Thanh Liêm, “Bilan de dix années du “renouveau” économique du Vietnam”, in Reflets d’Asie, n° 44, Institut de l’Asie du Sud-Est, Paris, 1996, p. 11.

(47)Thoi bao kinh tê Saigon, n° 1, du 01-01-2004, p. 12.

(48)Thoi bao kinh tê Saigon, n° 33, du 12-08-2004, p. 42.