Eglises d'Asie

Des militants issus des milieux religieux et de la dissidence politique lancent des manifestes et créent le premier journal indépendant

Publié le 18/03/2010




Pour préparer le Xe Congrès du Parti communiste, qui s’est tenu à Hanoi du 18 au 24 avril dernier, les dirigeants vietnamiens avaient appelé tous les milieux sociaux à apporter leurs contributions à ces assises du Parti. Ces contributions ont fait la une de la presse officielle, qui les a souvent rapportées dans le détail. Mais elle a soigneusement laissé dans l’ombre des manifestations d’un tout autre esprit puisqu’elles émanaient d’une opposition radicale qui, au même moment, a vu le jour. Animé par des personnalités issues des religions et de la dissidence, un mouvement s’est formé, qui est à l’origine de divers manifestes et appels à la liberté ainsi que de la création du premier journal indépendant du Vietnam.

Dans les temps qui ont précédé le Xe congrès, des manifestes appelant à la démocratie et à la liberté d’expression ont été publiés et proposés à la signature de leurs lecteurs. Le 6 avril paraissait un “Appel à la liberté des associations politiques Dans sa publication, il était suivi de 116 signatures. Deux jours plus tard, était diffusé un autre texte, intitulé “Manifeste 2006 pour la liberté et la démocratie au Vietnam Ce document de cinq pages réclamait pour le Vietnam un système politique pluraliste et exigeait pour les citoyens un certain nombre de droits encore absents, les libertés d’information, d’opinion, de religion, d’association, de rassemblement ainsi que la création de syndicats livres. Le dernier document était suivi de 118 signatures. Une vingtaine d’entre elles étaient celles de prêtres catholiques, en majorité de la région centre. Des pasteurs, des religieux bouddhistes, le dirigeant du hoa hao, Lê Quang Liêm, avaient aussi donné leur accord. On trouvait également parmi les signataires, un certain nombre de dissidents, d’anciens prisonniers politiques, d’anciens membres du Parti communiste, des universitaires, des enseignants, des ingénieurs, des hommes d’affaires et diverses autres personnes. C’est la première fois que des documents de ce type recevaient l’accord de tant de personnes.

A la même époque, les mêmes militants lançaient le premier journal non gouvernemental du Vietnam, Liberté d’opinion (Tu Do Ngôn Luân). Les deux premiers numéros du journal ont été publiés sur papier et diffusés sur Internet dans les derniers jours d’avril. Le directeur en est le P. Etienne Chân Tin, prêtre rédemptoriste bien connu, et, pour le moment, le comité de rédaction est composé du P. Nguyên Van Ly et du P. Phan Van Loi. Les reporters et journalistes du nouvel organe de presse se sont regroupés dans une association appelée “Association des journalistes libres du Vietnam 

Ces initiatives n’ont pas manqué de susciter l’inquiétude des autorités vietnamiennes. Le directeur pour l’Asie de Human Rights Watch, organisation de défense des droits de l’homme dont le siège est à Washington, vient de publier un communiqué (1), dénonçant les menaces que font planer les autorités sur les signataires des divers manifestes. Il souligne d’abord le risque pris par ceux qui ont donné leur adhésion aux déclarations contenues dans ces documents, tout en sachant que, dans le passé, les rares signataires de textes de ce type ont tous, sans exception, subi la répression policière. Le représentant de l’organisation de défense des droits de l’homme ajoute encore que la répression a déjà commencé. En effet, après la publication du premier manifeste, le 6 avril dernier, la police a arrêté et interrogé pendant quelque temps quelques-uns des signataires, comme l’écrivain Dô Nam Hai (nom de plume Nam Phuong), le pasteur Nguyên Hông Quang, responsable de l’Eglise mennonite au Vietnam, le juriste Nguyên Van Dai. Les policiers ont scellé l’ordinateur de Nam Phuong et sont intervenus auprès des responsables du serveur pour que son accès à Internet soit bloqué.

Le 30 avril suivant, les adhérents du nouveau mouvement, qui s’appelle désormais “le groupe du 9 avril 2006 en référence à la date du second manifeste, ont publié une lettre de protestation, signée de 178 personnes dénonçant les tracasseries policières subies par les trois signataires du manifeste. Dans cette lettre, deux prêtres expriment leurs intentions d’entamer une grève de la faim, si des arrestations avaient lieu.